Intervention de Denis Masseglia

Réunion du 9 octobre 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français, CNOSF :

Merci de votre accueil.

Je vous ai fait distribuer un document de 2003, tirée d'une enquête, intitulée Vocasport, commandée par l'Union européenne et rendue publique dans le cadre du Livre blanc La raison du plus sport, que le CNOSF a rédigé en 2005, et du livre que j'ai récemment publié avec Pascal Boniface Le sport, c'est bien plus que du sport ! Ce tableau illustre, au travers d'une notation de zéro à quatre étoiles, la contribution de diverses instances à la gouvernance du sport dans tous les pays de l'Union.

Pour les pays de taille et de culture comparables aux nôtres, on constate une différence entre la contribution du ministère et celle de la confédération des sports, que représente le Comité olympique. En Italie, la première a seulement une étoile, contre quatre pour la seconde. En Espagne, la contribution de l'agence publique et celle de la confédération des sports sont dotées de trois étoiles. Avec quatre étoiles pour celle du ministère et deux pour la confédération des sports, la France est dans une situation exceptionnelle par rapport aux pays d'Europe de l'Ouest et se rapproche de celle des pays de l'Est.

On peut donc se demander si le mouvement sportif est suffisamment développé. Le taux de personnes licenciées dans un club, donc dans une fédération, est de 23 %, soit environ un Français sur quatre. Le fait que ce pourcentage soit l'un des plus élevés d'Europe montre que la représentativité du mouvement sportif n'explique pas la faible participation de celui-ci dans la gouvernance du sport.

Le constat établi en 2003 est quasiment le même aujourd'hui. Or, à ne pas vouloir évoluer, on risque de régresser et de ne pas se poser les bonnes questions. Je rappelle qu'un jeune sur trois ne fait pas de sport dans un club et que c'est le cas d'un sur deux dans les quartiers sensibles. Or si un jeune ne pratique pas de sport, je ne vois pas comment on pourra lui inculquer l'envie d'en faire lorsqu'il sera adulte. Cette situation risque de conduire à une société plus difficile, car elle créera des problèmes de santé, de lien social ainsi qu'une éventuelle démoralisation, le sport étant générateur d'optimisme.

Ce n'est pas parce que notre pays est un des rares à avoir un ministère de plein exercice – dans les autres pays européens, ce ministère est rattaché à un autre, comme le ministère de l'intérieur en Allemagne – que l'on a créé un « réflexe sport » à tous les niveaux. Ainsi, lors de la présentation par le Président Sarkozy des projets du Grand Paris, sur les cinq à vocation culturelle – dont il était dit qu'ils créaient du lien social –, aucun ne portait sur le sport ! Pourtant, les équipements et l'encadrement sportifs ne sont-ils pas des éléments structurants de la société française ? Ne pourrait-on développer davantage ce « réflexe sport » avec une démarche plus axée sur l'encouragement d'une pratique sportive pour les jeunes ?

S'agissant du budget, il y a une relation étroite entre les moyens affectés au sport et les relations entre le mouvement sportif et l'État, en particulier le ministère des sports. Je précise que le sport est transversal et intéresse beaucoup de ministères. Or il y a dans chacun d'eux un délégué à la culture, mais pas au sport. Pourtant, il y aurait un intérêt à ce que le mouvement sportif ait une relation directe avec un certain nombre de ministères – celui des affaires étrangères pour les problèmes de visas, celui de l'intérieur pour ceux liés aux organisations sportives, ou encore celui chargé de l'emploi pour les questions d'emploi. Au moins une quinzaine de ministères est concernée par l'action sportive.

La dotation dont le CNOSF bénéficie de la part du Centre national pour le développement du sport (CNDS) a subi une diminution de 7 % en moyenne au cours des quatre dernières années, alors que pour les fédérations cette baisse n'est effective que par rapport à 2012. Il s'agit d'une double peine, qui a eu pour conséquence de faire passer en un an de 82 à 72 le nombre de personnes travaillant au CNOSF – 5 contrats à durée indéterminée (CDI) et 5 contrats à durée déterminée (CDD) ayant été supprimés. Or quand le budget du sport diminue, il faut se poser la question de l'adéquation entre les actions et les services. Car si les actions ont moins de moyens, la justification de l'existence des services peut se traduire par plus de contraintes. Les clubs me font d'ailleurs part des difficultés rencontrées par leurs dirigeants pour faire face, tout à la fois, à des moyens en réduction et aux contraintes qu'on leur impose. Tout cela peut conduire à un certain découragement.

La formation offre un exemple des difficultés de gouvernance que tous les présidents de club connaissent. Quand l'un d'eux veut recruter quelqu'un, il souhaite que celui-ci ait un état d'esprit irréprochable et soit performant. Or en exigeant de lui tel diplôme ou formation, on pourrait créer entre 20 000 et 30 000 emplois dans les associations si on trouvait une bonne adéquation entre le système de formation et de qualification et l'emploi.

On aurait pu penser que les étudiants en filière Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) s'orienteraient vers des emplois associatifs, car peu nombreux sont ceux qui trouvent un débouché dans le professorat d'éducation physique et sportive au sein des établissements scolaires. Mais beaucoup restent sur le marché de l'emploi, sportif notamment, et tous ne peuvent être embauchés par les clubs. Si certains d'entre eux y recourent pour l'encadrement sportif ou managérial, les clubs de moyenne importance ou ceux ayant des besoins spécifiques d'accueil et d'animation ne font pas toujours appel à des personnes hautement qualifiées. L'erreur a été de ne pas reconnaître les diplômes fédéraux offrant certaines garanties pour pouvoir enseigner moyennant rémunération. Il y a donc aujourd'hui un réel problème d'emploi, en particulier dans les associations sportives.

C'est la raison pour laquelle nous avons mal vécu la décision du ministère de supprimer le Centre d'analyse des formations des emplois des métiers de l'animation du sport (CAFEMAS), véritable centre d'expertise pour les métiers du sport. On l'avait mis sur pied sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP) – ce qui n'était pas si facile – avec les partenaires sociaux, les régions, le ministère des sports et celui chargé de l'enseignement supérieur. Le but était de permettre de savoir quelles étaient les filières les plus adaptées et comment améliorer l'adéquation entre formation, qualification et emploi. Or c'est au moment où ses travaux allaient pouvoir fournir un certain nombre de suggestions utiles que le ministère y a mis fin sans la moindre concertation, alors que tout le monde y était attaché. Ceci explique que la création du Conseil national du sport justement destiné à la concertation, ait entraîné une réaction épidermique. La tension est désormais retombée et nous avons décidé de manière unanime de travailler de la meilleure manière possible pour que ce Conseil produise des travaux qui, j'espère, seront pris en compte.

Selon moi, la nécessaire amélioration de la passerelle entre le monde éducatif et le monde associatif pourrait venir d'un rattachement du ministère des sports à celui de l'éducation nationale, ce qui permettrait d'avoir, dans le cadre plus large de ce dernier, une autre gestion des ressources humaines, dont on ne peut bénéficier avec un ministère de taille réduite.

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