Intervention de Régis Juanico

Réunion du 10 juillet 2013 à 14h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico, co-rapporteur :

Je vous prie d'excuser l'absence de notre collègue Guénhaël Huet, avec lequel j'ai mené les travaux de cette mission d'information commune. Il serait difficile de lui tenir rigueur de cette absence dont les raisons sont éminemment sportives : en effet, les hasards du calendrier font qu'aujourd'hui même, la ville d'Avranches, dont Guénhaël Huet est le maire, organise le départ de l'étape du Tour de France.

Cette mission d'information commune fait suite à la décision prise par la Conférence des Présidents de l'Assemblée nationale, le 23 avril dernier, d'expérimenter la mise en oeuvre de missions d'information communes évaluant des politiques publiques, associant la Commission des finances et les commissions compétentes au fond, les rapporteurs étant un député de la majorité et un de l'opposition.

Nos travaux portaient donc sur le soutien au sport professionnel et les solidarités avec le sport amateur, politique publique relevant du premier cycle d'évaluations lancé en janvier dernier par le Gouvernement, dans le cadre de la modernisation de l'action publique, la MAP. L'objet principal de nos travaux était d'apporter l'éclairage du Parlement sur la politique publique de soutien aux mécanismes de solidarité entre sport professionnel et sport amateur.

Ces travaux viennent utilement compléter ceux réalisés par la Commission des affaires culturelles et de l'éducation, notamment la mission d'information sur le fair-play financier : le rapport de cette mission, rédigé par nos collègues Thierry Braillard, Marie-George Buffet, Pascal Deguilhem et Guénhaël Huet, a été publié la semaine dernière et j'approuve l'ensemble de ses conclusions. Ils poursuivent également, pour partie ceux que la Cour des comptes a entrepris en début d'année, avec la publication de son rapport thématique invitant l'État à réorienter son action dans le domaine du sport pour tous et du sport de haut niveau.

Nous avons, dans le cadre des travaux de notre mission commune, rencontré de nombreux acteurs du monde sportif, notamment les représentants du Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, ceux des principales fédérations et ligues professionnelles, mais aussi des organisateurs d'événements sportifs, des partenaires publics et privés finançant le sport, l'association des élus locaux chargés du sport, des économistes du sport, ainsi que le Conseil supérieur de l'audiovisuel – CSA – pour les questions de retransmission audiovisuelle. Je tiens ici à remercier ces différents intervenants d'avoir su se rendre disponibles dans des délais relativement contraints. Ces auditions ont permis de compléter utilement les informations issues des travaux de la mission d'évaluation de la MAP et de formuler une quinzaine de préconisations, dont la mise en oeuvre serait de nature, selon nous, à renforcer la solidarité entre sport professionnel et sport amateur.

Parmi les données économiques que nous avons pu recueillir, il en est une qui permet de mieux cerner les enjeux financiers liés au sport professionnel : les clubs professionnels de basket, de football, de handball et de rugby développent à eux seuls un chiffre d'affaires de près de 1,7 milliard d'euros.

Les principaux flux financiers qui vont du sport professionnel vers le sport amateur représentent environ 200 millions d'euros, soit plus de 11 % du chiffre d'affaires : environ 40 millions d'euros au titre de la taxe « Buffet » sur les retransmissions audiovisuelles, 31 millions d'euros au titre de la taxe sur les paris sportifs en ligne et environ 126 millions par an au titre des conventions liant les ligues et clubs professionnels aux fédérations et aux associations support. Ces données ne sont évidemment qu'indicatives et ne reflètent pas l'ensemble des actions de solidarité du secteur professionnel au profit du sport amateur. En outre, le montant de 1,7 milliard d'euros ne prend pas en compte les flux générés par l'ensemble des activités connexes liées au sport professionnel, activités des prestataires ou des médias, dépenses d'équipement, de restauration et de transport induites par cette activité.

Vous aurez compris que le secteur sportif est une véritable filière économique et un réel moteur de croissance. Un autre chiffre donne la mesure de l'importance économique de ce secteur : en 2009, la dépense sportive s'est élevée à 34,9 milliards d'euros en France.

Cependant les données économiques relatives au sport sont souvent diffuses et parcellaires, dans un environnement financier et juridique en constante évolution. Or, pour évaluer une politique publique, il est indispensable de la connaître. C'est la raison pour laquelle la première de nos propositions est la création d'un Observatoire national de l'économie et de l'évolution du droit du sport.

Dans le même but, nous préconisons de procéder à une évaluation complète des dépenses fiscales rattachées à la mission « Sport, jeunesse et vie associative », telles celles liées aux dons ou au mécénat, qui permette de juger de leur efficacité et de leur impact sur le développement du secteur sportif, tant il est vrai que nous manquons d'informations sur ces sujets. À partir du même constat, la Cour des comptes a fait la même recommandation.

Concernant la fiscalité, nous proposons aussi d'étudier, avec les représentants du football professionnel, l'impact et les modalités de mise en oeuvre de la contribution exceptionnelle de 75 % due par les entreprises sur les salaires annuels supérieurs à un million d'euros. Le but n'est pas d'exclure a priori le secteur du football de cette taxe – nos concitoyens ne le comprendraient pas, à juste raison –, mais de définir des modalités d'application qui ne mettent pas en danger les clubs professionnels, dont la santé financière est précaire.

Nous souhaitons également conforter les ressources du Centre national pour le développement du sport, le CNDS, qui joue un rôle central en faveur du sport pour tous. Deux mesures pourraient être décidées dans cet objectif : l'extension de l'assiette de la taxe « Buffet » aux droits de retransmission cédés à des diffuseurs français par des détenteurs de droits situés à l'étranger, qui devrait rapporter 13,5 millions d'euros ; la prolongation au-delà de 2015 du prélèvement exceptionnel de 0,3 % sur les mises, hors paris sportifs, de la Française des jeux, destiné à financer les stades de l'Euro 2016 et plafonné actuellement à 24 millions d'euros par an.

Mais il faut aussi mieux contrôler les dépenses du CNDS, afin qu'elles contribuent davantage à la solidarité entre sport professionnel et sport amateur : c'est une tâche à laquelle vous vous êtes déjà attelée, madame la ministre. Dans cette perspective, la politique de subvention du Centre doit tenir compte de l'importance des ressources propres des fédérations concernées et du contexte économique de leur secteur – c'est notre proposition n° 6.

Pour conforter la solidarité entre sport professionnel et sport amateur, nous pensons qu'il est indispensable de maintenir le lien entre l'État et les fédérations sportives via les conventions d'objectifs et les subventions qui y sont rattachées : c'est notre septième proposition.

Nous souhaitons également, et c'est notre huitième proposition, que les conventions liant les fédérations et les ligues et celles liant les associations support et les sociétés sportives comportent obligatoirement une dimension de solidarité entre sport professionnel et sport amateur.

Par ailleurs, les représentants du monde sportif nous ont interpellés sur le risque de voir se distendre les liens entre le monde professionnel et le monde amateur, alors que nos équipes nationales constituent un vecteur fondamental de solidarité. C'est pourquoi nous proposons que soient mieux définis le statut des équipes nationales et les conditions de mise à disposition des joueurs des équipes de France par les clubs. Il s'agit là de notre neuvième proposition.

Les « bonnes pratiques » mises en oeuvre par les partenaires privés et les mécènes du sport ou les organisateurs de grands événements, dont les auditions nous ont permis de prendre connaissance, doivent être valorisées et diffusées. Il serait utile, par exemple, d'exploiter systématiquement les retombées des grands événements sportifs – Tour de France, Roland-Garros, etc. – au profit du sport amateur. Il faut se saisir aussi de l'occasion offerte par la tenue en France de l'Euro 2016 pour mettre en oeuvre des actions en faveur des clubs de football amateurs : ce sont nos dixième et onzième propositions.

Notre douzième proposition vise à généraliser une des bonnes pratiques mises en oeuvre dans le cadre de partenariats avec des entreprises, telles que la Française des jeux, en préconisant d'intégrer dans les conventions de partenariat un volet « sport pour tous » – éducation par le sport, soutien au sport amateur, intégrité du sport, etc.

Il convient enfin de diversifier les sources de financements du sport. Outre le maintien des dépenses fiscales de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » dont le bénéfice pour le développement du sport est avéré, nous proposons de favoriser la création de fonds de dotation et de faire bénéficier le sport du fonds de l'innovation sociale dans le cadre du développement de l'économie sociale et solidaire. Certaines mesures annoncées récemment par le Gouvernement vont dans ce sens. Enfin, nous souhaitons que soit étudiée la possibilité pour les investissements sportifs des collectivités territoriales, des fédérations et des associations sportives de bénéficier des financements de la Banque publique d'investissement – BPI. Il s'agit de nos trois dernières propositions.

Comme vous voyez, nous nous sommes concentrés sur le sujet de la solidarité du sport professionnel envers le sport amateur. Le champ de l'évaluation de la MAP est bien plus large, puisqu'il englobe les questions relatives à la gouvernance des fédérations sportives ou encore au rôle des collectivités territoriales, sujets que nous n'avons fait qu'effleurer dans le délai imparti à cette mission d'information commune.

Pouvez-vous, madame la ministre, faire le point des travaux entrepris par l'équipe d'inspecteurs chargés de l'évaluation dans le cadre de la MAP depuis le 28 mai dernier, date de la présentation de leur diagnostic, et nous donner des éléments d'informations sur les mesures envisagées à ce stade pour améliorer la solidarité entre sport professionnel et sport amateur ?

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