Intervention de Vincent Feltesse

Réunion du 14 mai 2013 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Feltesse, rapporteur :

Permettez-moi d'abord de remercier le secrétariat de la Commission, qui a beaucoup travaillé, et mes collègues parlementaires, qui se sont emparés du texte si j'en juge par le nombre d'amendements déposés.

Vous avez reçu il y a quelques semaines le commentaire des articles, et mon rapport il y a quelques heures. Je me bornerai donc ici à mettre le projet en perspective.

Nous connaissions les lois fondatrices sur l'éducation et l'enseignement supérieur que sont les lois « Faure », « Savary » et « Jospin » ; nous connaissions les lois sur la recherche. Mais c'est la première fois qu'un projet de loi est consacré à la fois à l'enseignement supérieur et à la recherche. Cela n'est pas anodin, puisque cette loi est aussi une loi de convergence : convergence entre l'enseignement supérieur et la recherche, convergence entre les universités et les grandes écoles, convergence, enfin, à l'échelle des territoires.

Nous pouvons relever des tendances assez structurantes dans les politiques à l'oeuvre depuis quelques années en matière d'enseignement supérieur et de recherche, mais aussi des points qui appellent notre vigilance : la lourdeur, l'uniformisation et la prime au plus fort que peut susciter cette convergence. Le nombre d'amendements relatifs aux instituts universitaires de technologie (IUT) ou aux disciplines montre d'ailleurs bien que si nous sommes d'accord sur cette philosophie, la vigilance est de mise.

Quitte à surprendre, je dirai aussi que ce projet de loi assume une part de continuité. L'autonomie figurait déjà dans la loi « Faure » de 1968 et dans la loi de 1984. Le terme est certes un peu galvaudé ; l'université française demeure assez peu autonome en comparaison de ses homologues européennes, mais nous maintenons cette position. Le texte s'inscrit également dans une logique de rapprochement des établissements, qui est une nouveauté dans la politique universitaire depuis quelques années. La tendance avait en effet longtemps été à la séparation des établissements – Bordelais, j'ai vu mon université coupée en deux au milieu des années 1990, avant d'être réunifiée quelques années plus tard.

Par ailleurs, le projet aborde la question de la massification – ce que M. Benoist Apparu avait déjà fait dans son rapport de 2007 sur le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités (« loi LRU »). En cinquante ans, les effectifs étudiants ont été multipliés par huit, alors que la population française augmentait de 40 %. Nous franchirons vraisemblablement la barre des 3 millions d'étudiants dans les années qui viennent.

Le texte traite également de la modernisation de notre enseignement supérieur à travers le numérique et l'ouverture à l'international, ainsi que de sa responsabilité en termes d'insertion professionnelle et d'emploi. Qu'est-ce que l'excellence à la française en matière de formation et de recherche ? Derrière cette question se profile celle de l'évaluation.

En tant que rapporteur, j'assume tout à fait cette continuité du texte sur un certain nombre de politiques fondamentales de notre pays – qu'il s'agit d'améliorer.

Le projet n'en comporte pas moins des inflexions significatives. Je pense d'abord au nécessaire retour à une stratégie nationale de la recherche. En dépit de la définition d'une Stratégie nationale de la recherche et de l'innovation (SNRI), la multiplication des appels à projets ces dernières années a brouillé la stratégie et débouché sur une sorte de darwinisme de la recherche dont les bénéfices ne sont pas toujours avérés.

De même, l'articulation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur – de bac - 3 à bac + 3 –, dans le fil du projet de loi de refondation de l'école de la République du ministre de l'éducation nationale, M. Vincent Peillon, constitue une évolution majeure.

Je vois une autre grande inflexion dans la gouvernance plus démocratique des conseils d'administration. Nous revoyons celle-ci, sans pour autant revenir à la situation antérieure à la « loi LRU ». Nous aurons à n'en pas douter des débats approfondis sur cette question.

Enfin, le texte s'inscrit dans une nécessaire logique de simplification des structures et des procédures. Même ici, où nous sommes nombreux à bien connaître ces sujets, je doute que chacun ait une vision claire de la stratégie nationale de notre pays en matière de recherche et d'innovation.

Nous assumons dans ce projet des valeurs de gauche et des valeurs républicaines – lesquelles peuvent être consensuelles. Il marque en effet une volonté de rapprochement entre l'université et les grandes écoles, au-delà de ce qu'ont déjà permis les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES). Nous essayons d'aller plus loin sur la notion de convention. Le texte entend également favoriser l'accueil des étrangers et l'égalité entre les hommes et les femmes, point qui suscitera débat si j'en juge par les amendements déposés par le groupe UMP.

Le projet doit s'articuler avec la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, notamment pour ce qui concerne les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE). Il doit aussi déboucher sur la mise en place d'une stratégie nationale de la recherche. Reste à traiter la question fondamentale du financement de l'enseignement supérieur et de la recherche dans les années qui viennent. Je déposerai à cet effet un amendement sur la rédaction d'un Livre blanc de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce débat est de ceux qui ont déjà eu lieu en 2007.

Si le texte traite de la réussite des étudiants, il n'aborde pas la question de leurs conditions de vie. Ce sujet ne doit pas être oublié.

Le projet ne va pas non plus assez loin sur l'articulation entre la formation professionnelle et les universités. Je rappelle que le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche s'élève à 27 milliards d'euros, et celui de la formation professionnelle à 28 milliards, dont seulement 1 % à 2 % bénéficient chaque année au système universitaire, IUT compris.

Trois grands axes sous-tendent le projet de loi. Il donne tout d'abord la priorité à la réussite étudiante. J'ai évoqué l'articulation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, mais je pense aussi aux débouchés offerts aux baccalauréats professionnels et technologiques, qui représentent environ 50 % des bacheliers, à la valorisation de l'alternance, aux langues étrangères ou au numérique. Une expérimentation très intéressante est proposée à l'article 22 pour les études médicales – la Commission des affaires sociales a adopté cet article à l'unanimité. Je pense enfin à la valorisation du doctorat, avec les amendements qui vous proposeront d'aller un peu plus loin en la matière, ou à la mobilité internationale.

Second axe, le retour à une véritable stratégie de la recherche à l'échelle nationale. Plus que jamais, nous avons le devoir de réintroduire du temps long, de fixer un cap et d'assurer une certaine stabilité.

Troisième axe, la gouvernance – même si c'est un terme que je ne prise guère. Elle concerne bien sûr le fonctionnement interne des universités, avec le conseil d'administration, les pouvoirs du président et, désormais, le conseil académique, qui remplace à la fois le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire. Mais il s'agit surtout d'aller vers une nouvelle étape de la convergence – à savoir, après les PRES, les communautés d'universités et établissements, la fusion et le rattachement.

Ces quelques points méritaient d'être remis en perspective par rapport à des enjeux qui sont fondamentaux pour notre pays : l'excellence à la française, l'insertion professionnelle, la compétitivité et la réalité territoriale de notre République.

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