Intervention de Jean-Luc Laurent

Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 15h00
Débat sur la politique de la ville et la rénovation urbaine

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Laurent :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en voyant Sylvain Berrios sur la liste des inscrits à ce débat sur le renouvellement urbain et la politique de la ville, notamment en tant qu'élu de Saint-Maur-des-Fossés, je me suis dit qu'il avait été touché par la grâce.

J'ai pensé qu'il allait sans doute nous annoncer qu'il avait entendu le Président de la République, ce matin, appeler à l'effort en faveur de la construction de logements, notamment de logements sociaux.

D'ailleurs, cher collègue, vous avez fait référence à l'annonce du programme pour l'investissement en faveur du logement par le chef de l'État à Alfortville, dans notre département, ce matin. Mais que nenni, vous ne changez pas ! Pour autant, on ne va pas désespérer.

Mes chers collègues, la rénovation urbaine aura dix ans cette année. Ce furent dix ans d'une mobilisation sans précédent avec des outils robustes et durables, dont on a su assurer le financement même si le payeur final n'a pas toujours été celui qui était prévu initialement.

Par-delà les péripéties de financement, la stabilité du cadre d'intervention a été appréciable et elle est suffisamment rare pour être soulignée. On a tendance à présenter l'histoire de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine comme une success story, ce qui excuserait d'autant plus les expédients trouvés et les libertés prises pour son financement. C'était hier, surtout.

Le Parlement, dans sa fonction de contrôle, échouerait s'il ne soulignait pas les limites de la rénovation urbaine, sans vouloir la compromettre mais avec la lucidité nécessaire à son amélioration et à son prolongement que nous appelons tous de nos voeux. Cette lucidité fait aussi partie du bilan positif de l'ANRU qui a su conjuguer les froids critères de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles et les remarques moins froides de son comité d'évaluation et de suivi. Cet esprit de clarté devra être maintenu avec la refonte de la gouvernance que vous avez annoncée, monsieur le ministre délégué, dans le cadre du récent comité interministériel des villes.

En tout cas, mon expérience d'ancien administrateur de l'ANRU m'a convaincu de l'utilité et de la pertinence de l'observation, des conseils et de l'évaluation de ce comité d'évaluation et de suivi. Je voulais le dire ici.

Parmi les succès, il faut noter une victoire psychologique, paradoxale pour une politique centrée sur le béton et sur l'urbain : ce béton et ces démolitions ont eu un effet de changement d'image, de renversement de perspectives. Les millions de l'ANRU n'ont pas été vains pour prouver la présence des pouvoirs publics, favoriser l'intégration dans la ville des quartiers en difficultés et améliorer la vie de leurs habitants. Il ne faut pas négliger ce résultat, bien au contraire.

Dans une décennie marquée par les violences urbaines, particulièrement celles de 2005, le renouveau du lien urbain est un acquis important. La décennie passée, plus que celle des émeutes urbaines, fut surtout celle du retour d'une crise économique générale. Elle est venue frapper davantage encore des quartiers qui n'avaient jamais cessé d'être en crise.

En même temps que l'ANRU, nous nous sommes dotés d'un observatoire, l'ONZUS, qui, année après année, a enregistré le faible impact de nos politiques sur les fondamentaux tel que l'emploi et la pauvreté : ces quartiers affichent deux fois plus de chômage et sont trois fois plus exposés à la pauvreté. C'est un enjeu essentiel auquel le Gouvernement doit s'atteler dans la nouvelle politique de la ville que vous voulez engager, monsieur le ministre.

Pour autant, le tableau doit être nuancé car on ne perçoit pas toujours la mobilité dans les zones urbaines sensibles que certains habitants quittent. C'est une victoire individuelle mais dont ne bénéficient pas les territoires concernés où continuent à se concentrer les difficultés sociales. Comme le dit Mme Malgorn : les ZUS, on y entre et on en sort. C'est un élément clef pour récuser l'importation du concept de ghetto urbain.

La rénovation urbaine est une politique qu'il faut poursuivre tout en renouvelant ses principes fondateurs ainsi que les objectifs d'accès à l'emploi, aux services publics, à un logement agréable et à un cadre de vie embelli. Le plan initial était prévu pour cinq ans, nous sommes plus près des quinze ans au final. Il faut maintenant penser à une deuxième étape, un acte II qui ne soit pas la création d'un dispositif permanent mais qui prolonge le plan initial. Nous sommes attendus. Vous avez la responsabilité de poursuivre une politique renouvelée. C'est un chantier exaltant, et d'autant plus difficile à conduire dans les conditions budgétaires actuelles.

La dynamique de l'ANRU a été transposée au parc privé ancien avec ce que l'on a appelé successivement l'ANRU 2, l'ANRU parc privé puis le PNRQAD, le label qui a été retenu, dont l'ampleur n'a rien de comparable avec le programme national initial. On sait aussi que les quartiers en difficultés ont la spécificité de comporter des copropriétés parfois immenses, ce qui fait toute la difficulté d'intervention à Clichy-Montfermeil ou à Grigny par exemple. Mais cela ne doit pas conduire à oublier les autres copropriétés dont l'échelle est plus modeste. Je tenais, monsieur le ministre, à appeler votre attention sur ce point.

J'aimerais enfin vous interpeller sur la question du Grand Paris. Une grande majorité des ZUS franciliennes se trouvent à l'écart des territoires de projet qui vont concentrer des investissements importants au cours des quinze prochaines années dans le cadre du nouveau Grand Paris. En Île-de-France comme ailleurs, les acteurs publics veulent prendre la mesure de la métropolisation, cette nouvelle dynamique urbaine. La métropolisation consiste à accepter que certains secteurs servent de locomotive ; mais pour que l'ensemble fonctionne, il faut que tous les wagons soient bien arrimés, et en particulier les ZUS, qui concentrent les plus grandes difficultés.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, connaître vos intentions pour poursuivre et renouveler la politique de la ville dans les quartiers en renouvellement urbain, avec une nouvelle liste de quartiers. Je souhaite aussi que la nouvelle géographie de la politique de la ville que vous allez mettre en oeuvre à l'issue de la concertation nationale que vous avez conduite permette de dessiner de nouveaux périmètres, mais aussi de mettre en oeuvre des politiques thématiques par-delà ces périmètres. En effet, les populations en difficulté ne se limitent pas aux ZUS. Il existe des quartiers populaires en dehors, tant en secteur urbain que périurbain.

L'enjeu est de taille, monsieur le ministre, mais la tâche est exaltante. Il s'agit tout simplement de faire vivre l'égalité sociale et territoriale, de réparer ce qui s'est dégradé, ce qui a été mal fait et mal conçu. Il s'agit tout simplement de faire en sorte que vivent les valeurs républicaines, partout et pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

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