Intervention de Christophe Priou

Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 21h30
Débat sur la politique maritime de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Priou :

Je suis heureux que le Parlement puisse débattre ce soir de la politique maritime de la France. C'était l'une des préconisations du rapport sénatorial de 2012 sur la maritimisation que la tenue d'un débat annuel. Ce même rapport soulignait aussi la nécessité de mieux suivre et évaluer notre politique maritime, en regroupant des actions au sein d'une loi de programmation maritime quinquennale.

L'océan, c'est l'eau, la nourriture et l'énergie de demain. De la mer dépend en grande partie notre prospérité future. Sans politique maritime volontariste, et sans politique intégrée de l'Union européenne pour la mer, nous ne tirerons jamais les bénéfices d'une économie qui voyage en bateau : 90 % du commerce mondial transite aujourd'hui par voie maritime, et l'expansion de ce trafic est de l'ordre de 40 % en dix ans. Mais d'autres volets sont concernés par cette maritimisation, comme la gestion intégrée des zones côtières, qui a déjà été évoquée – rappelons que 75 % de la population vit à moins de 150 km des côtes – ou la biodiversité en haute mer, qu'il faut protéger avec des outils juridiques adaptés de régulation des espèces et des activités.

À l'heure de cette maritimisation en marche, il convient de sécuriser nos intérêts et donc de renforcer le rôle et les moyens de notre marine océanique, surtout lorsqu'on constate que les pays émergents construisent déjà activement les marines de demain tout en déployant des stratégies maritimes ambitieuses.

La mer est devenue une ressource stratégique ; du moins en renferme-t-elle de nombreuses, avec l'exploitation des ressources marines, fossiles, minérales ou renouvelables. Le pétrole et le gaz constituent le marché le plus important, puisque le marché de l'offshore représente aujourd'hui 30 % de la production mondiale de pétrole. Les besoins énergétiques devraient croître considérablement dans les prochaines décennies, et il convient de s'y préparer activement. Une tendance de fond semble se dessiner, avec le développement de technologies nouvelles d'extraction, mais aussi l'essor de la transformation sur place, qui optimise ainsi le cycle de production. Les fonds marins ont des réserves considérables de ressources minérales.

La maîtrise et la planification des espaces maritimes constituent un enjeu capital pour la France et pour l'Europe, surtout dans un contexte de raréfaction des ressources terrestres. Il y a donc lieu de confirmer la capacité de la marine nationale dans le temps long et d'inverser la tendance à la diminution de son format, puisqu'elle a connu une diminution de 30 % depuis les années 2000 : ce sera à la prochaine loi de programmation militaire d'y veiller.

Les membres de l'Union européenne doivent rapidement se mettre d'accord sur une vision stratégique commune et définir leurs intérêts vitaux communs. Les enjeux de la maritimisation sont forcément partagés par les pays de l'Union. On ne peut donc que souhaiter l'implication active de l'Europe, avec les outils dont elle dispose : l'initiative « Connaissance marine 2020 », le programme « Maritime spatial planning », la surveillance maritime intégrée et les stratégies régionales par bassins maritimes.

La recomposition des routes maritimes et l'évolution des flux est aussi une question européenne, et je souhaite que la France soit plus présente dans la définition des plans de transport européens, dont les infrastructures ferroviaires, fluviales et routières doivent être parfaitement adaptées pour capter les flux maritimes et portuaires.

La maîtrise des routes maritimes entre l'Europe et l'Asie est un enjeu stratégique majeur, or un fait essentiel va bouleverser la carte des routes maritimes : l'ouverture de nouvelles voies maritimes au Nord. L'Arctique est déjà l'objet de convoitises en raison de ses impressionnantes ressources en hydrocarbures, mais demain s'y ajoutera un passage maritime de première importance, par la mer de Barents, la mer de Laptev, la mer de Sibérie orientale et le détroit de Bering, qui constituera une nouvelle porte commerciale vers l'Asie. C'est bien une nouvelle dimension stratégique qui doit être intégrée à notre politique maritime.

La France, nation ouverte sur de nombreuses mers et sur tous les océans, a donc un rôle de premier ordre à jouer, afin que l'appropriation d'une zone maritime et de ses ressources ne se fasse pas à notre détriment et sans nous. Gardons à l'esprit, comme le souligne le rapport sur la maritimisation, que cette appropriation progressive de la mer par l'homme constitue un risque pour l'environnement marin, et que la valorisation des activités marines passe aussi par la protection de l'environnement en mer. Souvenons-nous des naufrages, qui auraient pu et dû être évités, de l'Erika et du Prestige, qui ont pollué nos côtes en 1999 et en 2002.

Je souhaite donc que le Gouvernement fasse connaître rapidement ses priorités, et que la France soit le moteur d'une ambition européenne retrouvée. La balle est donc dans votre camp, monsieur le ministre, et je souhaite qu'elle rebondisse plus haut que les résultats de l'US Boulogne, qu'on a déjà vu en meilleure santé sportive !

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