Intervention de François Cornut-Gentille

Réunion du 23 juillet 2013 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cornut-Gentille :

Monsieur le directeur général, je partage avec vous l'idée selon laquelle les zones d'éducation prioritaire sont davantage le miroir grossissant des problèmes de l'éducation nationale qu'un domaine à part. Voilà pourquoi votre conclusion, où vous avez cité M. Alain Savary, m'a paru très préoccupante. Il semblerait en effet que, dès l'origine, on ait reconnu qu'il était nécessaire d'évoluer et qu'il y avait un risque énorme, sinon à aggraver, du moins à cristalliser certaines difficultés. Et les majorités de droite et de gauche qui se sont succédé ont sans doute fait à peu près le même diagnostic. Nous risquons donc de reproduire les mêmes erreurs que celles que voulaient éviter nos prédécesseurs.

Monsieur le directeur général, j'ai quelques réflexions et quelques questions à vous adresser.

Je remarque, en premier lieu, que pour des raisons politiques, sociales, ou de cohésion, on n'ose pas aller au bout du diagnostic. Tout le monde veut que les enfants de nos quartiers réussissent, et personne ne souhaite révéler aux populations les énormes problèmes auxquels nous sommes confrontés. Certains des enseignants de ces zones sont convaincus et très engagés dans leur mission, et il n'est pas question de les désespérer et de mettre à mal leur bonne volonté et leur énergie. Le résultat – et cela ressort de vos propos, monsieur le directeur général – est que l'on est conscient que cela ne va pas, mais qu'on n'arrive pas à le dire vraiment. Ce serait en effet reconnaître l'échec collectif du pays, ce qui serait terrible. Cette contradiction apparaît dans le discours des uns et des autres. Par exemple, on commence à dire que ce n'est pas une question de moyens… mais on s'interroge sur les moyens : sont-ils bien alloués, dans les bonnes zones ? Faut-il allouer une prime, etc. ?

On a tendance à manier la langue de bois, comme les gouvernements qui veulent convaincre la population que tout va bien et qui se gardent de tout dire. Je pense, notamment, que les phénomènes de décrochage sont beaucoup plus lourds que ceux que nous révèlent les statistiques. Il faut dire que le chef d'établissement qui affiche des résultats trop mauvais n'est pas mieux considéré que le commissaire de police qui affiche des résultats médiocres. Je pense que l'on sous-estime le décrochage, tout comme la présence effective des professeurs devant leur classe, etc. parce que l'on est incapable de sortir de ces contradictions.

Vous avez esquissé quelques pistes pour en sortir : travailler autrement, donner davantage de responsabilités aux chefs d'établissement, faire davantage confiance aux enseignants pour qu'ils puissent innover.

Ils peuvent innover dans plusieurs domaines : les relations avec les collectivités et avec les familles, et l'enseignement du français, qui assure la réussite et la cohésion sociale. Pourtant, c'est en cours de français qu'il y a le plus de chahut. Il faut donc se demander ce que c'est qu'enseigner le français aujourd'hui. Il faut inventer une nouvelle façon d'enseigner le français – et sans doute aussi l'histoire.

Mais une fois le diagnostic posé, jusqu'où le ministère est-il prêt à aller pour laisser les établissements innover dans tous les domaines que je viens d'indiquer ? Je suis pour ma part convaincu que la situation est tellement compliquée qu'une approche nationale ne suffira pas à faire changer les choses, et qu'on n'y parviendra qu'en généralisant les expériences qui ont réussi sur le terrain.

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