Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 16 juillet 2013 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, président :

Le rapporteur n'a signé aucun des amendements du groupe socialiste : celui-ci n'est donc pas une exception.

Chers collègues, vos arguments ne m'ont pas convaincu. En effet, vous parlez d'hommes, alors que je parle des entreprises : ce qui compte, c'est l'avenir des trois sociétés de l'audiovisuel public visées et de leur personnel, le contenu de leurs programmes, leur visibilité et, à terme, leur équilibre financier.

Deux des trois présidents actuels de l'audiovisuel public ont été nommés par M. Nicolas Sarkozy. Je sais que l'un d'entre eux a très mal vécu la suspicion dont il a fait l'objet lors de sa nomination. Le mot de « suspicion » a été employé à juste titre et je me souviens de ce qui a été dit à l'époque, notamment à propos de la matinale de France Inter et des humoristes qui ont alors été remerciés. Je n'ai aucun compte à régler ni aucun contentieux avec les personnes visées, notamment avec l'une d'entre elles, que vous avez particulièrement ciblée – peut-être parce que son mandat doit aller jusqu'à l'été 2015. C'est l'entreprise qui compte.

Vous demandez de la stabilité et de la sécurité mais, pour France Télévisions, par exemple, où M. Rémy Pflimlin a été nommé en 2010 et a signé son COM en 2011, quelle stabilité et quelle visibilité peut-on attendre ? Je rappelle au sujet de ce COM – que nous avions dénoncé comme insincère en 2011 et qui prévoyait des recettes publiques et publicitaires irréalisables – que le gouvernement actuel, au bout de deux années seulement, a dû engager une longue discussion avec l'entreprise pour parvenir à l'adoption d'un avenant qui en modifie fondamentalement la nature.

Il serait simple de « remettre les compteurs à zéro ». Le CSA pourrait, si nous le voulions, dans les trois mois suivant la promulgation de la loi, se prononcer sur un nouveau projet stratégique donnant une nouvelle visibilité aux trois entreprises, notamment à la plus importante d'entre elles en termes budgétaires, et articulant un COM sincère et réalisable dans les cinq ans à venir. Ayant l'honneur de représenter notre assemblée au conseil d'administration de France Télévisions, je me réjouis que celui-ci ait adopté l'avenant au COM, mais il l'a fait avec des clauses d'aléa et l'on sait bien qu'il s'agissait avant tout de corriger un COM qui n'avait plus aucun sens.

Plus encore que le changement de mode de désignation des présidents, ce qui importe est que nous permettions à chacune des sociétés de l'audiovisuel public de retrouver l'indépendance budgétaire. La vraie clé de l'indépendance, c'est être indépendant à l'égard de la dotation budgétaire de l'État, comme l'était France Télévisions voilà cinq ans, alors qu'elle n'avait pour ressources que la redevance et les ressources publicitaires. Or, nous savons tous les conséquences de la suppression de la publicité en soirée, intervenue en 2009. Nous sommes tous, sur tous les bancs, attachés à l'audiovisuel public, et je ne conteste à personne cet attachement. L'enjeu est donc de faire en sorte que la dotation budgétaire de l'État baisse tendanciellement et que les ressources propres, les recettes publicitaires et la redevance permettent à France Télévisions de retrouver cette indépendance budgétaire. Cela suppose de la conviction et de la détermination. Il faut avoir le courage de faire des économies réelles qui ne conduisent pas, comme cela a été présenté jeudi dernier en conseil d'administration, à une baisse tendancielle du coût des programmes – même si certaines économies peuvent être une preuve de bonne gestion.

Mon attachement à l'audiovisuel public et à l'indépendance des médias vaut le vôtre. Cet amendement n'est pas destiné à couper une tête ou à régler des comptes. Il n'y a aucune stratégie d'empêchement : rien n'empêcherait M. Rémy Pflimlin de présenter à nouveau sa candidature devant le CSA pour un nouveau mandat. Mais si nous ne saisissons pas l'occasion qui s'offre dans les trois mois suivant la promulgation de la loi et l'entrée en vigueur du nouveau mode de désignation, je crains que nous ne mesurions, hélas trop tard, les conséquences de ce que nous n'aurons pas fait aujourd'hui.

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