Intervention de Gilles Savary

Séance en hémicycle du 11 janvier 2017 à 21h30
Débat sur le socle européen des droits sociaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary :

Il faut saluer le travail remarquable réalisé par nos collègues Jean-Patrick Gille, Sophie Rohfritsch et Philippe Cordery, dont le champ excède de beaucoup celui du seul travail détaché, mais vous ne serez pas étonnés que je revienne sur cette question.

Tout d’abord, contrairement à ce qu’affirme M. Carvalho, des résultats très probants ont été obtenus en France, grâce à la législation la plus ferme, la plus sévère et la plus développée d’Europe. Notre pays compte cependant encore 285 000 travailleurs détachés en règle, ce qui signifie donc aussi qu’il existe des problèmes, des métiers en tension qui ne trouvent pas de travailleurs français. Il faut éviter que ce débat ne glisse vers une forme de xénophobie qui prétendrait, comme je l’ai entendu, interdire le travail détaché. Ce serait nous tirer une balle dans le pied, d’autant que la France elle-même détache 300 000 personnes pour vendre nos produits à travers le monde et en assurer la maintenance.

La question n’est donc pas celle du détachement mais du détachement à conditions sociales égales. C’est le principe de la révision de la directive de 1996, qui n’est pas complètement aboutie, même si, selon une étude très précise dont nous disposons, en France, à condition que la loi soit respectée, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – et le pacte de solidarité font qu’aujourd’hui, dans les métiers peu qualifiés – rémunérés à moins de 1,6 SMIC –, un travailleur français est devenu moins cher qu’un travailleur détaché de l’Est. Il faut que ce soit clair dans l’esprit de tout le monde.

Il faut que l’on soit capable de suivre très précisément le parcours du travailleur détaché qui vient de l’Est afin de s’assurer qu’il travaille bien dans une entreprise à titre permanent dans son pays et qu’il a une couverture sociale. Or la seule preuve dont nous disposions à cet est le formulaire A1 que le travailleur doit conserver par devers lui, qui présente le double inconvénient de ne pas être contestable par l’État membre d’accueil et d’être falsifiable. C’est pourquoi nous avions proposé, dans le cadre de la résolution européenne du 11 juillet 2013, de créer une carte de travailleur européen, carte électronique qui permettrait d’assurer une traçabilité totale du travailleur détaché et donc de vérifier qu’il est bien en règle.

Je me permets donc de vous demander, monsieur le secrétaire d’État, comment vous envisagez de faire progresser cette proposition au niveau européen. Nous savons que la mise en place d’une telle carte est possible puisque la France s’est déjà dotée d’un tel dispositif – il a été présenté la semaine dernière par le Premier ministre et Mme El Khomri.

Chacun connaît mon opinion : la plus grande des dérives, c’est d’avoir inventé le détachement d’intérim, qui est un détachement de placement et non un détachement d’accompagnement des échanges économiques. Le détachement d’accompagnement des échanges économiques est sain mais le marché européen a cédé à une dérive, qui consiste à faire du placement de travailleurs qui sont en réalité au chômage. Le problème devra bien être posé à l’échelle européenne.

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