Intervention de Didier Migaud

Réunion du 3 juillet 2013 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Tout n'est pas qu'une question de moyens et telle n'est pas forcément l'approche de la Cour. Nous avons la faiblesse de penser qu'en présence de 837 000 enseignants, d'une population d'élèves encore plus importante et d'un budget de l'ordre de 50 milliards d'euros, la gestion – quand bien même le mot gênerait – est essentielle et ne doit pas faire peur. À cet égard, le titre que nous avons retenu était censé faire passer l'idée qu'on pouvait répondre à certaines difficultés d'organisation de l'éducation nationale par une gestion différente, sans forcément recourir à des moyens supplémentaires. C'est pourquoi nous avons indiqué que les résultats n'étaient pas corrélés au nombre à la baisse ou à la hausse des enseignants. Plusieurs d'entre vous ont regretté la suppression de 80 000 postes, alors que nos chiffres font état de 52 683 équivalents temps plein travaillé – ETPT – pour la période 2006-2012.

La politique d'éducation prioritaire ne constituait pas l'objet principal de notre rapport – peut-être faudrait-il en dédier un à part entière compte tenu de l'étendue du sujet. En revanche, le thème y a été abordé de manière indirecte à plusieurs occasions, à la fois au titre de l'insuffisante prise en compte des besoins des élèves et des mesures qui pourraient être prises pour mieux prendre en compte la difficulté des postes d'enseignants.

Selon M. Yves Durand, la Cour irait trop loin ou pas assez. Nous ne portons pas de jugement sur la gestion des différentes majorités politiques. Nous avons remis un travail de deux ans, qui est d'autant plus indépendant de l'actualité que ce type de réforme doit s'étaler sur une période longue. Tous les pays qui se sont engagés dans la réforme de leur système éducatif y ont consacré huit à dix ans. C'est le temps dans lequel nous nous inscrivons. La Cour est attentive à rester dans son rôle, à ne se substituer ni à l'administration ni au pouvoir politique, et à ne pas s'élever au-dessus de sa condition. L'absence de mode d'emploi est précisément due à cet attachement à ne pas sortir de nos compétences. Nous formulons des constats ainsi que des recommandations, d'ailleurs à l'invitation du Parlement qui souhaitait nous voir aller plus loin que le simple constat, mais la décision, la conception et la mise en oeuvre d'une réforme relèvent de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement. C'est bien volontiers que nous vous aidons, si nous le pouvons, dans la réflexion, et c'est ainsi que nous sommes convenus d'essayer de vous apporter des éléments de réflexion sur la question du lycée, que vous avez souvent soulevée et qui est essentielle dans notre système éducatif.

Plusieurs d'entre vous ont estimé que la décentralisation serait plus adaptée que le cadre national pour mettre en oeuvre les préconisations formulées par la Cour. Au vu des exemples que nous avons examiné, qu'on soit dans un pays fortement décentralisé ou dans un pays plus centralisé, il est possible de réformer. Le Canada et l'Allemagne ont un système plus décentralisé que la Finlande et la Suède, qui peuvent aussi être prises en exemple. Vraisemblablement, il faudrait plus de déconcentration qu'aujourd'hui. Nous invitons à raisonner davantage en fonction des bassins de proximité pour mieux prendre en compte les besoins des élèves et la diversité des enseignants, et remédier ainsi à une faille du système éducatif.

Nous constatons que la multiplication des contrats précaires dans l'éducation nationale résulte très souvent de la rigidité du système éducatif tel qu'il est organisé actuellement. Les assouplissements que nous recommandons – annualisation, élargissement du temps de service dans le cadre de l'année scolaire, bivalence – pourraient permettre de réduire le recours à ces contrats précaires. Le statut de la fonction publique n'est d'ailleurs pas tant le problème que l'utilisation rigide par le ministère. La totalité des recommandations de la Cour pourrait être mise en oeuvre sans remettre en cause le statut légal de la fonction publique, d'autant que beaucoup d'aspects relèvent du pouvoir réglementaire et des décrets. Plusieurs d'entre vous ont insisté sur les décrets de 1950 : ils peuvent parfaitement être modifiés après les concertations d'usage.

Nous recommandons clairement la revalorisation du métier et de la rémunération, même si nous proposons qu'elle se fasse dans le cadre des moyens actuellement consacrés à l'éducation nationale, tant il est vrai que nous pensons possible de dégager des marges de manoeuvre en gérant autrement.

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