Intervention de Rudy Salles

Réunion du 16 octobre 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

Il y a plus d'un an, le Président de la République annonçait que la jeunesse serait, avec la refondation de l'école de la République, la priorité de son quinquennat. Nous n'allons pas revenir sur la refondation de l'école qui, dans un fracas de grandes phrases définitives n'a produit que des confettis de réforme. On ne peut s'empêcher de penser a posteriori que les grands mots du ministre venaient panser les maux de la majorité qui avait besoin de respirer à pleins poumons une bouffée de gaz hilarant pour se donner du coeur à l'ouvrage.

Nous quittons donc le débat sur l'école pour entrer dans celui du lycée, non pas par la grande porte mais par la porte dérobée de la vie démocratique et des jeunes représentants des élèves. La démarche est a priori plus modeste et plus vivante. Sans doute n'est-elle pas complètement inutile. Le lycée est la dernière étape de l'enfance avant le saut dans la vie citoyenne. Un apprentissage in vivo de cette vie n'est pas inopportun. J'espère ne pas me tromper en définissant cet apprentissage comme celui du bon voisinage et d'un cheminement ouvert par le savoir, grâce à l'intermédiation de quelques porte-voix issus de nos forces vives.

À propos de cet apprentissage, je crois utile, ma chère collègue, de vous en rappeler en quelques mots l'objectif ultime, votre travail en tous points remarquable l'ayant perdu de vue. Ce rappel me paraît d'autant plus nécessaire que vos propos empruntent des accents dramatiques de résistance à des menaces mortifères, toutes choses qui me semblent, pour tout vous dire, hors de propos au regard des vrais enjeux du lycée que sont les résultats des élèves, leur avenir dans l'enseignement supérieur et leur intégration dans le marché du travail. Vous faites un constat sombre de la situation dans les établissements, non pas à propos des résultats des élèves, mais au sujet de la capacité des candidats aux élections de délégués à faire campagne. Vous regrettez sur le ton du deuil national que l'élection repose sur la popularité des candidats plutôt que sur leurs projets. Vous pointez le désarroi d'un délégué face à la difficulté d'être reconnu comme tel et vous insistez sur ses responsabilités et ses droits davantage que sur ses devoirs. Vous nous mettez dans un état d'effroi dont nous aurions pu être dispensés.

Votre rapport donne l'impression que vous voulez créer un statut de plus, alors que toutes les académies sont déjà dotées des instances utiles dont le conseil académique et le délégué académique à la vie lycéenne ou le proviseur de vie scolaire sont, comme vous l'écrivez, les chevilles ouvrières. Je ne suis pas sûr que la création d'une nouvelle instance soit le meilleur moyen de familiariser les jeunes avec la vie démocratique, qui ne vise pas à empiler des statuts mais à répondre à des attentes de la façon la plus simple, la plus souple et la plus désintéressée possible. Vous ne donnerez pas confiance à ces jeunes en cultivant de fausses valeurs par de fausses reconnaissances et en prenant le risque de l'arrogance au lieu de cultiver l'humilité.

Le rapport fait cependant des constats utiles à propos de textes réglementaires existants mais peu connus. Il suggère de prévoir une formation de deux heures en début d'année pour chaque classe et de mettre à la disposition des établissements un ensemble de ressources pédagogiques sur les questions de la vie lycéenne. Je me féliciterai d'ailleurs que cette formation soit inscrite dans l'emploi du temps des classes.

Le rapport mentionne aussi des vérités profondes comme celle de mobiliser la communauté éducative sous l'impulsion du proviseur. Il fait état de trouvailles inouïes comme le rôle d'interlocuteur privilégié des élus lycéens tenu par le CPE. On y trouve des découvertes touchantes à propos de l'attention bienveillante des parents.

Pourquoi enfoncer des portes ouvertes par tant d'évidences ? Est-ce bien là la base de discussion qui permettra de fonder ce que vous nommez avec un brin d'immodestie l'acte II de la vie lycéenne, sans qu'il ait été précédé d'un acte I ? Est-ce la vocation du parlement de dire ce que chacun sait, de suggérer ce à quoi tout le monde s'attend et de faire tourner le vent parlementaire sans qu'il ne pollinise rien ?

Avant de penser à la liberté des délégués des lycées, n'oubliez pas que la vraie liberté, c'est la conscience de ses propres actions et la capacité de réaliser ses aspirations. C'est là la vocation première de l'éducation. Ne la détournons pas davantage d'un chemin sur lequel elle avance cahin-caha.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion