Intervention de Aurélie Filippetti

Séance en hémicycle du 3 octobre 2013 à 9h30
Non-intégration de la livraison dans le prix unique du livre — Présentation

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mesdames, messieurs les députés, un seul sujet nous anime aujourd’hui, sur tous les bancs de cette assemblée : le livre, la chaîne du livre, sa diversité, sa richesse, dont nous sommes si fiers en France et qui sont préservés depuis plus de trente ans, depuis la loi Lang de 1981 sur le prix unique du livre, dont M. le rapporteur a eu l’amabilité d’affirmer qu’elle était désormais inscrite dans notre patrimoine national ; on pourrait même dire qu’elle est inscrite au patrimoine de l’humanité, puisqu’elle essaime dans beaucoup de pays dans le monde.

Nous sommes donc les héritiers et les enfants de cette loi. Nous avons d’ailleurs voté en 2011, à l’unanimité de cette assemblée, la loi relative au prix du livre numérique, qui était bien entendu dans l’esprit de la loi de 1981 et qui visait à l’adapter, à la mettre au goût du jour des évolutions technologiques.

L’objectif de la loi était de préserver la diversité de la chaîne du livre, en partant d’un principe simple que vous avez rappelé dans votre rapport, monsieur le rapporteur, et que Jack Lang avait exprimé à cette même tribune : le livre n’est pas une marchandise comme une autre. Le livre doit donc être soumis à des réglementations économiques différentes adaptées à sa spécificité, non pas pour tuer la concurrence, mais bien au contraire pour assurer une juste concurrence, garante de la diversité culturelle, éditoriale et créatrice de l’ensemble de la chaîne du livre. Or le seul moyen d’assurer cette juste concurrence entre les acteurs de la chaîne du livre, et donc la diversité de celle-ci, était d’avoir un prix unique, fixé non pas administrativement mais bien par les éditeurs, par les professionnels, et qui s’applique sur l’ensemble du territoire.

Cette loi, qui avait été inspirée par Jérôme Lindon, vers lequel vont nos pensées en cet instant, a eu des effets extrêmement bénéfiques en France sur l’ensemble du paysage, en amont sur le plan éditorial – nous avons un grand nombre de maisons d’édition, donc une diversité de l’offre, ainsi qu’une diversité des écritures et de la publication – et, en aval, sur la chaîne de distribution, puisque nous disposons d’une grande diversité de librairies qui parsèment, égaient et animent tous nos territoires.

C’est ce réseau de librairies – les librairies indépendantes, mais aussi celles qui appartiennent à des chaînes spécialisées dans le commerce culturel – d’une grande richesse, d’une grande variété, que nous souhaitons aujourd’hui défendre, protéger, non pas au non d’une vision conservatrice ou rétrograde, mais parce que nous considérons qu’il est d’une importance majeure pour l’ensemble de nos territoires. En effet, un libraire, ce n’est pas seulement quelqu’un qui vend un livre : c’est une personne qui conseille, qui oriente, qui fait découvrir, qui a un rôle de prescription, qui avant tout aime les livres, aime les textes et les fait partager aux lecteurs. C’est donc quelqu’un qui contribue d’une manière profonde à l’enrichissement de notre pratique culturelle et à sa transmission.

Vous le savez, le livre n’est pas non plus un objet culturel tout à fait comme les autres. C’est la transmission des idées, d’une vision du monde. C’est un partage, un échange et, évidemment, une ouverture d’esprit, une ouverture au monde.

Nous sommes donc rassemblés pour discuter d’un sujet dont l’importance est majeure, non seulement pour la chaîne du livre, bien sûr, et plus généralement pour l’ensemble de l’économie de la culture, mais aussi pour chacun de nos territoires. Nous savons en effet à quel point il est important d’avoir au coeur de nos villes des libraires indépendants qui contribuent à leur animation culturelle, qui créent du lien social autour de la librairie. Ils sont des éléments absolument indispensables d’une véritable politique non pas d’aménagement du territoire mais bien de vivification de nos territoires et de nos espaces urbains. Je pourrais également mentionner leur importance pour les zones rurales, puisque des librairies y sont également implantées, qui sont absolument exceptionnelles et qui font un travail remarquable pour faire vivre la culture, l’échange, le débat d’idées au coeur de nos territoires.

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