Intervention de Anne Froment-Meurice

Réunion du 19 octobre 2016 à 18h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Anne Froment-Meurice, présidente de chambre :

Il n'est pas totalement étonnant qu'une industrie naissante n'atteigne pas sa rentabilité instantanément. Les entreprises du secteur devaient trouver leur place sur le marché et consentir des investissements commerciaux massifs – on a même parlé de guerre des prix. Cependant il est vrai que, six ans plus tard, nous constatons que leur situation est toujours précaire, et que le marché est caractérisé par une forte concentration.

Outre les fortes contraintes réglementaires auxquelles les jeux en ligne sont soumis – mais elles concernent également tout le secteur –, nous estimons que leur situation s'explique principalement par le régime fiscal dont ils relèvent, et par leur insuffisante attractivité.

Le régime fiscal du jeu en ligne est particulier car les mises constituent l'assiette du prélèvement. En conséquence, le taux de prélèvement ne dépend pas du revenu de l'opérateur, mais de la consommation des joueurs. Avec les paris à cote fixe, il est donc possible qu'un opérateur soit imposé alors qu'il n'a enregistré aucun bénéfice. On impose alors des pertes. Dans la grande majorité des pays européens, le produit brut des jeux constitue l'assiette du prélèvement, ce qui paraît plus conforme à la réalité économique. Dès 2011, le rapport prévu par la clause de revoyure de la loi de 2010 préconisait de faire de même en France, mais, depuis, certains préalables n'ont toujours pas été levés. Nous avons essayé d'avancer sur le sujet en soulignant les inconvénients que présente l'actuelle définition de l'assiette de taxation. Nous estimons surtout qu'il est nécessaire de mener l'étude d'impact globale de la fiscalité des jeux. Elle permettra de vérifier notre analyse relative au problème de l'assiette.

L'autre raison pouvant expliquer l'échec des opérateurs de jeux en ligne réside dans un certain manque d'attractivité de ces jeux, qu'il convient de chercher à renforcer par une régulation à la fois plus complète, plus large et surtout plus réactive. L'une des voies de renforcement de l'attractivité consisterait à élargir les segments sous agrément. Là encore, des propositions ont été faites dès 2011 et ce n'est que cinq ans plus tard, en 2016, que la tutelle a accepté d'ouvrir à la régulation de nouvelles variantes de poker ainsi que des tables européennes de jeu. Dans un marché très évolutif, mettre cinq ans à répondre aux attentes des joueurs, c'est beaucoup trop long. Durant ce délai, les joueurs ont quitté la France avec leur base fiscale, et d'autres sont allés vers le secteur illégal, où ils trouvaient un attrait récréatif plus favorable que celui existant dans le secteur légal. Parallèlement, certains opérateurs se sont découragés et se sont retirés de ces segments – d'où la concentration actuellement constatée.

La mise en place de la régulation globale que nous proposons devrait inclure une veille permanente du secteur de nature à permettre d'apprécier en temps réel, mais aussi en temps utile, l'évolution des attentes des joueurs et des caractéristiques de l'offre.

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