Intervention de Pierre Vimont

Réunion du 28 novembre 2012 à 9h30
Commission des affaires européennes

Pierre Vimont, secrétaire général exécutif du Service européen pour l'action extérieure, SEAE :

Le Royaume-Uni ne ralentira la construction de la défense européenne que si l'objectif défini par les autres États membres ne correspond pas à ce qu'elle considère être ses intérêts. Les Britanniques préfèrent le cadre bilatéral, comme l'ont montré les accords de Lancaster House, tout en ayant le souci de préserver l'acquis de l'OTAN. Il est vrai que l'attitude de l'administration américaine pourrait faire bouger les lignes. À la fin de l'administration Bush et sous l'administration Obama, les Américains ont adopté une attitude plus constructive à l'égard de la défense européenne : ils n'ont plus à son encontre les réserves qu'ils émettaient il y a encore dix ou quinze ans. C'était alors un sujet de contentieux entre les États-Unis et la France notamment. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Si les Américains sont moins crispés face à nos efforts, c'est qu'ils ont le sentiment que la coopération que nous avons établie entre, d'une part, la défense et la sécurité européennes et, d'autre part, l'OTAN, est efficace. Les Britanniques ont bien perçu cette évolution, ce qui les conduit à une démarche plus positive. Soyons toutefois réalistes : le débat qui se tient actuellement au Royaume-Uni sur son maintien au sein de l'Union européenne pèsera sur les progrès que nous pourrons réaliser en matière de défense et de sécurité communes. Toutefois, aucun État membre n'a la volonté de mettre le Royaume-Uni en difficulté sur ce plan : tous ont fait le choix du pragmatisme.

Celui qui a le mieux posé la question du financement par les Européens de leur propre défense est l'ancien secrétaire d'État américain à la défense, M. Robert Gates, qui a déclaré, au moment de son départ du Pentagone, que les Européens ne pourraient pas continuer indéfiniment à se reposer sur l'effort financier américain. L'ancien président du Comité militaire de l'Union européenne, le général suédois Hakan Syrén, qui a été récemment remplacé par le général français Patrick de Rousiers, a également déclaré, en quittant ses fonctions, que la politique commune de défense n'était plus pour l'Europe une question de choix mais de survie : compte tenu de la crise, les États membres doivent mutualiser leurs moyens car il leur est impossible d'espérer progresser individuellement. Ce message sera-t-il entendu par les chefs d'État et de gouvernement ? Nous saurons s'ils veulent renforcer la coopération européenne en matière de défense et de sécurité au vu des décisions qu'ils prendront à la suite des propositions qui leur seront faites. La tenue d'un tel débat est d'autant plus inéluctable en 2013 que les restrictions budgétaires américaines pèseront sur leurs dépenses militaires en Europe, qui sont considérées au Congrès, par les élus tant républicains que démocrates, comme des variables d'ajustement. Pour les Américains, les Européens doivent prendre leur part du fardeau. La révision des frontières du Kosovo n'est envisagée ni par l'Union européenne ni par les autorités kosovares. Ce serait prendre le risque de rouvrir les tensions. L'approche de l'Europe vise à réconcilier les deux communautés, notamment dans le nord du pays, au sein des frontières actuelles. On peut être sceptique, mais notre optimisme repose sur deux facteurs. Le premier est le dialogue que nous avons relancé entre Belgrade et Pristina : il se passe bien. Les deux premiers ministres serbe et kosovar, qui se sont rencontrés à plusieurs reprises, sont disposés à discuter et à faire avancer des projets concrets. Le second facteur qui rend optimiste est la perspective d'adhésion de ces deux pays à l'Union européenne, laquelle influe sur leur dialogue. Pour la Serbie comme pour le Kosovo, cette adhésion est un enjeu économique et social majeur. L'Europe a là un moyen d'action sur ces deux partenaires. Le Conseil européen du mois de décembre devrait adopter de nouvelles conclusions sur les Balkans occidentaux qui comprennent, outre la Serbie et le Kosovo, la Macédoine, le Monténégro, l'Albanie et la Bosnie-Herzégovine. Certes, critiqueront certains, l'adhésion éventuelle de ces États provoquera un nouvel élargissement de l'Union européenne : il ne faut pas toutefois oublier que c'est en 2000, sous présidence française, que la vocation de tous ces pays à devenir membres de l'Union européenne a été actée. L'Europe doit tenir ses engagements.

On m'a reproché de ne pas avoir évoqué la Russie. Je n'ai pas parlé non plus de la Chine ni du Brésil, ne pouvant pas ce matin, dans le temps qui m'était imparti, évoquer tous les partenaires essentiels de l'Union européenne. Une coopération existe avec la Russie dans le domaine de la sécurité. Elle est assurément insuffisante puisque les Russes se plaignent de ce que les idées qu'ils ont émises sur de nouvelles architectures européennes en matière de sécurité n'ont pas reçu de la part des Européens l'écho attendu. À l'occasion du cinquantième anniversaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), nous aurons l'occasion de revenir sur le sujet. Nous devons, sans nécessairement adopter toutes leurs idées, poursuivre la concertation avec les Russes.

Nous entretenons du reste avec eux des partenariats dans certaines opérations – ce fut le cas notamment à la frontière du Tchad et du Soudan –, partenariats qu'il convient de développer, conformément, d'ailleurs, à ce qu'ils souhaitent.

La visibilité de l'action européenne est assurément insuffisante. Toutefois, si le travail de coordination diplomatique effectué par nos 140 délégations est apprécié des États membres, ces derniers ne souhaitent pas forcément lui donner une visibilité trop grande. Il nous faut trouver le bon équilibre et avancer progressivement. Ce sont les États de la région des grands lacs et de l'Union africaine qui ont demandé à l'Union européenne de participer en tant que telle aux réunions sur la situation à l'est de la République démocratique du Congo. Ce sont également les États africains concernés qui lui ont demandé de participer aux réunions sur le Mali. Les États membres de l'Union européenne, auxquels nous avons fait un rapport sur le sujet, ont été satisfaits de notre participation à ces réunions. Notre action extérieure acquerra plus de visibilité au fur et à mesure de son développement.

Nous n'étions pas invités au sommet de Naples sur l'espace : ce domaine relève de la direction compétente de la Commission européenne. Nous serions amenés à intervenir en la matière si, d'une part, la Commission nous le demandait et si, d'autre part, la dimension internationale de cette action prenait un caractère plus directement diplomatique. C'est un sujet essentiel qu'il nous appartient d'investir en liaison avec la Commission.

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