Intervention de Olivier Schrameck

Réunion du 6 mai 2014 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Mesdames et messieurs les députés, vous recevrez le rapport sur la diversité dans les jours qui viennent ; nous avons mis l'accent sur la représentation des jeunes et des plus anciens – critère qui n'existait pas auparavant. Les résultats sur la présence de la diversité d'origine sont assez décevants, mais les chaînes ont mis en oeuvre des programmes volontaristes, si bien que le constat général s'avère contrasté.

Je dois rencontrer prochainement Mme Anne Brucy, auteur d'un rapport sur France 3, à destination de laquelle le CSA a émis un avis que, par correction, nous n'avons pas rendu public pour qu'elle dispose d'une liberté totale pour la rédaction de son rapport. Après la publication de celui-ci, le CSA se prononcera sur la question des décrochages et de la régionalisation des programmes. Le Conseil est très attaché à ce que l'image de France 3 reste étroitement liée à la promotion et à la diversité de nos territoires régionaux.

Les radios indépendantes constituent des interlocuteurs importants pour le CSA, et ni le SIRTI, ni le Syndicat national des radios libres (SNRL), ni la CNRA (Confédération nationale des radios associatives), ni le groupement d'intérêt économique (GIE) Les Indépendants n'apporteront de démenti à cet égard. Nous attendons du Parlement qu'il fixe les modes et le niveau souhaitables de la concentration ; nous avons élaboré une gamme de critères qui ne portent pas uniquement sur la concentration nationale. En effet, le seuil de 150 millions d'auditeurs potentiels a été choisi en 1994 et il n'a pas été modifié depuis lors, bien que la situation ait considérablement évolué. Devons–nous prendre en compte des critères démographiques, d'écoute ou bien encore locaux – ces derniers revêtant à nos yeux une grande importance ? Ces questions relèvent de votre compétence et vous sont aujourd'hui posées.

Le rapport du Conseil comporte plusieurs données sur l'utilisation des podcasts, qui montrent bien à quel point la radio constitue un média d'avenir. M. Mathieu Gallet a d'ailleurs beaucoup insisté dans son projet stratégique sur les possibilités qu'offrait le numérique pour la radio de service public, ce constat valant d'ailleurs pour l'ensemble des radios.

Deux parlementaires m'ont saisi du problème de la place accordée par les chaînes de service public au processus de renouvellement des instances européennes et ont obtenu une réponse du collège du Conseil. Nous avons également été saisis par la ministre de la culture et de la communication et lui avons également répondu. Je ne peux pas vous communiquer la réponse adressée à la ministre, mais je peux vous donner les éléments fournis aux parlementaires.

Dans le cadre de ses missions de garantie du pluralisme en période électorale, le CSA est compétent pour assurer le suivi du traitement des élections européennes par les médias audiovisuels. Mais, pour la première fois cette année, l'article 17 du traité sur l'Union européenne – qui donne au Parlement européen compétence pour élire, sur la proposition du Conseil européen, le président de la Commission européenne – va s'appliquer. Cet enjeu démocratique, consécutif au processus des élections au Parlement européen, semble relever des missions figurant dans le cahier des charges de France Télévisions. Le CSA est néanmoins tenu par l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986, qui exige de lui le respect des identités éditoriales. Il doit donc à la fois rappeler sa préoccupation ainsi que les missions de service public qui relèvent des sociétés compétentes mais il ne peut pas aller trop loin dans la fixation de la programmation.

Nous disposons de certains outils de mesure qualitative – qui font l'objet d'une publication dans le rapport et qui font état d'une situation globalement plus satisfaisante pour les radios que pour les télévisions –, mais nous n'avons pas été jusqu'à rendre publiques les appréciations de chaque chaîne ou de chaque station. Le Parlement pourrait d'ailleurs nous donner une indication en la matière.

Nous attachons une grande importance à la promotion de la diversité sur le terrain ; il existe 47 télévisions locales, dont certaines souffrent de difficultés graves de financement. Nous souhaitons que des liens de bonne entente voire de coopération se tissent entre ces chaînes et France 3 ; or, à cet égard, la situation reste pour le moins hétérogène.

Les marchés pertinents se situent au coeur des régulations économique et socioculturelle. Quelle doit être la part de la télévision payante et de la gratuite ? Quelle doit être celle des différentes thématiques ? Quelle doit être la part du sport, sur la télévision gratuite et sur la télévision payante ?

Quelle doit être celle de l'information en continu, sujet sensible et d'actualité ? L'étude d'impact que vous nous avez demandée sera essentiellement économique, mais pas uniquement.

Dans son rapport sur l'exposition de la musique, le CSA a suggéré de réfléchir à des systèmes de conventionnement qui favoriseraient la variété des programmes et des interprètes, les jeunes talents et la diffusion des programmes musicaux aux heures de grande écoute. Si les discussions qui permettent d'apprécier les situations au cas par cas n'aboutissaient pas, il est évident que le système des quotas s'appliquerait. Nous n'abandonnons donc en aucune manière les quotas, nous cherchons simplement à élaborer des systèmes plus fins, plus adaptés et plus souples, ceux-ci devant comporter la même exigence quant à l'exposition des oeuvres musicales.

La situation de la musique à la télévision s'avère préoccupante. Les vidéoclips représentent une part trop importante de l'exposition musicale, mais le problème principal réside dans l'horaire des programmes musicaux. Certaines oeuvres sont systématiquement diffusées entre minuit et six heures du matin, y compris sur les chaînes de service public, ce qui a incité le CSA à adresser des observations critiques qui ont été intégrées aux 14 recommandations attachées à la modification du COM de France Télévisions de septembre 2013.

La notion de distributeur qui figure déjà dans l'article 2 de la loi du 30 septembre 1896, a été forgée à un moment où la diversification technologique qui fait des plateformes à la fois des éditeurs, des distributeurs et des hébergeurs n'avait pas eu lieu et avant la multiplication des magasins d'application et les référencements chez les équipementiers. Il y a donc lieu d'opérer une reformulation juridique tenant compte de ces évolutions technologiques.

Le CSA ne propose pas la fusion intégrale avec l'HADOPI. Il faut distinguer les compétences de veille ou de labellisation de l'HADOPI, qui nous permettraient – si les pouvoirs publics en décident ainsi – de renforcer la régulation économique des acteurs de l'internet, de la riposte graduée qui procède d'une logique différente et qui, même si elle était rattachée au Conseil, serait confiée à un collège indépendant du CSA. Nous avons vocation à nous adresser aux téléspectateurs et aux auditeurs pour préserver un certain nombre de principes, mais nous ne sommes pas dispensateurs de sanctions éventuelles à l'égard des internautes.

Le CSA a émis des propositions précises sur la chronologie des médias dans le rapport, qui préconise à la fois son maintien et son assouplissement. Le Conseil n'est pas associé pour l'instant à l'élaboration de la réglementation de la chronologie des médias ; c'est un problème et nous avons demandé, par une délibération de 2013, à pouvoir formuler un avis de manière automatique. Nous pensons en effet que la chronologie des médias, essentielle pour le cinéma, constitue une épine dorsale de la création audiovisuelle en général.

J'ai déjà insisté en janvier 2013 sur le caractère fondamental de la numérotation des chaînes. Le CSA en applique les principes, aussi bien à l'ensemble des chaînes nationales de la TNT gratuite qu'à la TNT locale. Je me suis entretenu avec les dirigeants de Télé Bocal et je suis conscient des problèmes, que parmi beaucoup d'autres, ils rencontrent.

La protection des jeunes publics constitue une préoccupation réelle pour le CSA. Les sondages montrent que 74 % des parents intègrent cette question pour l'éducation des jeunes enfants. Or la diversification des instruments d'accès à l'audiovisuel – tablettes, consoles, téléphones mobiles –, conduit à une individualisation de la consommation qui rend difficile le contrôle parental. Nous ne proposons pas un contrôle parental systématique, mais nous suggérons d'ouvrir la possibilité pour les parents d'activer ce contrôle, qui pourra être évité si les sites de confiance sont labellisés.

La féminisation des programmes reste trop lente, mais nous poursuivrons nos efforts en la matière.

Le CSA cherchera à faire valoir une évolution de la législation européenne qui s'appuie sur le critère du pays de destination plutôt que sur celui du pays d'établissement, mais nous savons que le débat sera difficile. L'originalité du groupe ERGA réside dans le fait qu'il associe les dirigeants au plus haut niveau, mais uniquement ceux qui occupent la fonction de régulation. Par ailleurs, les pays se réunissent au sein d'un comité d'un contact, prévu par l'article 30 de la directive. Nous devons faire converger nos efforts afin d'obtenir une harmonisation de la directive et un élargissement de son périmètre ; en effet, datant de 2010, elle ne repose que sur les technologies de la décennie précédente.

Nous avons porté une grande attention au rapport de M. Pierre Léautey du 18 décembre 2013 sur le COM de France Médias Monde. Mme la ministre de la culture et de la communication a formulé une demande d'allocation de fréquence à cette société, en vertu de l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986. En l'occurrence, l'attribution d'une fréquence de la TNT, même circonscrite à l'Île-de-France, pour la diffusion de France 24 pose des questions économiques mais également socioculturelles, et doit être étudiée au regard des enjeux de l'information en continu, ce qui n'est pas indifférent au regard de l'étude d'impact que nous conduisons actuellement.

Je suis conscient du problème touchant à l'exposition musicale à la radio, et en ce domaine nous cherchons à faire mieux et non à faire moins.

Nous avons obtenu que les chaînes françaises TMC et NT1 soient diffusées en Suisse. S'agissant de la question générale des couloirs et de la coordination internationale, qui se pose particulièrement en Alsace, nous avons lancé de longues et difficiles négociations avec nos partenaires allemands. Nous n'avons cependant pas renoncé à densifier et à enrichir les fréquences. Dans le rapport sur la concentration, nous indiquons notre souhait d'abandonner une approche marginaliste de l'augmentation de l'offre en radio et de lui préférer une conception structurelle, qui repose sur une densification zone par zone, en réfléchissant à nouveau sur des critères techniques qui, grâce au progrès technologique, peuvent permettre de loger plus de fréquences dans le même spectre.

Le rapport du CSA ne constitue pas une revendication de pouvoir, mais nous souhaitons que le Conseil puisse s'adapter aux missions que le législateur lui a confiées. Il ne pourra le faire qu'en élargissant son périmètre et en modifiant ses méthodes. Cette évolution n'induira aucune perte de pouvoir pour qui que ce soit, car les rôles que nous voulons remplir ne sont exercés par personne. L'Autorité de la concurrence n'intervient que lorsqu'un problème de concentration lui est soumis ou lorsqu'un litige intervient ex post en matière de droit de la concurrence. Elle ne possède donc pas de compétence générale d'orientation du secteur. À cet égard, que l'on parle de directive ou de recommandation, notre volonté se situe à rebours de la création d'une économie administrée et tend, au contraire, à favoriser le développement d'une économie incitée, éclairée, accompagnée et promue. Les instruments doivent donc être à la mesure de cette ambition.

Le CSA n'est pas compétent en matière fiscale et ne revendique aucun rôle en la matière. En revanche, nous nous sentons responsables en matière d'éducation aux médias. Or, il est parfaitement exact que la richesse médiatique reste méconnue, notamment des jeunes. Nous devons donc fournir à ces derniers les outils permettant d'enrichir et d'approfondir leur culture. Nous nous situons en effet à la croisée des chemins, selon le mot de Mme Jacqueline de Romilly, et nous avons d'ailleurs noué de nombreux contact avec Mme Hélène Carrère d'Encausse et avec l'Institut sur cette question. De même, je me suis rendu à l'Académie des sciences pour discuter des moyens de développer les émissions médicales, culturelles et scientifiques.

Il convient d'insister sur les objectifs de proximité et de pluralisme ; dans cette optique, l'analyse des audiences et des répartitions de fréquences doit être menée dans une perspective à la fois globale et locale. Là résident, pour les radios associatives et locales, les opportunités d'émergence et de développement.

S'agissant du sport, les enjeux s'avèrent considérables et je m'en suis entretenu hier avec M. Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des sports. Le CSA a produit une délibération sur les « brefs extraits » qui sera soumise demain aux ligues et aux fédérations et qui prévoient la compensation de l'élargissement du droit à l'information par la diversification de l'exposition des disciplines sportives masculines, féminines et adaptées aux handicaps. Nous devons inscrire cette préoccupation dans les conventions et les cahiers des charges que nous élaborons. L'existence de disciplines dominantes doit nous conduire à accompagner les autres – dont certaines sont importantes –, cette tâche pouvant s'avérer difficile comme l'a montré la récente négociation sur le maintien, finalement acquis, de la diffusion du tournoi de tennis de Roland-Garros sur la télévision gratuite, en l'occurrence celle du service public. Un article du code des sports prévoit que la non-utilisation de droits sportifs acquis par une chaîne oblige celle-ci à en assurer la cession, y compris à des acteurs gratuits ; mais cette disposition nécessite l'élaboration d'un décret d'application qui n'a toujours pas été effectuée. Nous avons réclamé que ce décret soit pris et puisse renvoyer aux compétences du CSA. Le sport constitue un bon exemple de la convergence entre la régulation socioculturelle et la régulation économique. N'oublions pas que l'audiovisuel finance les fédérations à hauteur de 1,3 milliard d'euros ; un problème de diversification des ressources du sport s'est créé entre cet apport considérable, celui de la billetterie, celui du parrainage et celui, probablement très contraint, des collectivités publiques. Il nous faut donc veiller à ce que la manne financière procurée par l'audiovisuel n'entraîne pas une inflation des droits qui appauvrisse l'exposition du sport. C'est ce que nous essayons d'accomplir en accompagnant les discussions qui se mènent avec de grands opérateurs comme Canal + et beIN Sports, que nous recevons et avec lesquels nous conduisons un dialogue très nourri. Cependant, dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres, on constate une multiplication des litiges, notamment contentieux. Face à cette situation, le CSA peut développer une action de médiation et de conciliation qui permettra d'obtenir de meilleurs équilibres économiques et donc une plus grande exposition de la diversité des sports à la télévision et à la radio.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion