Intervention de Radu Mihaileanu

Réunion du 19 juin 2013 à 9h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Radu Mihaileanu, réalisateur :

Je tiens d'abord à remercier tous les parlementaires qui nous ont aidés à préserver l'exception culturelle européenne. Il nous faut rester vigilants, car le combat n'est pas terminé et ne finira pas de sitôt. Il ne s'agit nullement d'un combat corporatiste, mais d'une lutte pour la démocratie et pour la liberté d'expression dans les relations entre la culture et les citoyens, non seulement en Europe, mais dans le monde entier.

Des cinéastes américains nous ont soutenus, ayant compris depuis longtemps que l'enjeu ne ressortait pas d'un affrontement entre l'Europe et les États-Unis. Ils ont admiré la Nouvelle-Vague, comme de nombreux cinéastes français et européens ont admiré les grandes productions américaines. Nous ne sommes pas davantage des ennemis de la mondialisation, mais, bien au contraire, des universalistes qui créent des oeuvres spécifiques en espérant les diffuser dans le monde entier et qui sont également avides de découvrir les oeuvres des autres. Les artistes ont toujours fait preuve d'une ouverture au monde bien antérieure à celle de l'économie générale et avant même la création d'un marché commun en Europe.

L'exception culturelle exprime le droit du citoyen et des peuples à définir des politiques culturelles favorisant la liberté et la diversité de la pensée, à travers la production et la diffusion de celle-ci. Mais la mise en place de cadres juridiques supranationaux, bénéfique pour les échanges courants de marchandises industrielles, recèle en revanche certains dangers dans le domaine de la pensée et pour la démocratie. Le citoyen doit rester libre de produire des idées et d'accéder à la diversité de celles-ci, faute de quoi le pouvoir politique deviendrait le serviteur du pouvoir économique, ce qui favoriserait la montée des extrémismes et de la violence.

On entend souvent affirmer que l'État ne doit pas s'occuper de création artistique. Sa contribution est pourtant minime : en France, les fonds publics alimentant le cinéma n'interviennent qu'à hauteur de 7 % de son chiffre d'affaires. Mais le citoyen ne doit-il pas, à travers sa participation financière, défendre un bien aussi important que le droit à la pensée et à la diversité ?

Le monde entier envie le modèle français de soutien au cinéma, qui, bien sûr, n'est pas parfait. La solidarité des artistes s'est traduite par une pétition internationale signée par 8 000 cinéastes, musiciens, écrivains, etc., confirmant la valeur d'un système qui permet à la fois de défendre la diversité des expressions sociales, notamment celles des minorités, et de protéger l'indépendance des créateurs à l'égard de groupes privés de plus en plus puissants, dont les chiffres d'affaires se lisent en milliards et qui s'appellent désormais Google, Netflix, Amazon, Facebook, Apple. Nous ne cherchons pas pour autant à limiter leur champ d'activité : libre à eux de produire un certain type de pensée, dès lors qu'ils ne l'imposent pas comme la seule à travers leur domination du marché.

Nous soutenons donc le mécanisme français des quotas, comme nous avons soutenu le programme européen MEDIA, devenu « Europe créative ». Ces modèles doivent néanmoins évoluer en fonction des progrès techniques et s'adapter aux données nouvelles. Il ne s'agit évidemment pas pour nous de réclamer un gel des réglementations, comme on nous en a parfois adressé le reproche.

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