Intervention de Jean-Louis Roumegas

Réunion du 21 février 2017 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas, co-rapporteur :

Je voudrais rappeler d'ores et déjà ce qui était notre démarche pour cette mission d'information. M. Rudy Salles et moi-même voulions faire un état des lieux de l'environnement en Méditerranée, évaluer les politiques publiques menées par l'Union européenne et, faire des propositions, car le travail est encore immense pour la protection de l'environnement du Bassin Méditerranéen. En effet, d'aucuns parlent à raison de « burn out » de la Méditerranée ou pour parler français d'épuisement.

Le Bassin méditerranéen est remarquable par son climat et la mer commune qui relie trois continents, pour son patrimoine et ses paysages culturels et par le sentiment d'appartenances partagées des populations des trois rives au monde méditerranéen.

La Méditerranée ou « mer au milieu des terres » est une mer semi-fermée entourée de vingt-deux pays riverains. Elle représentait en 2015 : 5,7 % des surfaces émergées de la planète ; 8 % de la population mondiale avec 466 millions d'habitants ; 33 % du tourisme international avec 250 millions de visiteurs ; 13 % du PIB mondial ; 60 % des pays pauvres en eau ; 8 % des émissions de CO2.

L'état des lieux de la Méditerranée est alarmant, que ce soit pour les écosystèmes marins qui subissent des pressions toujours plus fortes, ou que ce soit pour les zones humides et lagunes qui font l'interface entre le milieu marin et la terre. Selon le Global Footprint Network, le capital environnemental de la région méditerranéenne est dépensé plus vite qu'il ne se renouvelle. La mer Méditerranée apparaît donc beaucoup plus fragile que l'océan, puisqu'elle constitue un espace clos dont les eaux se renouvellent en un siècle.

La pression démographique et la course à l'urbanisation littorale font que la Méditerranée est victime de pressions convergentes, dont nous avons essayé de faire l'inventaire dans le rapport. Je rappelle que les activités terrestres sont responsables de 80 % de la pollution marine. Ces pressions sont les suivantes :

- les eaux usées, même si l'assainissement s'est notablement amélioré depuis une quinzaine d'années ;

- les pollutions dites « historiques » (pesticides, nickel, mercure, polluants organiques persistants). Il est probable que la pollution des métaux lourds s'accentue en mer, surtout sur la rive nord, pour ce qui est du mercure et du plomb.

- les pollutions émergentes, c'est-à-dire les produits cosmétiques et pharmaceutiques ;

- les déchets, tels que les plastiques notamment, qui font courir un risque de polymérisation du bassin.

- la poussée des phytotoxines dans les lagunes du Bassin.

Voilà pour les menaces terrestres, à quoi s'ajoutent les pressions exercées directement dans le milieu marin.

Premièrement, la pêche professionnelle, et aussi la pêche de loisir, qui est une activité en plein essor. Des études récentes ont montré que les prélèvements de la pêche récréative étaient d'un ordre de grandeur comparable à ceux de la pêche professionnelle aux petits métiers. L'état des stocks halieutiques dans l'ensemble du Bassin est calamiteux : 96 % des stocks de poissons benthiques et 71 % des stocks vivant en pleine eau (sardine et anchois) sont surexploités.

Deuxièmement, l'explosion du trafic maritime et de la plaisance. La Méditerranée est l'une des principales routes maritimes du commerce international par laquelle transite près du tiers des échanges mondiaux.

Troisièmement, le transport maritime est responsable de nombreuses pollutions et perturbations, nuisant gravement aux espèces et aux habitats marins et littoraux : les accidents, un facteur aggravant étant le gigantisme des navires ; les pollutions chroniques que sont les dégazages d'hydrocarbures ; les pollutions aérologiques imputables à la propulsion des navires et les eaux de ballast ; les collisions avec les grands cétacés ; les déchets marins ; enfin le bruit sous-marin qui est omniprésent dans certaines zones de trafic dense.

Quatrièmement, le développement des espèces invasives, dont l'apparition en Méditerranée date de l'ouverture du canal de Suez en 1869, mais dont l'accélération est due en grande partie à l'accroissement du trafic maritime sur une trentaine d'années et aux déballastages.

L'Union européenne a mis en place un arsenal juridique complet pour lutter contre ces pollutions : les directives sur la qualité des eaux – directive « nitrates », directive « eaux résiduaires » –, les directives sur la protection des espèces – oiseaux sauvages, directive Natura 2000 – et récemment les deux directives maritimes : la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » et la directive-cadre « pour la planification de l'espace maritime ».

Les normes de protection instaurées par la politique européenne de l'environnement sont parmi les plus élevées au monde. C'est une référence et un modèle pour irriguer les nombreuses politiques nationales de l'environnement.

Pourtant, l'Agence européenne de l'environnement a constaté dans de nombreux rapports lors des dix dernières années les résultats mitigés de la politique de l'environnement et notamment dans quatre secteurs : la protection de la biodiversité, la qualité du sol, la qualité des eaux et la préservation du milieu côtier et marin.

En outre, le secteur de l'environnement est celui qui suscite le plus grand nombre de cas d'infractions examinées par la Commission : 20 % des infractions, pour transposition tardive ou mauvaise application du droit communautaire. Les difficultés d'application du droit communautaire de l'environnement s'expliquent pour une partie par le caractère transversal de l'enjeu environnemental. En effet La transposition des textes doit faire intervenir au niveau national de nombreux acteurs – ministères, collectivités locales – dont la coordination peut être difficile. Deuxièmement, certaines directives comme les directives « nitrates » et « eaux résiduaires urbaines » alimentent un contentieux important et récurrent car elles impliquent une remise en cause des pratiques agricoles et des investissements importants des collectivités locales. Troisièmement, certaines directives rencontrent encore une opposition de certains, comme la directive « oiseaux sauvages ».

Selon nous, la politique européenne de l'environnement doit passer à une étape supérieure en s'appuyant sur des approches territoriales, croisant protection de l'environnement et protection du littoral, sur des mesures fiscales qui nécessitent cependant l'unanimité au Conseil.

À cet arsenal juridique européen, s'ajoute la politique européenne de la pêche. Le commissaire Vella – chargé de l'environnement, des affaires maritimes et de la pêche – a fait du développement de la pêche durable en Méditerranée la priorité de son mandat. La Présidence maltaise du Conseil a déclaré tout récemment sa priorité, dans le domaine de la pêche, à la surveillance des stocks de poissons, les plans de gestion de certaines espèces très menacées ainsi que les mesures techniques. Le modèle est le plan de gestion adopté pour le thon rouge. En six ans, les stocks de thon rouge ont pu se reconstituer et pourtant les réticences étaient considérables lors de l'adoption de ce plan par l'Europe. Un plan de gestion du stock de l'espadon vient d'être adopté par la Commission pour 2017.

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