Intervention de Marcel Rogemont

Réunion du 3 juillet 2013 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Rogemont, rapporteur :

Ce projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public donne corps à l'engagement de campagne 51 du Président de la République. Sans revenir sur les débats de décembre 2008 relatifs à la précédente réforme de l'audiovisuel, il faut réaffirmer la nécessité de cette indépendance afin de casser l'image désastreuse laissée, non seulement par certaines décisions, mais aussi par les déclarations selon lesquelles l'audiovisuel public n'a qu'un seul actionnaire, auquel il revient de nommer les présidents de ses différentes sociétés. Certes, ces nominations par le Président de la République devaient être avalisées par les commissions compétentes du Parlement ; mais les majorités nécessaires pour s'y opposer étant introuvables, la procédure était de pure forme. Avec ce projet de loi, le gouvernement rappelle clairement que l'audiovisuel public n'appartient pas à une personne, fût-elle Président de la République. Cette conception fait écho à votre jugement selon lequel « l'audiovisuel a trop souvent été considéré en France comme un jouet dans les mains du pouvoir ».

Il ne s'agit pas seulement de revenir à la situation antérieure à la loi de 2009, mais aussi d'aller plus loin dans les garanties d'indépendance et de transparence. Ainsi, la désignation de six des sept membres du CSA par les présidents de l'Assemblée et du Sénat sera conditionnée par l'accord d'une majorité des trois cinquième des commissions compétentes. Convenons que cette procédure nouvelle et audacieuse constitue une avancée démocratique sans précédent. Les majorités successives ne pourront plus faire comme si leur choix était celui de tous : elles devront, dans un échange démocratique que chacun espère paisible, discuter avec l'opposition de la façon la plus transparente. Quoi de plus naturel, au demeurant, si l'indépendance correspond à un objectif réel et non à un effet d'annonce ?

Le texte tend également à consolider la procédure de sanction du CSA. Cette proposition, utile en elle-même, permettra aussi de conformer notre droit à la jurisprudence européenne. Dans cet esprit, et « pour améliorer la cohérence de l'action de l'autorité de régulation », comme l'indique l'exposé des motifs, il est possible de revoir quelques aspects du fonctionnement de cette institution. Les auditions en cours m'inspirent quelques questions sur ce point.

Ne pensez-vous pas que le CSA, autorité administrative indépendante, gagnerait à devenir une autorité publique indépendante ? Une autorité administrative est sous la dépendance directe du Premier ministre, notamment sur le plan financier. Un statut d'autorité publique indépendante offrirait encore plus de garanties d'indépendance, et le fonctionnement administratif de l'institution s'en trouverait simplifié et mieux adapté.

Les décisions d'attribution de fréquences, comme les autorisations de modification des conventions, ne devraient-elles pas être précédées d'études d'impact ? Celles-ci conforteraient la responsabilité économique du CSA et permettraient d'éclairer ses décisions sur ce plan, au-delà de l'aspect juridique. L'exemple malheureux de l'attribution d'une chaîne à la Ligue 1 de football montre en effet que certaines décisions peuvent être prises sans analyse économique sérieuse.

Pour les autorisations susceptibles de « modifier de façon importante le marché en cause », le CSA ne devrait-il pas être astreint à une consultation publique – je rappelle qu'il en est actuellement dispensé si celle-ci a eu lieu dans les trois années qui précèdent ? Si une telle consultation avait été menée pour les affectations récentes de chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT), les décisions auraient peut-être été différentes.

J'envisage de déposer des amendements sur ces trois sujets ; aussi aimerais-je recueillir votre sentiment.

Je n'entends cependant pas confondre ce projet de loi avec celui qui tirera les conséquences du « rapport Lescure ». Il ne s'agit que de la première étape d'une refonte de la politique de l'audiovisuel à l'ère du numérique, et d'une étape de plaine : les étapes de montagne, auxquelles nous nous préparons sans les anticiper, sont à venir. L'ouvrage, d'ailleurs, doit être en permanence remis sur le métier afin de tenir compte des évolutions technologiques, mais aussi politiques, comme le montre encore le débat sur l'exception culturelle.

Sans dévoiler les termes de mon futur rapport, je puis d'ores et déjà vous dire, madame la ministre, que nous accueillons favorablement ce projet de loi exemplaire pour le respect de tous, donc pour la démocratie. Nous aurons également à coeur de l'enrichir, notamment pour améliorer le fonctionnement du CSA.

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