Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 26 mars 2013 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Ce projet de loi comporte quelques avancées et, une fois de plus, le groupe écologiste propose de l'améliorer. Ainsi, nous saluons l'inscription dans la loi de la formation tout au long de la vie comme première mission du service public de l'enseignement supérieur. L'accès prioritaire des bacheliers professionnels et technologiques aux STS et IUT est également une très bonne nouvelle. Nous serons attentifs à la réalité de la mise en oeuvre des intentions qui sont affichées.

Nous regrettons que rien ne soit fait pour améliorer réellement la transition entre le lycée et le supérieur, pour une réelle réforme pédagogique des enseignements, ni pour rapprocher effectivement les classes préparatoires aux grandes écoles et les universités. Il ne suffit pas de demander aux lycées de passer des conventions avec les universités : nous demandons une revalorisation réelle de la licence afin de la rendre attractive pour les meilleurs étudiants et une révision de la sélection dans les grandes écoles pour supprimer les concours et les remplacer par des sélections plus équitables, qui rendraient inutiles les classes préparatoires.

Vouloir faciliter la mise à disposition des supports de cours sur les réseaux de télécommunication est une excellente chose, mais ces pratiques ne se développeront que si elles sont solidement protégées par la loi. Accepterez-vous, madame la ministre, de travailler avec nous sur l'exception pédagogique, afin de simplifier le travail des enseignants de l'enseignement supérieur ?

Nous saluons évidemment la fin de l'AERES, organisme dont l'inefficacité n'avait d'égale que l'ampleur des critiques qu'il suscitait, mais son remplacement par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur nous inquiète, notamment parce que la logique de nomination opaque de ses membres par décret reste identique à ce qui se pratiquait déjà.

Pourquoi en rester là ? Pourquoi ne pas supprimer les initiatives d'excellence (IDEX) et, plus largement, les investissements d'avenir ou les grands établissements à statut dérogatoire ? Pourquoi ne pas réformer l'ANR, dont la responsabilité dans la précarisation des chercheurs n'est plus à démontrer depuis que la Cour des comptes s'en est chargée, dans son rapport sur l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ? En contraignant les chercheurs à consacrer une part importante de leur temps à chercher des financements, l'ANR les a transformés en laborieux « administrateurs quémandeurs » – il n'y a pas d'autre mot. Au lieu de payer des cerveaux à développer la connaissance de l'humanité, nous les employons à remplir des dossiers complexes qui sont mécaniquement condamnés à n'aboutir à rien, puisque la demande dépassera toujours amplement les financements disponibles.

La précarité des chercheurs est une réalité. Nous ne comptons plus les exemples d'enchaînements de contrats courts qui aboutissent systématiquement à un départ du chercheur atteint par la limite des six ans qui impose un recrutement en CDI. Nos laboratoires excluent tous les jours, pour des raisons purement administratives, des chercheurs qui sont au pic de leur carrière.

Il est temps de revoir en profondeur la gouvernance de la recherche en France, en y associant autant que possible les citoyens. Nous souhaitons notamment institutionnaliser les recherches participatives, citoyennes et coopératives et les accompagner par des partenariats entre les établissements d'enseignement supérieur et de recherche et les associations de la société civile concernées par les interactions sciences-société. En outre, les décisions stratégiques ne doivent plus être prises sans y impliquer la société civile, notamment les associations concernées par toutes les thématiques de la recherche, appliquée et fondamentale.

Enfin, votre projet met en avant le rayonnement international et l'attractivité du territoire. L'assouplissement de l'obligation de l'emploi du français dans les formations est donc une excellente chose. Cependant, si nous voulons attirer étudiants et chercheurs, il faut rendre les formations plus lisibles, améliorer les bourses pour les étrangers, rendre au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) la gestion de l'accueil des étudiants étrangers et de leurs bourses en les retirant à Campus France, qui n'a pas démontré son efficacité en la matière, et enfin améliorer les conditions d'études et de recherche en France.

Tant que la précarité sera si forte, les salaires – surtout en début de carrière – si faibles et les conditions de travail si mauvaises, la France ne pourra pas devenir un pays vraiment attractif à l'échelle internationale.

Enfin, j'aimerais savoir, madame la ministre, pourquoi un si grand nombre des préconisations des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ne figurent pas dans le texte.

Où est l'amélioration des conditions d'études ? Le nombre d'étudiants salariés ne cesse de croître et fait chuter dramatiquement les taux de réussite.

Où est passée la lutte contre la précarité dans la recherche, qui touche environ 50 000 personnes ? Il est malheureusement à craindre que les 8 400 embauches que vous avez évoquées concernent majoritairement les catégories C.

Que sont devenues l'amélioration du statut des enseignants-chercheurs et la revalorisation de leur carrière ?

Qu'est devenue la réflexion sur le recrutement et la gestion des carrières, notamment la lutte contre les recrutements locaux ?

Où est passée la démocratisation des institutions d'envergure ? Pourquoi la réduction du nombre de fondations de coopération scientifique a-t-elle disparu ?

Les idées et ambitions que vous avez formulées lors de votre première audition par notre Commission nous avaient redonné confiance. Nous gardons l'espoir que, sur toutes ces questions, nos propositions seront acceptées.

Je tiens enfin à féliciter M. Feltesse pour son initiative : tenir le journal public de son activité de rapporteur de la loi est une excellente idée. Tout effort qui permettra aux citoyens de mieux comprendre le fonctionnement de l'Assemblée nationale mérite d'être salué.

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