Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 19 juin 2013 à 9h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli, co-rapporteure de la Commission des affaires européennes :

Le débat qui nous réunit ce jour est important pour les créateurs, pour les citoyens et pour toutes les professions qui vivent du cinéma.

Mon collègue Rudy Salles et moi-même avons voulu une meilleure coordination entre nos différents parlements nationaux, sur des questions européennes d'importance particulière. Il s'agissait pour nous, à travers les rencontres d'hier et d'aujourd'hui, d'une part, de repérer les États membres partageant la même conception du financement européen du cinéma, d'autre part de définir une stratégie commune visant à assurer une meilleure maîtrise collective des initiatives prises par la Commission européenne lorsque celles-ci font peser un risque majeur sur la pérennité du cinéma européen. C'est pourquoi nous entendons recueillir auprès des professionnels que vous êtes un avis circonstancié et argumenté.

Le financement européen du cinéma constitue un enjeu d'autant plus important que se profile derrière lui une démarche autant démocratique qu'économique. Il s'agit de mettre à profit nos régimes institutionnels fondés sur les libertés pour préserver des valeurs elles-mêmes fondatrices d'activités qui encouragent la capacité de chaque individu, potentiellement créateur, et de chaque communauté, à déployer au profit du public les sensations, les émotions et les jugements, subjectifs et artistiques, si utiles dans notre monde matériel.

Il faut, pour cela, pouvoir proposer au public des oeuvres qui ne soient ni automatisées ni formatées, ce qui exige que les modes de financement des créations soient abondants et diversifiés. C'est si vrai que, tout récemment, deux cinéastes américains qui ne sont pas parmi les moins connus, Steven Spielberg et George Lucas, ont exprimé leur inquiétude devant l'évolution de l'équation économique de l'industrie cinématographique outre-Atlantique, dénonçant en vrac la concentration des financements sur quelques films par les « majors », l'abandon des films originaux et d'auteurs, l'importante augmentation du prix des places dans les salles… Ils ont ainsi décrit un système qui ne fonctionne plus de manière satisfaisante, n'offrant que de chiches opportunités à la créativité, à l'innovation, au renouvellement des formes.

Voilà pourquoi Rudy Salles et moi-même travaillons depuis plusieurs mois en faveur de la territorialisation des aides au niveau européen, notamment à travers la résolution sur le projet de révision des règles relatives au contrôle des aides d'État dans le secteur du cinéma, qui, on l'a dit, a été adoptée à l'unanimité.

Il faut d'abord affirmer que la territorialisation des aides doit devenir un principe conducteur d'une industrie cinématographique à la fois spécifique et compétitive, tout en luttant contre les concurrences fiscale et sociale déloyales, dites de dumping.

Le nouveau projet de communication de la Commission européenne, en date du 30 avril dernier, n'a nullement apaisé les inquiétudes des professionnels. Il nous soumet à un calendrier contraint et risque de vider de sa substance le principe de la territorialisation des aides.

À la demande de l'Allemagne et de la France, la consultation publique afférente a été prolongée de un mois, ce qui reporte son terme au 28 juin prochain.

L'extension du champ d'application de la communication de la Commission nous fait déplorer l'absence de la mention des jeux vidéo, secteur par excellence innovant et créatif. Dans ce cas, excluons aussi les aides aux salles puisqu'elles ne relèvent pas de la libre circulation des biens et des services en raison de leur intrinsèque immobilité.

La Commission semble aujourd'hui faire droit aux demandes initiales des tenants du libre-échange absolu, en conservant le critère de 80 % de tournages et de productions des services correspondants en dehors des lieux nationaux de production. Dans ces conditions, les États membres ne pourront plus permettre à leurs industries nationales de conserver les savoir-faire inhérents à la création artistique, ce qui amputerait de l'essentiel de sa portée le principe de territorialisation des aides, risquerait de favoriser la multiplication de dispositifs de substitution, plus ou moins opaques et susceptibles d'inciter à des délocalisations de tournages pour motif fiscal, et provoquerait une concurrence artificielle et contraire aux intérêts bien compris du cinéma européen. C'est pourquoi nous avons adopté ce projet de résolution et demandé que la Commission européenne réexamine son projet de communication afin de tenir compte de l'avis des représentations nationales. À court terme, l'avenir de l'industrie cinématographique européenne repose donc sur le maintien de la territorialisation des aides.

J'aimerais interroger les professionnels sur leurs propositions visant à renforcer le financement européen du cinéma. Quelle est leur position sur la chronologie des médias, sur l'avenir du cinéma, compte tenu du bouleversement de son modèle économique avec l'arrivée du numérique ? Que pensent-ils de la possibilité, pour les États membres de l'Union européenne, de taxer, afin de financer la création, les opérateurs de télécommunications et les plateformes de téléchargement qui participent de plus en plus à l'acheminement et à la diffusion des contenus ?

Rudy Salles et moi-même avons émis l'idée de créer un centre européen du cinéma et de l'image animée assorti d'un mécanisme de redistribution et de mutualisation alimenté par des taxes dédiées. Les professionnels y sont-ils favorables ?

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