Intervention de Chaynesse Khirouni

Réunion du 3 octobre 2012 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChaynesse Khirouni :

Qu'est-ce qui empêcherait de mettre aujourd'hui sur le marché des conditionnements adaptés aux prescriptions ?

Alors que l'homéopathie constitue une alternative intéressante et qu'elle est source d'économies pour l'assurance maladie, pourquoi ses produits sont-ils régulièrement menacés de déremboursement ? Quelle est l'approche de la Haute Autorité sur le sujet, de même que, d'une manière plus générale, sur les médecines douces ?

de la Haute Autorité de santé. Je veux tout d'abord remercier les membres de la commission pour leurs nombreuses questions, qui témoignent de l'intérêt qu'ils portent aux questions de santé en général et à l'action de la Haute Autorité en particulier.

Je laisserai Gilles Bouvenot répondre aux questions sur le médicament et Jean-Michel Dubernard à celles sur les dispositifs médicaux. Je demanderai enfin à Dominique Maigne de parler du budget de la Haute Autorité.

Plusieurs questions ont été posées concernant le parcours de soins, qui est une priorité pour le nouveau Gouvernement. La Haute Autorité est bien placée pour participer à la mise en route de parcours de soins coordonnés et faisant l'objet d'un protocole, dans le double objectif de mieux soigner le patient et d'optimiser l'utilisation des ressources. Édictant en effet des recommandations de bonnes pratiques, elle peut indiquer, avec les professionnels, le parcours optimal pour un malade ou les parcours optimaux dans le cas de polypathologies. Elle coordonne les délégations de compétences entre professionnels de santé. Elle évalue, en liaison avec les agences régionales de santé, les programmes d'éducation thérapeutique des patients. Enfin, elle a reçu mission d'évaluer les expérimentations prévues par l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et visant à optimiser le parcours de soins des personnes âgées en risque de perte d'autonomie. Travaillant à la fois avec les professionnels, l'assurance maladie et les agences régionales de santé, elle est au centre du dispositif et est la mieux à même d'imbriquer toutes les pièces du puzzle.

La Haute Autorité travaille déjà en lien étroit avec les agences régionales de santé dans le cadre de la certification des établissements de santé, ainsi que sur les programmes de coopération entre professionnels et les programmes d'éducation thérapeutique des patients. Elle souhaite renforcer encore ces liens avec les agences régionales. Ainsi après avoir organisé plusieurs Rencontres annuelles au niveau national, le collège de la Haute Autorité a-t-il opté pour une démarche différente, plus proche des territoires, en organisant des rencontres régionales.

Existe-t-il un profil-type des médecins s'engageant dans l'amélioration des pratiques ? Je rappelle tout d'abord que la Haute Autorité accrédite les professionnels des spécialités considérées comme à risque, essentiellement des praticiens exerçant dans le privé, afin qu'ils puissent bénéficier d'un meilleur tarif pour leur assurance de responsabilité civile professionnelle. Cette accréditation doit être l'occasion pour ces médecins de remplir leur obligation, prévue par la loi, de développement professionnel continu, le fameux DPC qui devrait voir le jour en 2013. La Haute Autorité participe à sa mise en place. Elle est notamment chargée de fixer les modalités retenues pour définir les critères d'un développement professionnel continu. Nous souhaiterions que cette accréditation ne soit pas limitée aux professionnels des disciplines à risque et lier les deux processus de certification des établissements de santé et d'accréditation des équipes soignantes qui y travaillent. En effet, il pose problème de certifier un établissement sur le fondement de ses procédures sans être sûr de la qualité de ses équipes.

Je suis convaincu qu'on n'imposera pas contre leur gré de recommandations de bonnes pratiques à des professionnels de santé. En tout cas, ce n'est pas la publication de recommandations qui modifiera les pratiques si les professionnels ne se les approprient pas. Nous souhaitons impliquer toutes les parties prenantes, notamment les généralistes, dans la rédaction des recommandations. Cela soulève parfois des problèmes : ainsi dans la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, leur avis diffère-t-il de celui des neurologues. Il nous revient de rechercher un consensus. Nous souhaiterions surtout impliquer les professionnels dans la diffusion des recommandations à l'élaboration desquels auraient participé leurs conseils nationaux professionnels – pour les généralistes le collège de la médecine générale.

S'il nous est difficile de trouver des experts, c'est pour des raisons techniques mais aussi psychologiques. Les sociétés savantes et les conseils nationaux professionnels renâclent à nous en adresser, nous reprochant de nous défier d'eux. Nous avons vraiment connu des difficultés dans certaines disciplines, même si la situation s'améliore grâce à un effort de pédagogie. S'il faudra demeurer d'une extrême rigueur pour la commission de la transparence, il faudra, pour les recommandations de bonnes pratiques, faire preuve de discernement, en n'hésitant pas à faire appel aux experts possédant les compétences dont nous avons besoin même s'ils peuvent avoir des conflits d'intérêt par exemple avec l'industrie pharmaceutique.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a donné mission à la Haute Autorité de coordonner l'ensemble des acteurs publics participant à l'information du grand public et de participer à la diffusion de l'information. Nous nous sommes attelés à la tâche, en lien avec la Direction générale de l'organisation des soins et l'ATIH, l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation. Nous travaillons à l'outil qui permettra d'intégrer l'ensemble des données dont nous disposons – leur collecte représente un gros travail – et surtout de diffuser une information à la fois fiable et neutre, reposant sur les éléments scientifiques que nous recueillons. J'espère qu'en 2013 ou 2014, nous pourrons associer des indicateurs cliniques, comme ceux de mortalité, de morbidité ou de réhospitalisation.

Notre homologue au Royaume-Uni, le National Institute for Health Clinical Excellence (NICE), délivre sur son site de l'information à destination non seulement des professionnels mais aussi du grand public. La collecte des données et leur traduction en langage compréhensible de tous exigent un investissement financier important. Nous avons pour l'instant renoncé à cette tâche, qui ferait pourtant partie de nos missions, pour des raisons budgétaires. Nous nous entourons de représentants des usagers pour traduire en langage accessible au grand public l'information générale qui figure sur notre site. Nous y travaillons avec le Collectif interassociatif sur la santé, le CISS, présidé par M. Christian Saout. Nous avons également commencé d'élaborer toute une documentation sur les parcours de soins et mis au point, pour les malades atteints de maladies chroniques, le programme personnalisé de soins, document remis au patient lui expliquant quelle sera sa prise en charge, et partagé avec les professionnels afin de coordonner au mieux leurs interventions.

Avant de laisser la parole à Gilles Bouvenot pour répondre aux questions concernant le médicament, je ferai quelques observations générales sur le sujet. Monsieur Bapt, la Haute Autorité a déjà une mission d'évaluation médico-économique sur les grandes stratégies de santé et les grandes classes thérapeutiques. Nous avons débuté une évaluation de ce type pour certains produits en lien avec le Comité économique des produits de santé. Lorsqu'une firme demandera pour la première fois l'admission d'un produit au remboursement, nous utiliserons le guide de l'évaluation médico-économique qui aura été rédigé à l'intention du comité. Nous vérifierons notamment que les hypothèses médico-économiques de la firme sont correctes. Mais il est impossible, à ce stade, d'effectuer de véritable évaluation médico-économique du rapport coûtefficacité puisqu'on ne connaît encore ni le prix du produit ni sa prescription dans la réalité. Une réévaluation aura donc lieu au bout de deux ou trois ans pour les médicaments dits d'intérêt, qu'ils soient susceptibles d'induire des dépenses importantes pour l'assurance maladie, qu'ils modifient les stratégies thérapeutiques ou qu'ils présentent un intérêt thérapeutique particulier par rapport à l'existant. Cette réévaluation médico-économique sera associée à celles, techniques, effectuées par la commission de la transparence ou la commission d'évaluation des dispositifs médicaux.

Je ne souhaitais pas parler de l'index thérapeutique relatif unique auquel plusieurs d'entre vous ont fait allusion. En effet, après six mois de travail, nous sommes en cours de discussion avec le ministère. Je vais néanmoins résumer la philosophie de cet index qui supplanterait les deux indicateurs actuels du SMR et de l'ASMR : on ne peut plus en 2012 évaluer un médicament comme en 1990, les possibilités thérapeutiques étant beaucoup plus larges. L'intérêt thérapeutique d'un médicament ne peut plus être évalué dans l'absolu mais seulement de manière relative, par comparaison à ce qui existe déjà. Le nouvel indicateur sera le plus quantifié possible afin de faciliter la tâche de la commission de la transparence. Celle-ci aura un rôle très important pour définir le comparateur, les modalités de l'évaluation et évaluer de façon semi-quantitative les différents paramètres.

Plusieurs d'entre se sont interrogés sur la place de la Haute Autorité en Europe, demandant s'il ne serait pas possible de conduire des évaluations communes au niveau européen. Nous avon pris l'initiative d'entrer en contact avec nos homologues européens pour voir s'il était possible d'uniformiser nos pratiques. Nous considérons que pourraient être définis à l'échelle européenne le comparateur, ainsi que les méthodes et critères d'évaluation. Cette réflexion, dans laquelle nous avons été pionniers et leaders, a abouti dans tous les pays, à l'exception notable du Royaume-Uni, à l'adoption du concept d'efficacité relative (relative efficacy assessment). Tous les pays partagent l'objectif même si chacun conserve une approche spécifique au regard de la configuration de son propre marché.

Je ne pense pas qu'un dialogue avec les firmes pharmaceutiques soit prématuré lors des essais de phase I. C'est lorsque les industriels préparent leur plan de développement qu'on discute avec eux pour savoir quelle est l'étude la meilleure pour obtenir une admission au remboursement. Ils sont d'ailleurs demandeurs d'un tel partenariat : ils souhaitent savoir précisément sur quoi ils vont être jugés, bref connaître les règles du jeu. Nous avons engagé de tels dialogues précoces, en liaison avec les autres agences européennes. Sans nous lier pour l'avenir, ils nous permettent de donner de premières indications.

La Haute Autorité est également leader en Europe pour l'amélioration de la qualité des soins. Tout comme il existe un réseau des agences d'évaluation des produits de santé, il en existe un des agences travaillant à l'amélioration de la qualité des soins. La HAS, qui exerce les deux missions, travaille dans les deux.

Deux remarques générales en conclusion. La première concerne la dispersion des moyens et la nécessité, souhaitée par tous, d'une clarification des missions des différentes instances. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, la Haute Autorité n'a aucun désir de phagocyter quelque autre instance que ce soit. Mais nous ne pouvons que constater que certaines de nos missions sont très proches de celles d'autres.

Dans le domaine du médicament, les choses sont désormais très claires : l'Agence nationale de sécurité du médicament, l'ANSM, l'ex-AFSSAPS, est chargée du contrôle de l'ensemble des produits de santé, médicaments comme dispositifs médicaux. C'est à elle que remontent toutes les alertes de pharmacovigilance, matériovigilance, etc. Elle évalue le rapport bénéfices-risques des produits de santé tout au long de leur vie. Elle accorde et retire les autorisations de mise sur le marché, lesquelles sont toutefois maintenant pour l'essentiel délivrées au niveau européen. La Haute Autorité, elle, par le biais des deux commissions spécialisées présidées respectivement par Gilles Bouvenot et Jean-Michel Dubernard, étudie les produits pour les admettre ou non au remboursement et fixer leur taux de remboursement. Bien que complémentaire, ce travail est tout à fait différent de celui de l'ANSM. Il n'y a donc pas de chevauchement de compétences ni de compétition entre les deux instances. Il faut signaler que l'édiction des recommandations de bon usage des produits a été transférée de la nouvelle agence du médicament à la Haute Autorité.

La Haute Autorité ne souhaite pas non plus se substituer au Comité économique des produits de santé, qui fixe le prix des médicaments. Nous souhaitons seulement qu'il le fasse en tenant compte des éléments que lui transmettent la commission de la transparence et la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux. Gilles Bouvenot vous parlera plus en détail de la politique des prix. Je dirai seulement qu'il n'est pas absurde d'envisager des prix conditionnels liés aux résultats du médicament dans la réalité. Le comité a déjà travaillé sur ce type d'approche.

Restent en revanche à clarifier les rapports de la Haute Autorité avec certaines autres instances dont les missions sont assez comparables aux siennes. Je pense par exemple à l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), qui certifie les établissements médico-sociaux, métier très proche du nôtre. Cette agence élabore d'ailleurs souvent ses recommandations en concertation avec nous.

Le Haut conseil de la santé publique a des missions pour partie redondantes avec les nôtres, notamment celles ayant trait aux grandes missions de santé publique, aux vaccinations et aux maladies chroniques.

Certaines des missions de l'Institut national du cancer (INCa) sont également très proches des nôtres. Nous élaborons d'ailleurs nos recommandations de bonnes pratiques en ce domaine en concertation avec l'Institut et nous validons mutuellement nos recommandations. Il serait envisageable de mutualiser au moins les moyens des deux instances.

La Haute Autorité travaille aussi avec l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), notamment sur le développement de la chirurgie ambulatoire. Certains aspects de nos tâches peuvent être communs, quand d'autres, comme le travail sur le terrain avec les établissements, sont une mission bien spécifique de l'agence, que la Haute Autorité n'est de toute façon pas en mesure de remplir pour l'instant.

Enfin, en matière de prévention, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) s'occupe de la prévention primaire alors que la Haute Autorité formule des recommandations relevant de la prévention secondaire, en particulier pour les dépistages.

Je terminerai par la question de l'éthique soulevée à propos des pilules contraceptives de troisième génération. La commission de la transparence ne rend qu'un avis médico-technique sur l'efficacité d'un médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique et ses risques potentiels, essayant de déterminer s'il apporte un progrès dans le service médical rendu. C'est ce qu'elle a fait pour les pilules de troisième génération, les comparant aux pilules de deuxième génération. La commission n'a en revanche aucune compétence pour aborder la question sous l'angle social, psychologique ou éthique. C'est à la commission d'évaluation économique et de santé publique, autre commission de la Haute Autorité qu'il reviendrait d'envisager ces aspects-là. Les réévaluations de classe, comme pour les pilules de troisième génération ou les médicaments anti-Alzheimer, comportent un aspect technique qui relève de la commission de la transparence et un aspect plus général, social, financier, éthique, qui relève de la commission d'évaluation économique et de santé publique. Pour ce type de décision, il ne serait pas inutile que le collège de la Haute Autorité fasse la synthèse des avis des deux commissions spécialisées.

de la commission de la transparence. Vous nous avez interrogés, madame la présidente, sur l'évaluation des biosimilaires. D'une manière générale, la Haute Autorité n'a pas à connaître des génériques. Ceux-ci n'ont aucune raison d'être évalués dans la mesure où, équivalents au princeps, ils ne peuvent par définition ne lui être ni inférieurs ni supérieurs. Après que leur bioéquivalence a été examinée par l'agence nationale de sécurité du médicament, ils passent directement devant le Comité économique des produits de santé qui en fixe le prix, en général inférieur de 50 % à 60 % à celui du princeps.

La Haute Autorité n'est amenée à connaître d'un générique que dans deux cas. Le premier est lorsqu'un générique comporte un excipient à effet notoire potentiellement moins bien toléré : nous le considérons alors comme moins performant. Le second cas, ubuesque ou kafkaïen je ne sais, est lorsqu'à la suite d'une autorisation européenne de mise sur le marché, un générique se trouve n'avoir pas les mêmes indications que le princeps. Lorsqu'un générique obtient au niveau européen des indications plus larges que celles d'un princeps national, il nous est très difficile de procéder à une évaluation. Nous soulignons alors cette difficulté avant de conclure éventuellement que le SMR est insuffisant dans ces extensions d'indication.

Si la Haute Autorité n'a normalement pas à connaître des génériques, sauf dans les deux cas cités, c'est elle néanmoins qui en propose l'agrément aux collectivités.

Elle est en revanche saisie des biosimilaires. Leur autorisation de mise sur le marché comporte en effet une obligation d'avoir un dossier car un biosimilaire peut être fabriqué par un autre être vivant que le princeps et donc présenter de petites différences. De parti pris, nous attribuons à ces biosimilaires une ASMR 5 : en effet, ils ne peuvent pas apporter de progrès et donc, aux termes du code de la sécurité sociale, doivent coûter moins cher à l'assurance maladie.

Des arguments s'opposent, dont nous essayons de faire abstraction pour nous déterminer. Certains font valoir qu'introduire un nouveau produit sur le marché, c'est augmenter la charge de l'assurance maladie car cela s'accompagnera nécessairement de visite médicale, de marketing et de promotion. D'autres estiment au contraire que plus on aura de produits à disposition, moins ils coûteront au final puisqu'une décote est chaque fois appliquée sur le prix.

Oui, monsieur Bapt, les notes d'ASMR actuelles sont plus rigoureuses que par le passé. Dans la mesure où la pharmacopée est beaucoup plus fournie et que le besoin thérapeutique est, sauf exception, presque toujours satisfait, nous sommes plus exigeants avant de conclure qu'un produit apporte un progrès.

Quant aux éventuelles incohérences, elles ne sont que de façade et il n'est pas difficile de les lever. Les missions de la commission d'autorisation de mise sur le marché de l'ANSM et de la commission de la transparence de la Haute Autorité sont différentes. Je reviens sur le Multaq, que vous évoquiez…

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