Intervention de Général Christophe Gomart

Réunion du 26 mai 2016 à 14h30
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Général Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous dire l'honneur qui est le mien de m'exprimer devant vous aujourd'hui.

Je centrerai mon propos sur la DRM, les moyens qu'elle met en oeuvreen soutien de l'opération Chammal et ses relations avec les autres services de renseignement, avant de dresser un état de la situation au Levant.

La mission de la DRM est de fournir du renseignement d'intérêt militaire (RIM). Le RIM est la partie du renseignement qui s'intéresse aux parties des forces vives – États, organisations militaires ou paramilitaires, ou encore guérilla – et de l'environnement qui sont susceptibles d'avoir des conséquences sur nos forces et nos intérêts vitaux. Par le RIM il s'agit donc d'éclairer la décision des responsables politiques – le ministre de la défense, dont le DRM est le conseiller RIM – et des chefs militaires – chef d'état-major des armées (CEMA), auquel est subordonnée au premier chef la DRM – et d'appuyer nos forces armées dans leur manoeuvre en opérations et lorsqu'elles se préparent à être déployées.

Le défi de la DRM est donc de couvrir un spectre large : appuyer directement les opérations en cours – Barkhane, Sangaris, Daman et Chammal – en participant à la conception et à la conduite de la manoeuvre des forces engagées par la connaissance de l'adversaire – combien sont-ils, comment sont-ils organisés, quelles sont leurs capacités, leurs faiblesses ? –, maintenir une capacité d'anticipation pour planifier les opérations potentielles et être vigilants sur les théâtres potentiels d'opération dans des zones « crisogènes » – Libye, Nigeria, Ukraine, Yemen, Syrie où l'on s'apprêtait à bombarder fin août 2013 –, enfin contribuer à la veille stratégique indispensable à la définition des outils de notre dissuasion nucléaire et à la conception de nos armements par la connaissance des grandes puissances militaires potentiellement adverses.

Pour accomplir ses missions, la DRM dispose aujourd'hui de 1 800 personnes, dont un quart de personnel civil, réparties sur trois emprises principales : le site Balard à Paris – 150 personnes –, Creil – 850 personnes – et Strasbourg – environ 150 personnes au Centre de formation interarmées au renseignement (CFIAR), qui doit être déménagé à Creil dans un avenir proche. L'organisation de la DRM repose sur trois sous-directions – recherche, exploitation et appui –, un pôle stratégie qui travaille de manière transversale de façon à améliorer l'efficacité et la pertinence de la Direction, et un centre de coordination du cycle du renseignement.

En termes de moyens, je dispose de cinq centres d'expertise : le Centre de formation et d'interprétation interarmées de l'imagerie (CFIII) pour le domaine image, le Centre de formation et d'emploi relatif aux émissions électromagnétiques (CFEEE) pour le domaine électromagnétique, le Centre interarmées de recherche et de recueil du renseignement humain (CI3RH) pour la recherche humaine, le Centre de renseignement géo-localisé interarmées (CRGI) pour le renseignement géospatial et le Centre de recherche et d'analyse cyber (CRAC) pour le renseignement d'origine cybernétique. Je mets en oeuvre des moyens de recueil qui me sont dédiés : je dispose de neuf centres d'interception satellitaires, d'un bateau de recueil électromagnétique, le Dupuy de Lôme, de régiments dédiés à la recherche humaine, comme le treizième régiment de dragons parachutistes, de satellites d'observation, ou encore d'avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR) qui sont aujourd'hui principalement déployés au profit des opérations Chammal et Barkhane et combinent des capacités de recueil d'images et de recueil électromagnétique. Je peux également disposer des moyens mis à disposition des armées, comme les Rafale, les ATL2, les bateaux de la marine nationale et les régiments de transmission.

Dans le domaine capacitaire, je souhaite enfin évoquer les lois du 24 juillet 2015 et du 30 novembre 2015 relatives au renseignement. Elles ont offert à la DRM des possibilités d'utilisation de techniques de recueil de renseignement sur le territoire national sous le contrôle du groupement interministériel de contrôle (GIC) et de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Cela me permet notamment d'assurer la surveillance de communications émises ou reçues par des cibles situées à l'étranger.

À la suite des attentats qui ont frappé notre sol en 2015, il a été décidé d'augmenter les effectifs de la DRM au même titre que les autres services de renseignement. Pour ce qui concerne la DRM, le renforcement en effectifs est de 432 personnes supplémentaires sur la période 2016 à 2019 dans le périmètre du CEMA, et ce en deux vagues : 212 personnes suite aux attentats de janvier 2015 visant Charlie Hebdo et 220 personnes, ainsi que des financements supplémentaires, à la suite des attentats du 13 novembre 2015, le Président de la République ayant décidé de stabiliser les effectifs au sein des armées tout en demandant de poursuivre les efforts de réorganisation au bénéfice des forces opérationnelles, du renseignement et de la cyberdéfense.

Cet effort budgétaire nous permet par exemple de développer nos systèmes d'information et de communication pour mieux partager le renseignement avec les unités militaires qui appartiennent à la fonction interarmées du renseignement mais surtout avec les services partenaires de la communauté nationale du renseignement, de nous doter de moyens supplémentaires de traitement des données, de développer la capacité de cybernétique essentielle pour la DRM, ce qui nous permettra de continuer à nous adapter aux nouvelles applications qui ne cessent d'être mises sur le marché ou encore de renforcer nos capacités d'investigation du Web, de disposer d'ALSR en plus grand nombre, des avions que nous louons, les armées françaises n'en disposant pas en patrimonial à l'heure actuelle – l'achat de deux ALSR en patrimonial est planifié dans le cadre de la LPM.

Je vous propose à présent d'examiner la manière dont la DRM est organisée pour répondre aux besoins de l'opération Chammal au Levant.

Le suivi de la crise au Levant nécessite une approche fine en termes de renseignement en raison de la complexité de la situation. Nous devons mettre en oeuvre des moyens adaptés afin de disposer d'une appréciation autonome.

La stratégie renseignement de la DRM au Levant repose sur quatre axes : une organisation optimisée autour d'une nouvelle structure, le plateau Levant, que j'ai créée en janvier 2015, un dispositif de capteurs dense fondé sur la complémentarité des capteurs, humains et techniques, complétés par des moyens de surveillance, d'acquisition d'objectifs, de renseignement et de reconnaissance (SA2R) déployés sur le terrain, le développement d'échanges avec les pays accueillant les détachements renseignement ainsi qu'avec d'autres partenaires comme les États-Unis, et le travail en inter-agences au sein de la communauté nationale du renseignement.

Sur le plan organisationnel, tout d'abord, la DRM a mis en place au niveau stratégique une structure intégratrice du renseignement appelée « plateau Levant », située à Paris, au sein du J2, c'est-à-dire du bureau de renseignement du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), de façon à améliorer l'efficacité du cycle de renseignement et mieux répondre aux besoins des opérations. Ce plateau intègre en un même lieu, au plus près de ceux qui conduisent les opérations, les spécialistes de la recherche et les analystes de l'exploitation de façon à échapper à la logique de silo qui prévalait auparavant. Il permet ainsi de combiner les différentes expertises liées à l'analyse, au renseignement à fin de ciblage et à l'orientation des capteurs, le renseignement inter-agences, avec la cellule Hermès, dont je reparlerai, ainsi qu'une cellule de coordination et d'analyse du renseignement d'origine électromagnétique basée à Balard et qui couvre également la Libye dans une logique de suivi transversal de Daech.

Ce plateau a pour mission d'exploiter les renseignements recueillis sur le théâtre, puis de les croiser, de les synthétiser et de les diffuser. Il est également responsable des briefings aux hautes autorités militaires et de la diffusion des points de situation aux différents organismes militaires ou politiques. De plus, le plateau DRM appuie tous les jours les opérations conduites par la force Chammal en orientant la recherche et en manoeuvrant les capteurs de niveau stratégique pour au final frapper avec la plus grande justesse possible le groupe Daech.

Il est en lien permanent avec le niveau opératif situé à Abu Dhabi, par l'intermédiaire d'un adjoint au renseignement issu de la DRM, qui dispose d'une structure renseignement dédiée, appelée « J2 Chammal » et armée par du personnel des armées et de la DRM. Cet adjoint conseille le COMANFOR, coordonne les efforts de tous les acteurs du renseignement du théâtre – mis à disposition par les armées – et de la DRM en veillant au bon fonctionnement de la chaîne de renseignement.

Enfin, j'ai mis en place un officier de renseignement auprès du général français à Tampa, au central command américain en charge des opérations américaines au Levant.

En termes de capteurs, je dispose de moyens propres tels que les satellites d'observation, comme Hélios et Pléiades, et recours également aux satellites allemand SAR-Lupe et italien COSMO-SkyMed. J'ai par ailleurs un lien avec la National Geospatial-Intelligence Agency américaine. Parmi les autres moyens propres, je dispose de centres d'interceptions satellitaires fixes tout autour du monde, du bateau de recueil Dupuy De Lôme, d'un ALSR doté de capacités de renseignement d'origine image (ROIM) et électromagnétique (ROEM), d'un détachement spécialisé en ROEM, d'un détachement auprès de l'Iraqi Counter Terrorism Service (ICTS) à Bagdad, de renforts en ambassade à Beyrouth et Amman, d'un Centre de recherche et d'analyse cybernétique (CRAC), à partir de Creil, qui se charge notamment de l'exploitation des sources ouvertes.

Je dispose également des moyens aériens, terrestres et maritimes mis en oeuvre par les armées et déployés à proximité du théâtre. Il s'agit par exemple d'un détachement et d'un C-160G « Gabriel », de baies d'interceptions COMINT embarquées sur des bâtiments de la marine nationale en Méditerranée orientale et dans le Golfe arabo-persique, d'un avion AWACS, ainsi que d'un ATL2 avec communication intelligence (COMINT), et, dans le domaine du renseignement image, de Rafale air et marine lorsque le groupe aéronaval (GAN) est déployé, ainsi que d'un autre ATL2 en Jordanie.

Il est indispensable pour moi de combiner tous les types de renseignement et donc tous les types de capteurs, distants ou de proximité, pour pouvoir caractériser l'activité ennemie.

Ainsi, malgré une maîtrise par Daech des techniques de dissimulation vis-à-vis des capteurs images – à Raqqah, par exemple, ils ont couvert les rues de bandes de tissu qui empêchent nos satellites et nos avions de reconnaissance de voir ce qui se passe au-dessous –, une discipline notable dans l'emploi des moyens de communication et une migration vers des systèmes numériques chiffrés, voire filaires – ils reprennent les bons vieux téléphones –, Daech reste régulièrement intercepté sur des réseaux VUHF, de courte portée, ce qui prouve l'opportunité de déployer nos moyens d'interception dans cette gamme de fréquence. À ce titre, le dispositif déployé au Kurdistan revêt une très grande importance car il permet de s'approcher du front entre Daech et les Peshmerga et d'obtenir du renseignement de contact en complément des moyens distants.

Depuis le déclenchement des opérations au Levant, la DRM, via son centre image de Creil, le CF3I, et sa composante spatiale optique et radar, a produit plus de 2 200 dossiers de renseignement image. De même, les pods de reconnaissance de nouvelle génération de l'armée de l'air et de la marine ont permis la réalisation de 5 160 dossiers image sur l'Irak et 1 020 dossiers image sur la Syrie depuis le début de la crise.

L'imagerie, les écoutes, le renseignement humain ou le cyber ont ainsi permis d'élaborer une analyse systémique de Daech qui permet de mieux comprendre les modes opératoires de cette organisation au Levant et se révèle précieuse en Libye. Cette analyse systémique a également conduit à l'élaboration de dossiers militaires de ciblage utilisés par la France et également par la coalition.

Pour satisfaire les besoins en renseignement de l'opération Chammal, la DRM s'appuie également sur un vaste réseau d'alliés et de partenaires. Ces coopérations permettent à la DRM d'alimenter ses données sur l'ennemi et de disposer de renseignements complémentaires à ceux collectés par nos propres capteurs. Les échanges de renseignements s'effectuent de manière fluide au sein de la coalition de pays participant aux frappes contre Daech. Ainsi, des dossiers de renseignement à fins de ciblage sur Daech en Irak et en Syrie sont régulièrement échangés, la DRM fournissant par ailleurs un grand nombre de dossiers images à la coalition, plus de 3 400 sur l'Irak et 600 sur la Syrie.

La présence d'insérés et d'officiers de liaison de la DRM auprès de chacune des structures de la coalition contribue également à la fluidité des informations dans ces lieux privilégiés pour l'échange de renseignement. À titre d'exemple, la DRM dispose d'un inséré au sein de la Coalition Intelligence Fusion Cell (CIFC) du Combined Air Operation Center (CAOC) d'Al-Udeid au Qatar. Cet organisme produit des points de situation sur toute la zone de responsabilité et développe des dossiers d'objectifs dans sa zone de responsabilité située dans l'Ouest Anbar. En résumé, la CIFC est le point de rencontre principal du personnel renseignement des Five Eyes et alliés du CAOC. Elle représente donc un lieu privilégié pour l'échange de renseignement et la constitution de dossiers d'objectifs. Les renseignements mis à disposition par la France sont intégrés dans les différentes productions de cet organisme. Nous n'en avons pas forcément un suivi précis.

Je développe parallèlement des échanges bilatéraux avec certains de mes partenaires, sur des points spécifiques et en fonction des compétences développées par certains pays sur des thématiques ou connaissances pouvant être utilement exploitées.

C'est le cas du partenaire majeur que sont les États-Unis, auprès desquels la DRM est présente au travers de ses d'officiers de liaison. Je dispose ainsi d'officiers de liaison auprès des commandements américains opérationnels, à Tampa, j'en ai parlé, mais également au United States European Command (EUCOM) à Stuttgart, des officiers de liaison qui sont intégrés aux structures américaines et apportent une réelle plus-value aux échanges de renseignement.

La signature, en novembre 2015, de special instructions avec les Américains a eu pour effet de renforcer ce partage de renseignements dans le cadre de la lutte contre le terrorisme notamment. À ce sujet, les entretiens avec les autorités américaines se sont multipliés : douze visites ou réceptions de haut niveau avec les partenaires militaires américains ont eu lieu entre le 16 novembre 2015 et le 11 mai dernier, date à laquelle je me suis réuni avec le sous-secrétaire d'État au renseignement, M. Marcel Lettre, pour le premier comité Lafayette faisant le point sur les six mois passés. De nombreuses actions bilatérales sont planifiées pour les prochains mois. Cela s'inscrit dans une dynamique sur un long terme qui porte déjà ses fruits : globalement, la DRM est largement gagnante.

En parallèle, des accords spécifiques signés récemment offrent à la DRM accès à de nombreuses informations dans le domaine de l'imagerie et du ROEM. Aujourd'hui, les Américains nous communiquent du renseignement très secret défense, ce qui n'était pas le cas auparavant.

La DRM intervient également en appui de nos alliés sur le terrain, les forces irakiennes, par exemple, à qui elle fournit des renseignements sous diverses formes, susceptibles d'être exploités à des fins d'action pour neutraliser l'ennemi. Les relations de confiance ainsi créées permettent à la DRM et, au-delà, à la France de bénéficier de relations privilégiées avec ces partenaires, en termes d'accès à du renseignement de terrain.

En ce qui concerne la Russie, des pistes d'échanges se mettent en place depuis les rencontres entre les ministres de la défense ainsi que les chefs d'état-major des armées de nos deux pays, sur certains sujets spécifiques, tels que les combattants étrangers, russophones et francophones, dans les rangs de Daech. Il y a environ 4 000 combattants russophones en Irak et en Syrie – des Tchétchènes, des Daguestanais… – que les Russes suivent de très près.

Le partage des tâches entre les services de la communauté du renseignement découle de leurs champs de responsabilité respectifs, défini dans le plan national d'orientation du renseignement. La DRM, service de renseignement des armées françaises, est chargé du renseignement d'intérêt militaire. Dans le cadre de l'opération Chammal, je suis, dans la mesure où une force est déployée, responsable de la manoeuvre du renseignement. La DRM est dans ce cas qualifiée de « menante ». Elle est par ailleurs appuyée les autres services français, dont la DGSE, qui sont alors qualifiés de « concourants ».

Au lendemain du 13 novembre, l'ensemble des acteurs du renseignement français ont constitué des dossiers d'objectifs qui ont permis au Président de la République de décider des frappes, les 15, 16 et 17 novembre, sur la ville de Raqqah et à proximité, à la suite d'interceptions.

Face à la nouvelle menace constituée par Daech, qui brouille la distinction entre sécurité intérieure et opérations extérieures, le travail en interservices est plus que jamais indispensable. En effet, seule une fusion efficace du renseignement issu de toute la communauté nationale peut permettre de détecter en amont les projets d'attaque contre le territoire, nos forces ou nos intérêts à l'étranger. Le partage de l'information est crucial.

Cet enjeu a donc conduit à créer de deux cellules inter-agences, Hermès et Allat. Sur mon initiative, la première cellule de renseignement inter-agences regroupant la DRM, direction de la protection et de la sécurité de la Défense (DPSD), la DGSE, la DGSI, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), Tracfin et le commandement des opérations spéciales (COS), a vu le jour le 1er octobre 2014. Hébergée au sein du CPCO, son but est d'enrichir le renseignement nécessaire à la planification et à la conduite des opérations en zone Levant et d'améliorer la connaissance des services de renseignement dans leurs domaines d'expertises autour de thématiques transverses : organisation et activités de Daech et des autres groupes insurgés.

Depuis le 1er février 2016, la cellule a été rattachée au plateau Levant, pour contribuer le plus efficacement possible à l'action des armées au Levant, en participant au recueil, à l'exploitation et à la diffusion du renseignement d'intérêt militaire issu des partenaires nationaux. Hermès permet de décloisonner les services, de regrouper les spécialistes de tous les domaines du renseignement et les analystes sur une même thématique, de renforcer les synergies et de favoriser le partage du renseignement.

Initialement, les combattants étrangers francophones présents au Levant étaient le fil d'Ariane unique permettant de mieux comprendre notre ennemi et d'agir contre lui dans le cadre de l'opération Chammal, tout en contribuant par ricochet à la défense de l'intégrité du territoire national. Cette thématique demeure prégnante.

Toutefois, les apports se sont progressivement diversifiés, permettant une connaissance plus approfondie de l'ennemi, une analyse systémique de ses forces et faiblesses aussi bien qu'une étude très précise d'objectifs. Si nécessaire, et en accord avec le service à l'origine du renseignement, celui-ci est transmis à la coalition au sein de laquelle nous opérons, notamment au sein de dossiers de renseignement à fins de ciblage, comme pour les frappes qui ont suivi les attentats du 13 novembre.

À titre de réciprocité, la DRM, ou la coalition via la DRM, transmet à la communauté le renseignement élaboré ou non, recueilli sur les théâtres d'opération et susceptible d'intérêt, ce qui se fait dans le cadre d'une autre structure, la cellule Allat.

Cette dernière, créée et activée le 15 juin 2015, regroupe au total huit services de renseignement : les six services composant la communauté et deux autres services du ministère de l'intérieur. Chaque service a un représentant permanent. La DRM est présente au travers d'un binôme d'officiers de liaison afin d'assurer une présence permanente. Cette cellule était opérationnelle lors des attentats de Paris du 13 novembre 2015.

Les officiers de liaison de la DRM à Allat échangent des renseignements d'origine militaire et de capteurs uniquement DRM. L'officier de liaison doit être en mesure de préciser à la cellule Allat le capteur, le contexte et les conditions de recueil. Ces renseignements sont bruts ou élaborés, en fonction du degré d'urgence.

J'ai ainsi apporté le signalement de Français radicalisés susceptibles de rejoindre le territoire national, notamment de sept Français de retour du Yémen en transit à Djibouti. L'intérêt de transmettre ce type de renseignement à la DGSI est que celle-ci peut alors suivre les individus s'ils reviennent sur notre sol. J'ai également signalé des étrangers susceptibles de conduire des actions terroristes sur le territoire national. Je suis en outre des individus potentiellement dangereux en transit dans l'espace Schengen, à l'instar d'un certain individu repéré en Libye et répertorié comme combattant étranger qui s'apprêtait à entrer sur le territoire français a fait l'objet d'un signalement à Allat. Je fournis par ailleurs des renseignements relatifs à des menaces ou projets d'actions terroristes concernant le territoire national, commandités ou en lien avec le théâtre d'opération Chammal : en 2016, près de quatre actions de ce type ont fait l'objet d'un traitement interservices suite aux renseignements DRM.

Je peux également apporter un éclairage via les savoirs de la DRM ou la mise à disposition de nos capteurs. Cette implication s'est notamment traduite par la transmission de renseignements sur la provenance d'armes, sur des explosifs, sur des éléments de contexte en Irak et en Syrie. La DRM offre en outre son concours au suivi d'objectifs à l'étranger ou encore à l'évaluation de sources et de la fiabilité des renseignements fournis. Au moins trois sources évoquant des sites de Daech dans plusieurs villes syriennes ont ainsi pu être évaluées grâce au capteur et aux connaissances DRM. En retour, ces échanges permettent de recouper et de confirmer des renseignements sur les théâtres d'opération.

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