Intervention de Vincent Peillon

Réunion du 10 septembre 2013 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale :

Vous évoquiez à l'instant, monsieur le président, la charte de la laïcité. Avec le drapeau français, le drapeau européen, la devise républicaine et la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, nous avons là matière à enrichir le débat parlementaire sur l'école.

J'ai plus que personne conscience que le travail que nous avons entrepris n'en est qu'à ses débuts. Il est souvent difficile de concevoir ce que peut être une action publique de long terme qui ne se laisse pas entamer par des débats, des émotions ou des simplifications susceptibles de lui porter tort.

Nous avons décidé de faire de l'école une priorité. Priorité budgétaire d'abord, qui se concrétise en cette rentrée par des créations de poste et des recrutements, mais priorité également en termes de réforme, car nous avons à transformer en profondeur son fonctionnement. Nous ne sommes pas uniquement des pourvoyeurs des moyens : nous avons pour l'école, au-delà des ambitions pédagogiques, une ambition civique, intellectuelle et morale.

Si nous avons avancé sur ces trois points, beaucoup reste encore à faire. Je vous donnerai donc mon appréciation sur cette rentrée et sur la manière dont ont été mis en oeuvre plusieurs éléments de la loi de refondation, avant de vous indiquer le calendrier et les chantiers de l'année qui s'ouvre.

La rentrée s'est globalement bien passée, malgré quelques difficultés ici ou là. Alors que la rentrée de l'an dernier avait été marquée par 13 000 suppressions de poste, et ce malgré les dispositions d'urgence de la loi de finances rectificative, cette année, tous les taux d'encadrement se sont améliorés, même si demeurent des inégalités territoriales préoccupantes.

De nouveaux dispositifs pédagogiques ont été mis en place, comme le dispositif « Plus de maîtres que de classes », assez bien cadré par la direction générale de l'enseignement scolaire mais pour lequel il faudra accompagner les équipes pédagogiques si l'on veut qu'il soit efficace.

Nous avons également commencé à accueillir davantage d'enfants de moins de trois ans, là encore avec des dispositifs qu'il faudra évaluer et accompagner.

On nous annonçait enfin des difficultés considérables pour la réforme des temps scolaires et des temps éducatifs. Or élus locaux, parents d'élèves et personnels de l'éducation nationale ont eu le souci de faire au mieux.

On apprend mieux le mercredi matin à neuf heures quinze que le vendredi à seize heures quinze. Il est de la responsabilité du ministre de l'éducation nationale de le faire comprendre au pays. Cela n'a pas été simple car il fallait avoir le courage de demander aux enseignants une demi-journée supplémentaire sans avoir les moyens de leur offrir une contrepartie. Leurs inquiétudes et leurs hésitations face au temps périscolaire étaient normales, mais ils ont répondu présents avec coeur, pour la réussite des élèves, et je leur rends ici hommage.

Cela n'a pas non plus été simple pour les collectivités locales, qui ont dû attendre le mois de juillet pour apprendre que la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) leur accorderait une subvention de 53 euros par enfant. Sur des sujets aussi délicats que celui-ci, les arbitrages sont souvent longs.

Quoi qu'il en soit, j'ai pu constater, lors de mon déplacement à Denain avec le Président de la République, l'engagement des uns et des autres, et en particulier du tissu associatif, pour permettre à des enfants qui ordinairement n'y ont pas accès de pratiquer des activités périscolaires. Jusqu'à présent, seuls 20 % des enfants français bénéficiaient d'un accueil – payant – le mercredi matin ; nous proposons une offre éducative plus large, prise en charge par la collectivité. Il faudra progresser, et c'est tant mieux. Les choses ne se font pas par décret, certaines politiques nécessitent du temps et de la persistance.

Les dispositifs mis en place dans la continuité des plateformes de suivi et d'appui aux élèves décrocheurs donnent leurs premiers résultats et, à notre satisfaction, nous avons déjà pu « raccrocher » beaucoup d'enfants.

Nous avons par ailleurs commencé à mettre en place le service public du numérique éducatif, à destination des élèves, parents et professeurs.

Cette rentrée a également été pour nous l'occasion de rappeler que, si l'école a pour tâche d'instruire, elle doit aussi transmettre les valeurs de la République, notre attachement à la laïcité, à la nation, à l'Europe et à la déclaration des droits de l'homme.

Nous allons installer dans les jours qui viennent le conseil supérieur des programmes et entamer un travail sur les programmes par cycles, qui se déploiera au minimum sur trois ans. La refondation doit être pédagogique au sens noble du terme, c'est-à-dire qu'au-delà de la question des moyens et des réformes de structures, la réflexion sur ce que doit recouvrir la transmission des savoirs, des compétences et de la culture est déterminante.

Les pays qui ont réussi leur redressement éducatif sont ceux qui ont su s'appuyer sur l'ensemble des acteurs, et le fait que la représentation nationale soit associée à la définition du socle, à son articulation avec les programmes – ou les curriculums –, l'évaluation des élèves et la formation des maîtres est une très bonne chose.

Parallèlement vont se mettre en place le conseil national d'évaluation et, dans le courant du mois d'octobre, le conseil national éducation économie. Présidé par M. Jean-Cyril Spinetta, celui-ci réunira des chefs d'entreprise, des représentants des personnels enseignants, des confédérations patronales et des salariés, qui travailleront sur les quelque sept cents diplômes professionnels délivrés par l'éducation nationale, afin de mieux les ajuster aux nécessités de l'insertion professionnelle.

Mme George Pau-Langevin dira un mot de l'accompagnement des enfants en situation de handicap, dossier sur lequel nous avons beaucoup avancé en un an, tout comme nous avançons sur les « emplois d'avenir professeur » : avec 10 000 postes au total en cette rentrée, la promotion républicaine est en marche.

À cela doivent s'ajouter les contrats aidés, qui ont pour vocation d'améliorer la sécurité et le climat scolaire dans le secondaire, d'accompagner les enfants en situation de handicap et d'apporter soutien aux directeurs d'école. Ce sont au total 30 000 recrutements, assortis des formations appropriées.

Quatre chantiers majeurs s'ouvrent à nous cette année.

D'abord le collège. Il est essentiel, pour parer aux difficultés dont il est le lieu, d'y maintenir un haut niveau d'exigence, tout en adaptant nos méthodes à la réussite de tous les élèves. De ce point de vue, je ne suis absolument pas défavorable à une autonomie accrue pour les équipes pédagogiques. Cela étant, ceux qui ont mis en oeuvre la réforme des lycées savent que cette autonomie, dont le but est de lutter contre les inégalités, peut parfois engendrer des effets pervers. Nous devons donc procéder avec prudence, intelligence et tact, maintenir le niveau commun – voire l'élever –, en conférant davantage d'autonomie aux équipes pédagogiques mais en veillant à ce que cela n'affecte pas notre objectif de maîtrise du socle par tous les élèves.

Le second chantier est celui de l'éducation prioritaire et des 20 à 25 % d'élèves aujourd'hui en difficulté, des difficultés souvent liées à leurs origines territoriales ou sociales et qui ont tendance à s'accroître. La Cour des comptes, entre autres, a montré que l'éducation prioritaire n'avait pas, en la matière, fait la preuve de son efficacité. Il nous faut donc la refonder, ce qui impliquera, là encore, dans un pays où tout le monde veut faire des réformes mais où personne n'agit, un certain courage.

Nous agissons et l'école change. Les partisans d'une réforme des rythmes scolaires devraient nous en savoir gré, comme ceux qui réclamaient une refonte de la formation des enseignants, autre grand dossier de cette rentrée : nous avons ouvert les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), modifié les concours de recrutement des enseignants et leur calendrier, sans que le pays en soit paralysé !

La formation offerte par ces écoles, grâce auxquelles nous évitons le sacrifice d'une nouvelle génération, doit tout à la fois être plus professionnalisante et permettre une entrée plus progressive dans le métier. Il s'agit d'une véritable réforme des structures. Ces écoles ne sont ni des écoles normales ni des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), car ce n'est pas en avançant les yeux dans le rétroviseur que la France deviendra un pays moderne et confiant en son avenir. J'invite d'ailleurs tous les parlementaires qui le souhaitent à travailler avec moi sur les contenus : on est toujours plus intelligents à plusieurs.

Quant aux académies où, du fait de l'autonomie, subsistent des difficultés, notre intention n'est pas de sanctionner les ESPE mais de les aider à améliorer leurs modules en fonction d'exigences que je suis prêt à détailler devant vous.

À ces deux chantiers s'ajoutent, d'une part, celui des programmes, dont j'ai déjà dit un mot et auquel vous serez associés, d'autre part, celui de l'évaluation des métiers de l'éducation nationale – au premier chef celui de professeur –, d'ores et déjà confiée à plusieurs groupes de travail, sachant qu'une démarche cohérente implique d'avancer conjointement sur la question du collège, de l'éducation prioritaire et des métiers.

Ceux qui se battent sur le front de la difficulté sociale et scolaire doivent bénéficier de moyens plus consistants, et nous devons inverser la tendance qui consiste à accorder souvent davantage à ceux qui ont déjà plus.

Ces quatre chantiers vont donc se déployer tout au long de l'année, en même temps que nous continuerons les réformes déjà engagées. Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, nous nous étions penchés l'an dernier sur l'accompagnement des enfants en situation de handicap et sur l'éducation prioritaire ; nous entamerons cette année notre réflexion sur le plan « De bac moins 3 à bac plus 3 ». Il faudra enfin tirer les leçons de la réforme du lycée pour engager celle du collège.

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