Intervention de Jean-Louis Roumegas

Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 21h30
Débat sur la politique maritime de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas :

Deuxième représentant de la façade méditerranéenne à cette tribune, je voudrais tout d'abord remercier mes collègues du groupe GDR de cette initiative, qui me paraît tout à fait d'actualité.

Monsieur le ministre, à l'heure où une triple crise, écologique, sociale et économique, s'est installée, la richesse des fonds marins, leur biodiversité et leurs ressources énergétiques constituent une promesse de relance durable. Elles créent aussi des appétits immenses pour les esprits les plus prédateurs, ceux-là qui dénient aux générations futures le droit à un environnement de qualité.

Face à cet enjeu majeur du XXIe siècle, la politique maritime de la France est à la croisée des chemins.

Le bilan de la précédente PCP est désastreux : 88 % des stocks européens sont surexploités. Ce sont les logiques productivistes d'exploitation des ressources halieutiques qui ont entraîné le déclin de la filière, le gaspillage et la régression des emplois.

Le 6 février dernier, le Parlement européen, rejoignant les propositions de la Commission, s'était largement prononcé en faveur d'une réforme radicale de la politique commune de la pêche. La priorité était accordée au renouvellement de la ressource et, par conséquent, à la renaissance économique et sociale du secteur, car les deux sont liés, bien entendu. Pour la première fois, le principe de durabilité s'inscrivait comme un déterminant majeur, s'appuyant sur des recommandations des scientifiques trop souvent ignorées.

L'accord entériné le 30 mai dernier par le Parlement, le Conseil et la Commission est un pas important. À travers l'abandon des quotas de pêche transférables, il réaffirme que les ressources halieutiques constituent un bien public qui doit être géré collectivement et ne saurait faire l'objet d'une appropriation privée.

Nous nous félicitons également des modes de répartition des quotas. Les États membres s'appuieront désormais sur des critères environnementaux et sociaux tels que l'impact des pêcheries sur l'environnement, les antécédents de l'armateur en matière de respect de la réglementation ou la contribution à l'économie sociale. C'est une bonne nouvelle, notamment pour les petits pêcheurs de thon rouge de la Méditerranée qui doivent enfin bénéficier d'une répartition plus juste et plus équitable de ces quotas.

Cependant, nous regrettons, monsieur le ministre, que les gouvernements européens n'aient pas eu la même ambition que les députés européens concernant la reconstitution des stocks. La position du Parlement aurait permis une reconstitution d'ici à 2020 grâce à l'ajustement des taux d'exploitation d'ici à 2015. En raison de l'absence d'échéance imposée par le Conseil, et la France en son sein, combien d'années faudra-t-il attendre pour que les stocks soient reconstitués avec les conséquences que l'on connaît pour la rentabilité des pêcheries et l'emploi ?

De même, l'objectif d'interdiction totale des rejets d'ici à 2017 – qui n'a pas été retenu sous cette même pression du Conseil, et en particulier de la France – aurait envoyé un signal fort, engageant davantage la responsabilité des pêcheurs et soutenant les plus vertueux.

Le 10 juillet prochain, la commission de la pêche du Parlement européen votera le rapport sur l'instrument financier de la PCP, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche – FEAMP. J'en appelle à votre vigilance, monsieur le ministre, afin que ce budget n'affaiblisse pas les objectifs de la PCP et que son message soit celui de la cohérence et du choix.

La protection des ressources est une priorité : plus de poissons en mer, c'est plus d'emplois à terme pour les pêcheurs. Les 6,7 milliards d'euros de dotations ne doivent pas être dispersés tous azimuts et ne doivent surtout pas financer un renforcement de la surcapacité ou d'autres objectifs économiques de court terme. Ce serait réduire d'autant les moyens accordés à la collecte de données scientifiques, aux contrôles de la PCP, à la recherche et à l'innovation en matière de technologies sélectives.

En outre, la Commission européenne reconnaît que la surcapacité est l'un des principaux facteurs de la surpêche. Elle reconnaît également que ce sont les subventions qui ont maintenu cette situation. La réforme de l'instrument financier de la politique commune offre donc une occasion unique de réorienter les subventions et de les mobiliser pour mettre en oeuvre une transition.

Il convient aussi de s'assurer que l'aquaculture ne soit pas développée sans discernement. Il faut notamment favoriser la filière herbivore plutôt que la filière carnivore, du fait de tous les problèmes que l'on connaît, notamment avec les farines animales. Il aurait mieux valu développer la filière des protéines végétales que nous appelons de nos voeux depuis un moment.

N'oublions pas que le respect des objectifs écologiques, loin de freiner la création d'emplois et le développement économique, sera le moteur de la transition.

En conclusion, permettez-moi de citer Richelieu : « Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu'ils ont ignorée. »

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