Intervention de Valérie Fourneyron

Réunion du 27 mars 2013 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative :

Je vous remercie pour vos nombreuses questions qui sont allées – naturellement – bien au-delà du rapport de la Cour et de ses préconisations. Je rappelle toutefois que celle-ci a établi un diagnostic assez sévère sur la situation, et en particulier sur l'utilisation de l'argent public à des fins de développement des pratiques sportives et du sport de haut niveau. Par ailleurs, j'ai insisté sur l'unité du sport. À cet égard, je me permets d'indiquer à Mme Sophie Dion qu'il n'y a pas de séparation entre les différentes politiques publiques concernant ce domaine.

En ce qui concerne les inégalités, il convient d'abord de rappeler que notre bras armé pour lutter contre elles est le CNDS, mis en place en 2006. Deux préconisations de la Cour, les n° 9 et 10, portent sur le Centre et demandent une réforme, d'une part, de la part territoriale du financement et, d'autre part, des critères d'équipement pour l'utilisation de ses fonds.

Quel était notre point de départ ? Nous avons découvert en juillet dernier – ce constat n'étant visiblement pas partagé – que l'existence de l'établissement public était menacé, celui-ci ayant engagé presque deux fois ses recettes. Ainsi, sur l'exercice 2012, il avait engagé 100 millions d'euros de plus que ses recettes.

Notre premier souci a donc été de sauver, en urgence, le CNDS, qui autrement aurait cessé de fonctionner d'ici deux ans, avant d'engager une réflexion sur la réorientation de ses moyens. Il n'y a pas eu, en conséquence, de séance en novembre dernier pour attribuer des financements, tandis que nous devions tenir les engagements qui avaient été pris sans que les recettes soient au rendez-vous.

Le moment de la réflexion est maintenu venu, comme nous y invite la Cour des comptes.

En ce qui concerne les critères de répartition de la part territoriale entre les régions, ceux-ci sont essentiellement d'ordre quantitatifs et forfaitaires : les licenciés – plus on en a, plus on reçoit de subventions –, la population et les moins de 25 ans. Autrement dit, 84 % de l'enveloppe est répartie sans aucun souci de rattrapage des différences territoriales. C'est là tout l'objet de la préconisation n° 9 de la Cour.

Il d'autant plus nécessaire d'y réfléchir que la situation actuelle se caractérise par de réelles injustices. Par exemple, le total des moyens consacrés aux publics cibles des quartiers populaires était, fin 2012, inférieur à 35 % de l'ensemble des financements et en baisse constante depuis 2010. Quant à la part des subventions d'équipement attribuée aux départements sous-dotés, elle était inférieure à 25 % l'an dernier et à 35 % en 2011. Les moyens n'étaient donc pas au rendez-vous, tandis que le CNDS, dans les faits, s'éloignait des acteurs qu'il devait conforter.

J'observe en outre qu'alors que les droits télévisuels et le rendement de la « taxe Buffet » étaient en baisse, le nombre de dossiers en cours d'instruction s'élève à 43 000. Ce chiffre doit être rapporté aux 33 millions d'euros que le Conseil peut répartir en une seule séance, face à une demande qui s'élève, elle, à 206 millions d'euros. La question de l'efficience doit donc être posée.

À cela s'ajoute le fait que les engagements pour l'Euro 2016 et les grandes « Arénas » n'étaient pas entièrement financés. Telle était la situation tandis que le CNDS disposait d'une trésorerie nulle et que son fonds de roulement allait devenir négatif cette année.

Le budget 2013 du CNDS a été construit en responsabilité, avec l'ensemble des acteurs du mouvement sportif qui ont convenu de la gravité de la situation. Cette étape de consolidation était indispensable avant de travailler à une évolution de ses modalités d'intervention. Dans l'immédiat, nous avons supprimé un comité chargé des grands équipements, pour lesquels nous n'avions pas les recettes, et décidé que le CNDS n'avait pas à définir la stratégie internationale de la France.

Autre élément indispensable à l'heure où nous devrons nous pencher sur les critères de subvention, la part territoriale et aussi l'équilibre entre le fonctionnement et l'équipement : la concertation avec les élus. Il faut, à cet égard, développer les schémas régionaux du sport et mobiliser les conférences régionales du sport, des dispositifs qui existent mais qui ne sont pas assez utilisés. Chaque région doit s'y engager pour disposer d'une analyse des secteurs qui sont en difficulté.

Quant à la décentralisation de la part territoriale du CNDS, je partage les réticences de la Cour concernant cette piste, qui n'est pas celle du gouvernement, le Centre devant conserver son caractère d'outil national.

Je souhaiterais revenir sur un sujet qui me semble devoir dépasser les polémiques, celui de la place du sport scolaire et universitaire et de son rôle éducatif dans le parcours d'un jeune. À cet égard, au mois d'octobre dernier, avec la ministre des affaires sociales et de la santé, nous avons rappelé combien le sport était un outil de santé publique. Or, M. Michel Ménard l'a rappelé, la suppression de 4 000 postes de professeurs d'EPS les cinq années passées a entraîné non seulement une perte pour les enseignements scolaires obligatoires, mais aussi pour l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) à laquelle ces enseignants consacrent un service de trois heures hebdomadaires par le biais de l'association sportive scolaire. Remettre dans le projet de loi pour la refondation de l'école de la République la formation initiale des enseignants et la priorité accordée au primaire en donnant une place à la formation des maîtres à l'éducation physique et sportive dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) est donc essentiel. Comme était essentiel que les postes ouverts aux concours de recrutement comprennent davantage de professeurs d'EPS.

Mais, et c'est ce à quoi nous avons le plus travaillé, il convient qu'il y ait une vraie reconnaissance du temps périscolaire, en cohérence d'ailleurs avec le ministère qui m'est confié : sport, jeunesse, éducation populaire et vie associative. Le temps périscolaire permet la découverte de la pratique sportive et de la vie associative : la refondation de l'école le prend pour la première fois en compte. La circulaire que j'ai cosignée avec M. Vincent Peillon sur les projets éducatifs de territoire est en ce sens une première puisqu'elle prévoit clairement que ce sont nos deux ministères qui vont travailler à la mise en place de ce temps périscolaire et à son impact. Pour ce faire, la Cour des comptes parle de moyens financiers très importants : il s'agit en effet de nos professeurs d'EPS qui figurent au budget du ministère de l'éducation nationale et des trois heures qu'ils consacrent aux associations sportives scolaires. Cette ressource humaine est indispensable. Le ministre de l'éducation nationale va signer, pour la première fois également, une convention entre son ministère et l'UNSS pour formaliser cette complémentarité entre le temps scolaire et le temps périscolaire dans ce domaine. Ces enseignants font également le lien avec la pratique sportive associative par la découverte des « jeunes officiels » dont on espère qu'ils deviendront de futurs dirigeants associatifs.

Nos priorités sur la place du sport français à l'international ont également été évoquées, de façon parfois excessive, me semble-t-il. Le constat est pourtant assez difficile et douloureux : la stratégie de la France quand j'ai pris mes fonctions était, pour le moins, peu définie. Mme Sophie Dion regrettait que l'on ait confié au mouvement sportif français une place forte dans ce domaine et qu'il réclamait pour porter la stratégie sportive internationale. Or, nos échecs aux candidatures aux Jeux olympiques invitaient à cette réflexion indispensable sur le choix du meilleur acteur pour défendre une candidature à l'international. Qui peut-il être, sinon le sportif lui-même, le mouvement sportif lui-même ? Nous avons donc arrêté ce nouveau dispositif avec le CNOSF. Il ne s'agit pas de dire que la place de l'État a disparu de la stratégie internationale de la France, mais elle est recentrée sur les outils qui sont de sa responsabilité, diplomatiques et économiques.

Cet état de friche, de jachère caractérisait l'ensemble de ce secteur du sport. En effet, j'étais, il y a quinze jours, à la conférence des ministres de la jeunesse et des sports des États et gouvernements ayant le français en partage (CONFEJES) : notre absence de cette instance, dont nous sommes pourtant le premier financeur, nous coûtait cher en termes de relations internationales, en particulier quand il s'agissait de voter pour soutenir notre candidature. Force est de constater également l'absence de soutien au sport dans des pays où il est aussi un facteur de développement et de cohésion alors qu'ils ne disposent pas de moyens financiers importants.

C'est le mouvement sportif, et pas le gouvernement, qui est allé gagner des candidatures à l'international. C'est ainsi que Pau va organiser les championnats du monde de canoë-kayak en 2017. Parce que c'est le rôle du gouvernement, nous avons aidé, par l'intermédiaire du comité stratégique, la fédération et son ambassadeur, M. Tony Estanguet, à porter la candidature de la France, également soutenue par le territoire. Nous n'avons pas considéré que le rôle des politiques doive être de déposer des candidatures au nom des politiques. L'histoire, en particulier celle de nos échecs, doit nous aider à trouver le bon positionnement des uns et des autres. Nous venons également de faire acte de candidature pour organiser les championnats du monde de hockey sur glace en 2017.

Nous avons de l'ambition, beaucoup, pour accueillir de grandes compétitions, mais il faut le faire dans le bon ordre, avec des financements qui ne reposent pas sur le CNDS ou au détriment du développement du sport pour tous. En 2012, par exemple, alors qu'aucune enveloppe du CNDS n'était prévue pour les compétitions internationales, l'ancien gouvernement y a consacré 25 millions d'euros, prélevés dès lors sur l'ensemble des priorités du CNDS. Reprendre ces projets dans le bon ordre veut donc dire : des projets initiés et portés par le mouvement sportif ; être attentif, surtout pour les plus grandes compétitions, comme les Jeux olympiques, à l'alternance des continents ; associer un projet de compétition sportive à un projet pour la nation et pas simplement de construction de grands équipements – c'est la démarche que nous engageons avec l'ensemble des sites qui vont accueillir l'Euro 2016 de football ; clarifier les responsabilités pour continuer à être une nation qui accueille de grandes compétitions, parce que le rayonnement de la France passe aussi par ces moments.

La « feuille de route » de M. Bernard Lapasset, président de l'International Rugby Board, porte au sein du CNOSF cette fonction d'aide aux candidatures à l'international des fédérations sportives, de renforcement de la présence de la France au sein des instances sportives internationales et de promotion de l'expertise. En effet, nous sommes incapables de mutualiser, de conserver et de transmettre l'expérience des grands événements que nous avons accueillis. L'État doit, quant à lui, se recentrer sur ses missions. J'ai pour cela nommé un nouveau délégué interministériel aux grands événements sportifs. C'est, volontairement, un préfet afin d'être à même d'assurer la coordination de l'ensemble des services de l'État lors de ces manifestations. Ce fut d'ailleurs le cas en 2007 pour la Coupe du monde de rugby, la coordination étant alors assurée par le Préfet Patrice Bergougnoux. Ce délégué interministériel a largement commencé sa mission, sur l'Euro 2016, mais aussi sur les Jeux de la Francophonie.

Nous aurions, là aussi, aimé trouver ce dernier dossier plus abouti… Les Jeux sont organisés à Nice en septembre prochain. La France a été lauréate de l'accueil de ces Jeux en 2009 ; or, en juillet 2012, le fonctionnement du groupement d'intérêt public restait bloqué par des conflits entre différents membres de l'ancien gouvernement. Il n'a donc été possible de commencer à travailler à l'organisation des Jeux qu'en septembre 2012… Les organisateurs locaux et, en particulier, le maire de Nice, ont donc à gérer une situation difficile. Nous restons tous mobilisés. Ce qui est en jeu n'est pas seulement, en effet, la réussite d'un territoire, mais de la France entière dans l'accueil de ces Jeux de la Francophonie.

Il convient également, dans cette politique internationale, que nous soyons à notre juste place et que nous appuyions la force du sport en matière d'économie et de tourisme, en lien avec la diplomatie. Nous avons donc engagé un travail sur les grandes compétitions à venir, avec mes collègues du gouvernement Mmes Sylvia Pinel et Nicole Bricq, avec les entreprises concernées, sur les lieux de compétition, en France ou à l'étranger. Une véritable diplomatie économique existe aujourd'hui autour du sport, on le voit avec le Brésil, la Russie ou le Qatar. Madame Dion, vous le savez puisque nous nous sommes vues il y a vingt-quatre heures, avec le Président Bernard Accoyer dans sa ville. Nous avons pu rencontrer un acteur important de votre territoire dans le milieu du sport. L'emploi sportif et l'économie qui le supporte est un cluster d'entreprises sur votre territoire. Nous avons à les accompagner sur des stratégies d'export ou autres. Il me semble que c'est davantage notre rôle, le rôle de l'État, que de s'agiter vainement pour obtenir une compétition de plus pour notre pays. Il est, de même, satisfaisant de voir la place qu'occupe la Compagnie des Alpes aujourd'hui, à Sotchi, en apportant notre savoir-faire là où vont se dérouler les prochains Jeux olympiques d'hiver.

Enfin, il est important que nous ayons une place dans l'ensemble des organisations internationales, des fédérations sportives mais aussi des institutions. Je me réjouis que l'Europe m'ait élue pour représenter notre continent au comité exécutif de l'Agence mondiale antidopage. C'est un cadre important pour porter avec force le message indispensable de l'Europe dans la lutte antidopage et pas seulement pour le cyclisme, même s'il est à souhaiter que la dernière affaire le concernant permette de lever l'omerta qui entoure le cas Armstrong, afin de franchir une étape décisive dans la lutte contre le dopage, qui est internationale. Cette lutte ne se résume pas à la condamnation des sportifs, mais doit permettre de remonter l'ensemble des réseaux et d'examiner le rôle joué par certaines fédérations sportives internationales dans ces dérives. On peut également déplorer de voir nos sportifs transformés parfois en cobayes de laboratoires. À cet égard, les noms des produits qui circulent en ce moment dans les milieux concernés font frémir.

M. Michel Ménard et plusieurs de ses collègues ont évoqué le bilan des Jeux olympiques de Londres et m'ont interrogée sur la stratégie que nous poursuivons au plan national sur le sport de haut niveau.

S'agissant du bilan des JO, je reconnais que c'est une véritable chance pour un ministre des sports de démarrer son mandat avec les Jeux olympiques et paralympiques. La France était représentée sur vingt-quatre des vingt-six disciplines et j'ai regretté que le volley-ball et le hockey sur gazon ne se soient pas qualifiés. Nous avons remporté trente-quatre médailles, dont onze en or et nous avons terminé au septième rang mondial, c'est-à-dire que nous sommes remontés de trois places par rapport aux Jeux de Pékin. Depuis 1992, la France se maintient entre le cinquième et le dixième rang des nations aux Jeux olympiques, avec un total de médailles qui oscille entre vingt-neuf, comme à Barcelone et quarante-et-une à Pékin, notre record. Donc, globalement, le bilan de la délégation française aux Jeux olympiques de Londres montre la stabilité du haut niveau sportif français, ce qui est conforme aux objectifs qui avaient été fixés entre le mouvement sportif et l'État. Néanmoins, dans le détail, le bilan est plus mitigé ; nous sommes en-deçà de notre potentiel, certaines fédérations ayant enregistré des échecs et huit des onze médailles d'or étant concentrées dans seulement trois disciplines.

Le bilan est également contrasté s'agissant des Jeux paralympiques qui ont remporté, à Londres, un magnifique succès. La France n'a obtenu que la seizième place alors qu'elle espérait entrer dans les dix premières du classement. Le rang de la France n'a cessé de se dégrader depuis 1992, mais ce recul ne doit pas être analysé simplement en termes de classement mais en tenant compte de l'amélioration considérable des performances des athlètes en situation de handicap et à l'augmentation du nombre des nations participantes.

Le modèle d'organisation du sport de haut niveau français, et la Cour des Comptes le relève, est largement compétitif, même s'il existe des marges de progression. L'amélioration suppose, dans la perspective des Jeux olympiques de Rio, c'est-à-dire à court terme, de passer d'un système d'administration à un système plus opérationnel orienté vers la performance, déterminant clairement la responsabilité de chacun des acteurs : d'un côté, les fédérations qui définissent la stratégie de haut niveau et qui en rendent compte, pour lesquelles il faut qu'il y ait une véritable confiance dans le mouvement sportif ; de l'autre, la direction des sports qui fixe les objectifs et attribue les moyens dans des conventions d'objectifs que j'ai souhaité simplifiées et basées sur la confiance. Nous avons constaté à regret en 2012 que les conventions d'objectifs avec les fédérations avaient été signées parfois après les Jeux olympiques pour des disciplines qui y figuraient. Nous avons donc signé des conventions avec les fédérations en début d'année 2013, avant la période électorale de l'ensemble du mouvement sportif qui se terminera avec l'élection du CNOSF. Nous définirons avec le Comité et les équipes renouvelées, ainsi qu'avec les directeurs techniques, qu'ils soient nouveaux ou reconduits, la convention d'objectifs sur l'olympiade suivante qui sera une feuille de route établie à partir d'un cadre et reposant sur la confiance.

Le CNOSF doit assumer la responsabilité pleine et entière de la sélection des équipes olympiques ; ce n'est pas à l'État de le faire. C'est aussi dans ce cadre qu'il me semble important d'accompagner individuellement les sportifs de haut niveau et de reprendre, comme le préconise la Cour, le rôle de pivot opérationnel de l'INSEP. La feuille de route de l'INSEP doit être le pilotage au niveau national du sport de haut niveau avec toutes les structures impliquées dans les projets d'excellence sportive. Il ne peut pas y avoir d'un côté les fédérations avec leurs projets d'excellence, d'un autre côté les conventions d'objectifs avec le ministère, et les CREPS ou l'INSEP qui accueillent nos pôles. Il faut une coordination et une animation de l'ensemble des réseaux, comme il est indispensable qu'il y ait ce lieu de formation continue de notre encadrement ; lorsque l'on est tourné vers la performance, on a besoin d'expertise permanente, de partage, ainsi que d'échanges entre fédérations de valides et la fédération Handisport, et l'on a pu voir combien ces échanges avaient permis aux uns et aux autres de progresser dans leur discipline.

Enfin, comme le recommande la Cour, la commission nationale du sport de haut niveau, pléthorique et chargée de missions trop larges, sera remplacée par une structure de pilotage entièrement stratégique, opérationnelle et débarrassée des nombreuses fonctions administratives qu'elle peinait à exercer.

En ce qui concerne les paris truqués et les questions d'éthique, la dernière enquête d'Europol montre que le danger est réel, y compris chez nous, même si cette enquête ne cible pas la France. Lorsque nous avions débattu de la régulation des paris en ligne, nous avions tous mesuré combien cette activité représentait un risque à la fois en termes d'éthique pour le sport, en terme de santé publique avec l'addiction au jeu, et en termes de sécurité publique, avec le blanchiment d'argent. La mise en place de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) a permis de supprimer sur notre territoire les plateformes illégales. Il faut néanmoins souligner que 90 % des paris sur les compétitions sportives françaises s'effectuent à partir de l'étranger. Notre législation demeurera isolée si nous n'agissons pas au niveau international. J'ai pu mesurer au sein de l'Union européenne combien ce sujet est délicat, et combien il est difficile pour certains pays qui considèrent que les opérateurs de paris font partie de leur économie d'approuver des conclusions qui font d'habitude consensus. J'espère que les changements au sein de son gouvernement permettront à Malte de rejoindre l'ensemble des vingt-six autres pays qui ont conclu à la nécessité d'avoir une convention juridiquement contraignante – et ce travail est engagé à l'échelle du Conseil de l'Europe, donc des quarante-sept États qui en sont membres.

Avec le président de l'Arjel, M. Jean-François Vilotte, qui est vice-président du comité de rédaction de cette convention, nous sommes extrêmement mobilisés pour que ce texte puisse aboutir à l'été 2014, malgré les réticences très fortes de plusieurs pays. De fait, lorsqu'Interpol indique que 140 milliards d'euros par an seraient blanchis par les paris, on mesure à quel point cette activité peut être attractive. L'Unesco organise une conférence à Berlin en mai prochain sur cette question. À l'occasion de l'anniversaire de la signature du traité de l'Élysée, j'ai pu également avancer sur le sujet avec mon homologue allemand. J'ajouterai qu'en France, nous avons pris des mesures réglementaires concernant notamment les croisements de fichiers et la désignation, dans chaque fédération, d'un délégué à l'intégrité. Le mouvement sportif est partie prenante ; une formation aux risques des paris a été organisée dans tous les établissements d'éducation sportive ; une sensibilisation à l'interdiction de parier est effectuée auprès des sportifs.

S'agissant de la situation des stades de l'Euro 2016, j'ai déjà indiqué mon regret que les recettes affectées ne soient pas à la hauteur des dépenses envisagées. J'ai pu obtenir un arbitrage positif – et je m'en réjouis, compte tenu de la situation du CNDS – en faveur d'une couverture de toutes les dépenses excédant les 120 millions d'euros de recettes affectées. Ainsi, le plan de redressement du CNDS, qui est déjà extrêmement douloureux, ne sera pas encore alourdi.

Par ailleurs, la Fédération française de football, qui est chargée, au sein de la société Euro 2016 SAS, d'arrêter la liste des stades qui accueilleront cette compétition réunissant pour la première fois vingt-quatre pays, a choisi dix stades, comme elle l'a indiqué à l'Union européenne de football (UEFA) en janvier dernier.

La dépense totale de rénovation de ces stades est estimée à l'heure actuelle à environ 1,5 milliard d'euros. L'État participera aux travaux de rénovation ou de construction s'il obtient un accord de la Commission européenne et de la direction générale de la concurrence ; en effet, quels que soient les montages financiers envisagés, il s'agit pour cette dernière d'aides d'État. Le dossier de notification à la Commission était loin d'être bouclé lorsque ce gouvernement a pris ses fonctions, puisqu'il en était resté à un stade liminaire depuis juillet 2011. Plusieurs dossiers devaient être stabilisés et nous passons depuis plusieurs mois beaucoup de temps auprès de la Commission.

J'ai rappelé hier à l'ensemble des membres du comité des sites les délais de procédure qui, semble-t-il n'avaient pas été correctement appréhendés. Nombre d'élus pensaient qu'une fois que le CNDS avait délibéré, les collectivités porteuses des projets recevraient les moyens financiers afférents. Or, les dossiers doivent être instruits ; la pré-notification qui contenait plus d'une centaine de questions concernant les sites, devrait, je l'espère, remonter d'ici à trois semaines jusqu'à la Commission européenne. La notification définitive de l'acceptation ou du refus par les instances européennes de la participation de l'État interviendra ensuite dans un délai de deux mois. L'ensemble des sites sont aujourd'hui conscients des contraintes de calendrier ainsi que de notre mobilisation pour lever les interrogations de la Commission européenne. On peut comprendre que cette dernière soit conduite à examiner le dossier et les aides publiques de manière beaucoup plus attentive qu'auparavant compte tenu de la situation actuelle du football professionnel en Europe – non-paiement des joueurs dans plusieurs pays, baisse des revenus des clubs français, explosion des salaires de certains footballeurs – qui est très fragile car largement dépendante des droits télévisuels.

S'agissant de la nécessité de consolider la solidarité entre le sport amateur et le sport professionnel évoqué par le rapport de la Cour des comptes, je soulignerai, tout d'abord, que dans certaines disciplines c'est le sport amateur qui finance le sport professionnel. Ensuite, l'analyse menée doit se faire dans le cadre de la modernisation de l'action publique : il convient de recenser l'ensemble des aides au sport professionnel afin de pouvoir mieux cibler les progrès à faire dans la mise en oeuvre des mécanismes de solidarité. En effet, hormis la « taxe Buffet », la solidarité entre ces deux sports s'exerce aussi à travers les collectivités territoriales, comme les régions qui financent des centres de formation, ou par des avantages fiscaux.

Sur les droits de retransmission à la télévision et la taxe « Buffet », il faut rappeler que l'on assiste à une explosion de la place du sport à l'écran. Le nombre d'heures consacrées au sport a été multiplié par neuf depuis dix ans, phénomène accentué par l'augmentation des retransmissions effectuées par la télévision numérique terrestre (TNT). On constate également une explosion des droits de diffusion de manifestations sportives, qui sont passés de 500 millions d'euros à 1,1 milliard d'euros ces dernières années. Cette progression des moyens a été principalement consacrée à l'augmentation des salaires des joueurs.

Cette explosion des droits de diffusion s'est faite au détriment de la diversité des pratiques sportives. Lors d'un débat avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), j'ai rappelé qu'il conviendrait d'obliger les chaînes à pratiquer une diversité des sports dans les courts extraits, sur lesquels elles n'ont pas acheté de droits.

Nous avons peu d'acteurs sur les droits premium et lorsque ces derniers quittent le marché comme Orange sur le secteur du football, le système est fragilisé. Cette fragilité concerne aussi les diffuseurs qui ont assis leur équilibre économique sur la cession de ces droits de diffusion. C'est pourquoi d'autres critères que le coût d'achat de la diffusion et de la retransmission interviennent désormais dans les négociations, comme l'audience ou les performances de l'équipe nationale.

Dans ce contexte, plusieurs orientations me semblent une nécessité absolue. En premier lieu, il est nécessaire de protéger les compétitions qui font partie du patrimoine sportif. Il faut pour cela élargir la liste des compétitions qui figurent dans le décret pris en application de la directive « Télévision sans frontières » et y inclure les compétitions féminines. Les chaînes qui ont acquis des droits de diffusion sur des compétitions inscrites dans ce décret devront avoir l'obligation de négocier la transmission de leurs droits à d'autres chaînes, négocier ne signifiant pas nécessairement conclure.

En second lieu, une réflexion doit être menée avec le CSA pour élargir l'assiette de la « taxe Buffet » et envisager de l'appliquer aux opérateurs qui ne sont pas situés sur notre territoire. Ensuite, il convient d'ouvrir les questions des droits marketing des compétitions, sujet difficile, et de la retransmission des manifestations sportives sur internet.

Enfin, je souligne que la diminution des droits liés à la « taxe Buffet », dont découle la diminution des moyens alloués au CNDS, a des conséquences importantes, que ce soit sur l'équilibre des disciplines sportives, sur l'accès aux disciplines sportives à la télévision et sur les moyens affectés au sport amateur.

S'agissant de la lutte contre le dopage, je tiens à préciser que cette lutte ne se limite pas au seul secteur du cyclisme. Je vous citerai quelques chiffres : le nombre de contrôles effectués par l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) en 2012 s'est élevé à 1 812 dans le cyclisme, à 1 664 dans l'athlétisme, à 588 dans le rugby et à 548 dans le football. J'ai le souci d'être attentive à la lutte contre le dopage dans l'ensemble des pratiques sportives car il s'agit d'un problème de santé publique et d'éthique sportive.

Pour répondre enfin sur le nouveau mécanisme de retraite des athlètes de haut niveau, permettant que les périodes d'inscription sur la liste des sportifs de haut niveau soient assimilées à des périodes d'assurance vieillesse, il aurait dû être mis en place au 1er janvier 2012. Malheureusement, il n'était pas budgété et sera donc effectif en 2013.

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