Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 10 juillet 2013 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, président :

L'indépendance de l'audiovisuel public revêt deux dimensions : la première, d'ordre politique, fait l'objet du projet de loi. Je laisserai donc le rapporteur répondre à ceux qui perçoivent dans ce texte une régression des droits du Parlement. La seconde, moins évidente, est d'ordre financier et a été remise en cause lors de la réforme de 2008-2009. Car, à vrai dire, le ver est dans le fruit !

Certains ont déclaré le week-end dernier, sur les chaînes publiques et privées du petit écran, que l'ancien Président de la République, après avoir ruiné la France, avait ruiné son propre parti : je pourrais ajouter qu'il a aussi ruiné France Télévisions ! Portant la responsabilité majeure de la funeste réforme de 2009, il a en effet mis l'audiovisuel public dans un état de dépendance totale à l'égard de l'État actionnaire. Avant cette réforme, France Télévisions n'était financée que par la redevance audiovisuelle et les recettes publicitaires. Or l'ancien Président de la République a décidé, pour son bon vouloir et croyant jouer un bon tour politique en prenant la gauche sur sa gauche, de rayer d'un trait de plume 450 millions d'euros de recettes publicitaires en soirée sur France Télévisions, établissant ensuite un contrat d'objectifs et de moyens prévoyant pour ces chaînes en 2009 des recettes publicitaires de 450 millions d'euros en journée. Or elles n'ont atteint que 340 millions d'euros, une somme qui ne pourra que continuer à diminuer à l'avenir.

Afin de compenser ces pertes, le gouvernement a donc pris pour cette année une décision politique extrêmement courageuse, qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait prise depuis longtemps, en augmentant de 4 euros le montant de la redevance, au-delà des 2 euros d'augmentation dus à l'inflation. Et nous nous sommes collectivement réjouis, au nom de l'intérêt national, que la Cour de justice de l'Union européenne n'ait pas annulé la taxe sur les opérateurs de télécommunications. Celle-ci ne rapporte cependant à l'heure actuelle que 250 millions d'euros, quand les ressources publicitaires de France Télévisions s'élevaient en soirée à 450 millions d'euros au moment de la réforme de 2009. C'est pourquoi le budget de l'État est contraint de compenser les 200 millions d'euros manquants.

L'audiovisuel public étant déstabilisé pour un bon moment, nous essayerons, par le biais d'un avenant au contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, de revenir si possible à l'équilibre financier dans les deux ans qui viennent. Mais nous n'avons pas la garantie d'y parvenir. Alors que nous nous apprêtons à modifier le mode de désignation des présidents de l'audiovisuel public, le mal le plus grave que nous ayons à supporter collectivement réside dans cette dépendance budgétaire de France Télévisions à l'égard de l'État – effet le plus néfaste, selon moi, de la réforme de 2009.

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