Intervention de Conchita Airoldi

Réunion du 19 juin 2013 à 9h45
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Conchita Airoldi, productrice, présidente d'Urania Pictures :

La différence principale entre la France et l'Italie dans le domaine audiovisuel tient à ce que, d'un côté, l'État joue un rôle actif dans la politique culturelle et que, de l'autre, un monopole privé plaide en faveur d'une totale dérégulation.

En Italie, le ministère de la culture attribue des aides sélectives sur la base de l'intérêt culturel du film. Celles-ci peuvent représenter de 8 à 17 % du coût global d'un film. L'État peut ensuite récupérer jusqu'à 30 % de son investissement en fonction des recettes d'exploitation. S'il n'en existe pas, l'aide demeure à fonds perdu.

Les aides automatiques contribuent à la production et à la coproduction de films italiens en fonction des recettes obtenues en salles. Elles s'échelonnent de 10 à 22,5 % du budget du film.

Le service public de la RAI doit affecter 3,6 % de ses ressources de diffusion à la production, à l'achat et au préachat de films originaux, dont 30 % à leur préachat. Il doit aussi consacrer 1,3 % de la durée de ses émissions à la programmation de films italiens sur les chaînes généralistes et 4 % sur les chaînes thématiques du cinéma.

Comment définir la notion d'intérêt général sans se perdre dans la spirale des débats idéologiques entre traditionalistes et innovateurs, entre partisans de l'intervention de l'État et défenseurs de la liberté des marchés ?

La notion d'exception culturelle, élaborée par la France, représente maintenant une donnée historique incontournable. La situation ayant beaucoup changé depuis le début des années 1990, il serait vain de ressasser de vieux mots d'ordre de moins en moins en prise sur les réalités mouvantes du secteur. Seule une politique pragmatique peut concilier le droit culturel et l'intérêt économique.

Si la logique d'entreprise, comme le montre le cinéma chinois, constitue un élément utile à la conclusion d'accords de partenariat permettant d'échanger au mieux les talents, la créativité doit être encouragée dans le domaine de la fiction comme du documentaire et la diffusion des oeuvres doit demeurer libre, ce qui exige une politique européenne, en amont comme en aval de la création, au moyen de normes juridiques souples et communes.

La protection des droits au niveau mondial nécessite également un instrument européen à travers un réseau de distribution transparent. Je propose à cet égard l'instauration d'un organisme européen ayant pour mission, d'une part, de contribuer à l'harmonisation des différentes législations nationales, d'autre part de constituer une base de données relative à la chaîne des droits d'un film ou d'une production audiovisuelle.

Les politiques européennes de soutien au cinéma ont obtenu des résultats positifs, permettant de réaliser des oeuvres qui, autrement, n'auraient jamais vu le jour. Elles sont devenues parties intégrantes de tout plan de financement, aussi bien en matière de production que de distribution.

Il faut aujourd'hui parvenir à repérer dans ces filières les articulations essentielles à leur développement afin d'adapter au mieux les soutiens publics. Ainsi, une aide à l'enrichissement des scénarios pourrait être financée par des fonds européens existant déjà, mais complétés par un prélèvement spécifique sur les recettes d'exploitation au-delà d'un certain seuil.

Il conviendra aussi de simplifier les modalités des coproductions européennes, dont le nombre diminue du fait d'une excessive complexité.

Les aides nationales aux coproductions traditionnelles devraient être étendues aux coproductions financières par une rationalisation et un regroupement des différentes normes nationales en matière de crédits d'impôt.

Il faut enfin renforcer l'aide à la distribution en coopération avec le service public de la télévision et en tenant compte de l'entrée en lice d'opérateurs de télécommunications comme Orange, qui offrent désormais une alternative supplémentaire à la salle de cinéma.

Enfin, le secteur bancaire et industriel, qui n'est pas directement lié au monde de l'audiovisuel, le soutient cependant sur le plan financier, grâce aux dispositifs dits de crédits d'impôt externes. Ce fut, par exemple, le cas du financement des deux derniers films de Paolo Sorrentino, This must be the place, en 2011, et La grande bellezza, en 2013.

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