Intervention de Christian Kert

Séance en hémicycle du 3 octobre 2013 à 9h30
Non-intégration de la livraison dans le prix unique du livre — Article unique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Kert, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

Ensuite, votre rédaction ne soulève-t-elle pas un problème de conformité au principe constitutionnel d’égalité ? Qu’une prestation spécifique comme la livraison à domicile soit facturée, cela paraît naturel ; mais que le prix du livre lui-même soit différent selon les modalités de sa remise, cela ne peut-il quelque part être considéré comme une mesure discriminatoire ?

Deuxième observation, votre amendement ne va pas interdire les frais de port gratuits : il va seulement dissuader les vendeurs d’y recourir. En effet, il indique bien que c’est le détaillant qui établit le tarif du service de livraison. Pour afficher des frais de port gratuits, le détaillant calculera quel montant représente 5 % du prix du livre fixé par l’éditeur ; une fois ce montant déterminé, il affichera les frais de port correspondant, puis applique la décote de 5 % de sorte que les frais de port ne coûteront rien au client. La conséquence pratique de votre amendement n’est donc pas d’interdire les frais de port gratuits, mais en quelque sorte de supprimer le rabais de 5 % sur le prix du livre lorsque le client demande une livraison à domicile. Dans un cas comme dans l’autre, je vous l’accorde, l’esprit de la dynamique que nous voulons impulser sera respecté : le livre vendu en ligne coûtera plus cher que le livre vendu en librairie. Mais avec votre amendement, on ne s’en prend plus à la seule gratuité des frais de port du livre.

Troisième observation : l’objection selon laquelle notre amendement serait impossible à appliquer au motif qu’il sera impossible de contrôler la réalité du coût de la livraison à domicile pour le détaillant ne nous paraît pas recevable. Soutenir que le coût des frais de port pour les détaillants en ligne est opaque et impossible à connaître est inexact, du moins à un niveau agrégé : le coût total et le coût net des frais de port figure, par exemple, dans le rapport annuel d’un géant américain de la vente en ligne, donnée que nous avons reprise du reste dans plusieurs de nos documents. Cet argument ne tient donc pas.

Lors de l’examen au Sénat du projet de loi sur la consommation, il y a un mois, a été adopté un amendement prévoyant un dispositif de contrôle mis en oeuvre par des agents relevant du ministère de la culture. Ils pourront procéder aux enquêtes nécessaires à l’application des dispositions de la loi sur le prix unique du livre. Sur le plan juridique, rien ne les empêcherait, me semble-t-il, de contrôler aussi les coûts de livraison à domicile pour le détaillant. Le contraire serait quand même étonnant.

Quatrième observation : nous considérons que l’amendement du groupe UMP se veut en quelque sorte un décalque dans l’univers numérique des principes de la loi de 1981 dont il respecte très scrupuleusement l’esprit.

On lui a parfois reproché d’être trop restrictif en ce qu’il ne mentionne que la livraison à domicile. Mais il serait très facile de pallier cette carence en supprimant les mots « à domicile » si, à la fin de mon exposé, vous considériez, madame la ministre, que notre amendement est meilleur, plus lisible et plus simple compte tenu de la volonté initiale du groupe UMP de ne plus autoriser cette forme très nette de concurrence déloyale qu’est la gratuité des frais de port.

Il faudrait que vous nous assuriez, madame la ministre, que l’intérêt du consommateur sera toujours préservé. Tout le monde doit avoir conscience – parce que nous ne sommes pas dans la polémique mais dans une démarche collective – que notre objectif principal est l’abandon de la gratuité des frais de port et qu’en tout état de cause, il faut aboutir à une interdiction du cumul des deux avantages, faute de quoi notre proposition de loi sombrerait dans l’irréalité. Ensemble, avec vous, avec la commission, nous devons tordre le cou à l’idée selon laquelle les mesures que nous proposons vont pénaliser le consommateur lecteur : c’est faux ! Le livre acheté en librairie restera vendu au même prix, avec éventuellement 5 % de rabais. Lorsqu’un consommateur paiera légèrement plus cher un livre acheté en ligne, c’est parce qu’il bénéficiera d’un service supplémentaire : le port. Ce service a un prix et il est normal qu’il soit répercuté, quelle que soit la formule que nous retiendrons ensemble.

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