Intervention de Sébastien Denaja

Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 21h30
Débat sur la politique maritime de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja :

Quelle est aujourd'hui la région du monde qui rassemble plus de 300 millions d'habitants, qui concentre d'immenses déséquilibres humains et sociaux, qui fédère par sa géographie la première puissance économique du globe et la zone politique la plus instable du monde, qui réunit trois grandes civilisations et près de quarante peuples, qui supporte le passage de plus d'un milliard de tonnes de marchandises chaque année ? C'est la Méditerranée, mare nostrum, notre mer, quelle que soit notre terre d'élection.

Il me semble essentiel d'intégrer cette dimension méditerranéenne à l'important débat que nous avons aujourd'hui sur l'avenir de la politique maritime de notre pays. Ce n'est pas en tant que député méditerranéen que je m'exprime mais en tant que représentant de la nation, car la Méditerranée est un enjeu national.

Depuis la fondation d'Agde il y a vingt-six siècles et de Marseille par les Grecs, la France s'est aussi construite par sa façade méditerranéenne. Comment ne pas citer le dynamisme de la Narbonnaise durant l'Antiquité ? Comment oublier l'apport méditerranéen à la construction d'une France moderne dès les débuts de la République ?

Après la Libération, l'État central a conduit de grands aménagements visant à moderniser notre façade littorale méditerranéenne et il faut rendre hommage à cette politique qui voulait aménager la France de Dunkerque à Marseille. Malheureusement, dans les années suivantes, le littoral méditerranéen n'a pas connu une telle constance de l'État central, loin s'en faut.

Je le dis avec gravité : la faille s'élargit chaque jour entre une Europe du Nord en croissance, même relative, et une Europe méditerranéenne qui sombre sans fin dans une récession profonde. Cette faille pourrait à terme devenir un gouffre et plonger les plus grands pays tels que l'Italie, l'Espagne ou le Portugal dans une instabilité durable. Il n'est pas trop tard pour agir et les atouts des façades méditerranéennes peuvent être valorisés pleinement par une politique déterminée de croissance bleue.

Dans cette perspective, la France peut jouer un rôle moteur au niveau européen.

Je salue à cet égard votre action au sein du Gouvernement, monsieur le ministre, qui montre que vous avez pris la pleine mesure de cet enjeu : énergies marines, matériels nautiques de demain, outils de transport maritime, matériels industriels de désalinisation, utilisation des ressources marines dans les secteurs agroalimentaires et pharmaceutiques, transports durables. En résumé, nous pouvons travailler à l'émergence d'une ambitieuse filière industrielle marine.

À cet égard, je formule l'ambition pour notre pays que nous puissions construire cette filière comme nous avons construit hier la filière aéronautique autour d'Airbus. C'est là un enjeu européen majeur.

Notre littoral méditerranéen dispose d'un savoir-faire industriel reconnu et de pôles de recherche et d'intelligence internationaux, je pense en particulier à ceux de Montpellier. Ces savoir-faire doivent être mobilisés, des milliers d'emplois sont en jeu.

Un deuxième enjeu majeur doit nous mobiliser sans relâche : la pollution. Le bassin méditerranéen est un écosystème particulièrement fragile. N'oublions pas que plus de 90 % des populations de l'ensemble du littoral méditerranéen résident à moins de trente kilomètres des côtes. Or, la pollution des eaux par les rejets côtiers ou maritimes met à court terme potentiellement en danger nos pêches mais aussi l'ensemble des exploitations conchylicoles et ostréicoles.

Je sais, monsieur le ministre, que vous n'ignorez rien de ces difficultés que vous avez pu mesurer par vous-même lors de votre récente visite dans l'Hérault. J'insiste d'ailleurs à cet instant sur le caractère souvent familial de la pêche méditerranéenne, qu'il faut prendre en compte. En outre, la dégradation du milieu marin pourrait également conduire à un recul important des fréquentations touristiques sur nos littoraux.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer dans quelle mesure la France serait à même d'amplifier une dynamique européenne en matière de préservation des eaux méditerranéennes ?

Il se trouve que ma circonscription est un concentré de Méditerranée. Sète est le premier port de pêche de notre mer, le deuxième port de commerce après Marseille ; Agde est un port important. Avec mes collègues députés de l'Hérault, je suis particulièrement mobilisé sur la question de la pérennité du bassin de Thau : nous attendons des assurances quant à la mise en oeuvre d'un plan national d'action en sa faveur

Un dernier enjeu me semble tout aussi essentiel : la Méditerranée ne doit pas être une frontière, une fracture entre peuples du Sud et du Nord. Le président de la République François Hollande s'est engagé en faveur d'une relance du processus de construction d'une Euro-Méditerranée dynamique. Là aussi, il y a des gisements d'emplois importants et la politique maritime que vous menez peut constituer le ciment qui unira les peuples méditerranéens.

Même si, comme le chantait Brassens, en Méditerranée, Neptune ne se prend jamais trop au sérieux – moins en tout cas que sur la façade atlantique – c'est avec sérieux qu'il faut considérer aux plans national et européen l'enjeu méditerranéen.

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