Intervention de Frédéric Cuvillier

Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 21h30
Débat sur la politique maritime de la france

Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Nous le ferons ! Ce qui a pris du temps ne doit pas en prendre plus encore.

Il a été fait référence à la réduction des rejets de soufre, enjeu majeur pour les différentes compagnies, notamment de transport maritime, dont on sait les difficultés qu'elles connaissent. J'ai pris mes responsabilités en traitant le dossier de SeaFrance dont Yann Capet a parlé tout à l'heure. Je reviendrai sur My Ferry Linkdans quelques instants si vous le souhaitez.

Nos compagnies françaises sont malades, il faut les accompagner, les aider. C'est vrai de Brittany Ferries et de la SNCM, dont nous nous préoccupons quotidiennement. Je me refuse de voir la SNCM abandonnée. Ne m'en veuillez pas de ne pas aller au-delà ce soir, mais il faut d'abord faire en sorte que les partenaires sociaux, les actionnaires ainsi que l'État actionnaire puissent travailler à la construction de solutions industrielles permettant de sauver les compagnies et le pavillon français.

Un mot sur SeaFrance, qui employait 1 500 personnes et qui a été en liquidation, sur Brittany Ferries, qu'il a fallu soutenir et où les difficultés perdurent, sur l'enjeu de la directive Soufre. Toutes les compagnies seront confrontées au renouvellement de leur flotte, notamment dans les zones SECA, avec un enjeu, une date, un niveau de réduction des pollutions exigeants. Le rapport Jouffray qui m'a été remis il y a deux jours constitue une perspective majeure dans le but de structurer, d'aménager chacune des côtes et façades maritimes pour ce qui est des infrastructures de gaz naturel liquéfié. C'est l'enjeu de toute la flotte française car si nous ne nous préparons pas à ce rendez-vous, la compétitivité de nos ports ne sera plus d'actualité et l'approvisionnement se fera dans les ports de Barcelone ou de Rotterdam plutôt qu'à Dunkerque ou à Marseille.

L'État doit être stratège sur cette question. De même, il doit prendre ses responsabilités dans la défense du pavillon France. Il n'est pas normal de voir des salariés se constituer en SCOP – tout innovant que soit ce montage – et investir leurs indemnités de licenciement, pour créer My Ferry Link, battant pavillon français. Il n'est pas normal que l'autorité administrative britannique prenne une décision inverse à l'autorité française de la concurrence et qu'elle méconnaisse une décision ayant autorité de la chose jugée, interdisant d'ailleurs aux propriétaires des bateaux de SeaFrance, suite à la liquidation, de les revendre dans un délai de cinq ans. Autant dire que la décision de l'autorité indépendante britannique est une mise à mort de la compagnie.

Alors que nous avons surmonté les difficultés de SeaFrance et sauvé 500 emplois, grâce d'ailleurs à la volonté des salariés, il n'est pas normal – parce que les parts de marché sont là, parce que la réussite du pavillon français est là ! – de devoir nous résoudre à cette solution inspirée, il faut le dire, du non-sens. Comment démontrer que deux compagnies garantiraient mieux la concurrence que trois ? Il y a un moment où les libéraux se prennent les pieds dans leurs propres démonstrations de logique capitaliste.

Il est important pour nous, comme je l'ai fait discrètement depuis plusieurs semaines et officiellement depuis le conseil des ministres européens au Luxembourg cette semaine, et à cette tribune en réponse à Yann Capet, de dire que ce que nous avons fait pour SeaFrance, ce que nous faisons pour Brittany Ferries ou pour la SNCM, nous le ferons pour My Ferry Link, car le pavillon français doit avoir ses chances et l'emploi marin français est une nécessité. Nous devons être le gouvernement, vous devez être les représentants du peuple qui garantissent cette réalité de l'emploi marin français.

Mme Grelier a évoqué, je crois, ce qui aujourd'hui est une chance, à savoir la reconnaissance d'un service public dans les ports par le Conseil d'État. Malheureusement, ce principe pourrait être mis à mal par le nouveau règlement européen sur les ports initié et suggéré par le commissaire européen Siim Kallas. Lundi dernier, lors du Conseil des ministres européens des transports, j'ai indiqué que la France était extrêmement réservée sur cette initiative nouvelle, extrêmement méfiante quant aux dispositions de ce nouveau paquet portuaire. Là où nous étions seuls auparavant, d'autres pays se sont exprimés, comme la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-Bas. Il est possible que la France soit à l'initiative de la protection de l'emploi mais aussi de la réalité des services publics dans les ports.

Dans cette économie maritime, n'oublions pas la pêche et l'aquaculture, qui jouent un rôle spécifique. Le monde de la pêche doit être préservé, valorisé, défendu. Je rappelle que la pêche représente 1,7 milliard de chiffre d'affaires et 90 000 emplois. Ce sont des réalités des façades maritimes, des réalités d'aménagement du littoral, d'économie du littoral. Les Français y sont attachés. J'ai entendu ici des interventions distinguant les pêches, comme s'il était légitime d'opposer tels ou tels types de pêche. Les pêches sont la réalité de la France, sa diversité. La pêche hauturière, la pêche thonière, la petite pêche, la pêche côtière, la pêche spécialisée sont la diversité de nos façades maritimes. Notre pays a la chance d'avoir des pêcheries mixtes, même si cela impose des exigences.

Monsieur Roumegas, il faut, comme vous l'indiquiez, faire en sorte que les avis scientifiques s'imposent. C'est d'ailleurs la position de la France lors de la discussion de la PCP. Il faut pointer du doigt les comportements peu respectueux de l'environnement marin et de la biomasse, peu respectueux de la réalité. Je pense notamment à la pêche minotière. On caricature la position de la France dans ces négociations, mais où sont ceux qui mettent en cause la pêche minotière, celle qui transforme toutes les captures en farine, celle qui ne respecte aucun stock d'aucun poisson ? Où sont-ils lorsque la France veut éviter pareille dérive, demande une analyse des conséquences de la pêche électrique, propose une mise sous quotas pour protéger des espèces en cas de surexploitation de la pêche ? Où est la réalité dans les propos de ces gens qui viennent donner des leçons, s'invitent parfois, sans vouloir le débat, sans écouter ce qui se dit ? Qui sont les défenseurs de la petite pêche, alors que, à l'initiative du Gouvernement, les petites pêches ont bénéficié de la répartition plus juste des quotas de thon rouge ? La France a été celle qui a permis de mettre sur la table le débat sur la pêche au gangui, qui sera peut-être entendu par le commissaire européen. Comment peut-on m'interpeller, via des pages entières, financées on ne sait comment, en me disant que l'on m'observe ? Eh bien qu'on le fasse, mais complètement, sans caricaturer la position de la France ! C'est une position équilibrée, qui respecte la diversité des pêches, qui respecte les pêches elles-mêmes, ainsi que les différents types d'activité qui garantissent l'emploi. Je rappelle que le développement durable, c'est de l'économie, c'est du social et c'est de l'environnemental.

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