Intervention de Valérie Fourneyron

Réunion du 27 mars 2013 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative :

Tout d'abord permettez-moi de vous dire ma satisfaction de venir, pour la deuxième fois devant cette Commission qui m'est particulièrement chère, vous rendre compte de mon action ministérielle.

Le rapport public de janvier 2013 de la Cour des comptes « Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l'action de l'État » est le premier du genre sur l'ensemble du champ des politiques publiques sportives. Ce rapport a fait l'objet de commentaires nombreux et vigoureux, notamment dans la presse. Je citerai notamment cet article du quotidien Le Monde qui a jugé que la Cour des compte avait, je cite, « épinglé le sport français ».

Un rapport public thématique de la Cour des comptes est toujours un document important. La Cour, au fil de sa fonction de contrôle de l'utilisation des fonds publics, a depuis de nombreuses années entrepris d'interroger les conditions de mise en oeuvre des politiques publiques, et parfois même leurs objectifs et leurs finalités. Nous devons prendre en compte ses observations. Nous devons débattre de ses diagnostics et de ses préconisations qui enrichissent le débat public.

Mais la définition d'une politique publique demeure de la responsabilité des élus du peuple et du gouvernement. Nous devons assumer pleinement cette responsabilité qui consiste à écouter, à mener une concertation et une expertise pour finalement faire des choix.

Et c'est précisément parce que, depuis ma prise de fonction, je me suis attachée à développer une vision du sport – le sport pour tous, le sport santé, la réduction des inégalités d'accès, l'accompagnement individuel des sportifs de haut niveau, la responsabilisation du mouvement sportif, le sport créateur d'emplois… – que je me réjouis de ce rapport qui valide très nettement les orientations prises par le gouvernement.

Ce rapport intervient d'ailleurs à un moment où nous sommes déjà passés de la vision à l'action, au moment où s'ouvrent deux grands chantiers.

Le premier chantier est celui de la modernisation de l'action publique (MAP) engagé par le Premier ministre, auquel mon ministère contribue activement au travers des réformes engagées sur le Centre national pour le développement du sport (CNDS), sur le statut des Centres de ressources, d'expertises et de performance sportive (CREPS) dans le cadre du nouvel acte de décentralisation, sur la réorganisation de l'administration. La MAP comprend aussi la mission d'évaluation sur le financement du sport professionnel et la solidarité avec le sport amateur, dont nous reparlerons sans doute.

Le second chantier est celui de la refondation de la politique sportive que je conduis avec un cap fixé à la fin de cette année sur le projet de loi de modernisation du sport. Il traitera de la gouvernance du sport – sujet déjà engagé avec le Conseil national du sport, dont le décret est en cours de signature et qui se réunira pour la première fois en avril prochain. Ce projet de loi abordera également la question de la solidarité entre sport professionnel et sport amateur, la stratégie nationale de réduction des inégalités d'accès au sport, la régulation du sport professionnel et les questions d'éthique. Nous aurons, je l'espère, l'occasion d'en débattre très prochainement.

Le rapport de la Cour des comptes interroge le fonctionnement du « modèle français » d'organisation du sport. Celui-ci repose sur deux fondements. Le premier est un État très présent, compétent dans l'ensemble du champ des politiques sportives : développement des pratiques, sport de haut niveau, santé et intégrité des sportifs, éducation et formation… C'est un État structuré au travers de son administration centrale, ses services déconcentrés et ses opérateurs. Le second fondement est une coopération « singulière » avec le mouvement sportif organisé, les 117 fédérations sportives et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Une coopération incontournable là encore dans la plupart des secteurs du sport. Ce modèle issu de l'ordonnance de 1945 a été enrichi en 1975, puis en 1984 avec la loi « Avice » qui continue d'imprimer fortement sa marque aujourd'hui même si de nombreux textes sont intervenus depuis.

Ce modèle est aujourd'hui remis en cause par un contexte en forte mutation. Je citerai le rôle des collectivités territoriales qui, s'il est ancien, tend aujourd'hui à se structurer fortement autour des équipements sportifs, du soutien à la pratique mais aussi du sport de haut niveau ou professionnel. Par ailleurs, l'intervention de l'Union européenne est de plus en plus marquée, avec le traité de Lisbonne, la régulation des échanges économiques et des aides d'État… Il convient enfin de souligner le rôle des instances internationales du sport – Comité international olympique (CIO), fédérations ou organismes internationaux – dont l'influence politique et la puissance financière rebattent les cartes des relations avec les États.

Une autre mutation est la professionnalisation croissante de certaines disciplines, dont les « compétitions – spectacles » sont génératrices de revenus considérables dans un système économique mondialisé. Elle appelle de nouvelles formes de régulation pour protéger la santé des sportifs et l'éthique du jeu. Certaines affaires récentes nous prouvent que ces impératifs peuvent être remis en cause à grande échelle.

Enfin, doivent être pris en compte ce que certains voient comme des « fonctions secondaires » du sport mais qui sont à mes yeux essentielles : le rôle du sport en matière de santé publique, en termes d'emploi, de développement économique et de rayonnement de la France.

Le constat de la Cour est, ne le cachons pas, relativement sévère. Il invite l'État à s'interroger sur ses objectifs, à mieux cibler, optimiser et évaluer ses interventions, à mieux assurer sa fonction de régulation et à redéfinir un nouveau partenariat avec le mouvement sportif et les collectivités territoriales.

S'agissant de la gouvernance du sport, je partage l'essentiel du diagnostic sur les progrès que nous devons accomplir. J'ai évoqué le Conseil national du sport qui donnera bientôt un lieu d'exercice national à celle-ci, enrichie de nouveaux protagonistes : collectivités territoriales, partenaires sociaux, entreprises, instances de régulation, mais aussi organisations de jeunesse ou acteurs de la santé publique… Nous devons tirer la politique sportive en dehors de ses frontières traditionnelles. Le sport est bien plus qu'un loisir. Mais revoir la gouvernance, c'est aussi refonder les relations entre l'État et les fédérations sportives, entre l'État et le CNOSF. Les constats de la Cour valident les décisions que j'ai prises sur l'évolution des conventions pluriannuelles d'objectifs ou sur le renforcement de l'autonomie du mouvement sportif, notamment en matière de stratégie internationale.

Je suis cependant plus nuancée sur son analyse des conseillers techniques sportifs (CTS). Certes nous devons clarifier leurs missions, améliorer leur pilotage, leur répartition entre fédérations. Des décisions ont été prises en ce sens. Mais ils demeurent un moyen original et particulièrement efficace de mise en oeuvre de la politique de l'État. J'y suis pour ma part très attachée.

La gouvernance améliorée passe aussi par une meilleure connaissance de la réalité des besoins, qu'il s'agisse de données nationales ou locales, sur l'activité économique ou les carences en équipements par exemple. J'ai engagé ce travail qui permettra de disposer d'outils partagés et pertinents d'aide à la décision. Ils guideront notamment l'action des schémas territoriaux du sport que j'appelle de mes voeux pour rendre cohérentes les politiques partenariales du sport.

Enfin, la gouvernance c'est aussi celle qui existe au sein même du mouvement sportif. Je pense notamment à la solidarité entre sport professionnel et sport amateur qui, comme le remarque la Cour, doit impérativement progresser. L'unité du sport, principe fondateur du modèle français, doit nous conduire à refuser toute confiscation d'un évènement ou de ses revenus par un petit nombre. Nous nous y sommes attelés : dans le cadre de la MAP, j'ai proposé au Premier ministre une mission d'inspection retenue dans le premier cycle d'évaluation des politiques publiques.

S'agissant du sport pour tous, j'analyse les constats de la Cour comme de formidables encouragements aux orientations prises par le gouvernement.

Nous avons constaté très rapidement une dérive des moyens loin du sport pour tous – je pense bien évidement au CNDS – un manque de ciblage évident des interventions financières qui ne parviennent pas à faire jouer à l'État son rôle de correcteur des inégalités territoriales. Nous constatons un saupoudrage des moyens qui tend à entretenir ces déséquilibres du fait de priorités trop nombreuses assignées à son action. La précédente lettre d'orientation du ministre au CNDS comportait plus d'une dizaine de priorités … Quand tout est prioritaire, on ne corrige plus rien.

Je note aussi les invitations à mieux inscrire le sport scolaire ou universitaire dans la politique de développement des pratiques. C'est en effet une dimension essentielle à laquelle M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et moi-même sommes particulièrement sensibles.

S'agissant du sport de haut niveau, la Cour souligne l'efficacité du modèle français mais invite à en renforcer l'efficience. C'est un impératif que nous devons tous avoir à l'esprit dans le contexte de redressement des comptes publics. Mais il convient surtout de mieux préciser les objectifs assignés à la stratégie de l'État en matière de sport de haut niveau : améliorer le rang de la France sur la scène internationale, renforcer l'accompagnement individuel des sportifs qui en ont le plus besoin, assurer la protection de leur santé. Le bilan des Jeux olympiques de Londres est un outil précieux que nous allons mettre à profit à cet effet.

Mais je tiens néanmoins à rappeler, en nuançant ici les analyses de la Cour, ce qui fait la vigueur du modèle français et qui le distingue de ses voisins. Il s'agit de la volonté de soutenir une grande diversité de disciplines et de compétitions, y compris parmi des sports moins en vue des médias.

Cela ne doit pas nous conduire au statu quo, il faut sans doute procéder à des améliorations. Par exemple mieux identifier le rôle de chacun, optimiser les compétences des établissements, en particulier l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) dont le nouveau directeur général devra recentrer les missions sur la performance. Mais un modèle centré sur quelques compétitions ou sur quelques sportifs au potentiel de médailles serait sans doute un modèle à courte vue. Il ne correspond pas en tout état de cause à ma vision du rôle de l'État.

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