Intervention de Henri Proglio

Réunion du 18 septembre 2014 à 15h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Henri Proglio, président-directeur général d'Electricité de France, EDF :

Il n'y aurait rien de déshonorant à ce que ce texte soit « électrique », monsieur le président ! Mais je ne pense pas que ce soit sa caractéristique première, ni même l'intention de ses auteurs.

La transition énergétique doit être une chance pour la France, d'abord parce qu'elle est susceptible de valoriser nos atouts : notre indépendance en énergie électrique, qui fait de la France le principal exportateur d'électricité en Europe – en juin et en juillet dernier, nous avons d'ailleurs battu tous les records d'exportation depuis la création d'EDF, ce qui atteste à la fois notre capacité à participer aux exportations de notre pays et la bonne disponibilité du parc nucléaire – ; une électricité parmi les moins chères d'Europe, ce qui est un avantage considérable pour la compétitivité de notre pays ; une électricité déjà décarbonée au niveau que doivent atteindre nos voisins dans quarante ans, grâce à notre parc hydraulique et nucléaire.

Ces atouts, comme le tissu industriel d'excellence qui leur est associé, sont autant de leviers pour sortir de la crise, soutenir l'emploi et la compétitivité, exporter notre savoir-faire.

La transition énergétique doit être une chance, ensuite, parce qu'elle lance une dynamique autour d'un enjeu clé pour notre pays : la réduction de notre consommation d'énergies fossiles dans nos bâtiments et dans nos transports.

Deux chiffres parlent d'eux-mêmes : les bâtiments et les transports représentent 70 % de notre consommation d'énergie ; plus des deux tiers de l'énergie que nous consommons sont des énergies fossiles, dont les importations sont quasiment égales au déficit de notre commerce extérieur, soit environ 70 milliards d'euros.

On mesure dès lors tout l'intérêt, à la fois économique et stratégique, de réduire notre dépendance à ces importations et de permettre leur substitution par des usages performants d'une électricité produite en France, compétitive et sans CO2.

L'enjeu, dans ces deux secteurs du bâtiment et des transports, est de réunir les conditions pratiques qui fondent cette « excellence française » : élaborer des solutions abordables, efficaces et qui apportent durablement à notre territoire des emplois et des savoir-faire industriels reconnus.

L'équilibre d'ensemble du projet de loi va dans ce sens.

On le voit clairement dans les titres II et III, consacrés respectivement à la rénovation énergétique des bâtiments et au développement des transports propres.

On le voit aussi avec l'objectif, rappelé au titre Ier, de réduire de 30 % la consommation d'énergies fossiles d'ici à 2030. En tant qu'industriel, nous estimons néanmoins qu'il pourrait être utile, pour faciliter l'action, de distinguer les fins – sécurité d'approvisionnement, compétitivité, environnement et préservation du climat – des moyens mis en oeuvre pour les atteindre au travers d'objectifs portant sur telle ou telle technologie.

Pour sa part, EDF est mobilisée pour faire de la transition énergétique une réussite.

Mobilisée, d'abord, pour être un vecteur d'emploi et de compétitivité permettant de sortir de la crise. L'entreprise est aujourd'hui le premier investisseur industriel de France, avec près de 9 milliards d'euros en 2013, et un des tout premiers recruteurs, puisque nous embauchons chaque année 6 000 collaborateurs et accueillons près de 4 000 jeunes en alternance, soit 1 % du total des alternants.

Avec ses 175 000 collaborateurs, sa position de référence mondiale en matière d'électricité, son rôle d'animation de l'ensemble de la filière française, EDF constitue un atout industriel au service de l'emploi et de la compétitivité de notre pays.

Nous devons aussi cette situation à un « modèle français » de service public intégré – production, réseaux, en particulier de distribution, commercialisation –, que la France a su faire valoir face à des visions extrêmes de la dérégulation. Ce système intégré garantit efficacité et solidarité, tant au plan technique qu'au plan économique, sur le territoire national.

Pour maintenir dans la durée cet avantage compétitivité et emploi pour le pays, EDF est engagée dans la maîtrise industrielle de ses projets et dans le développement de ses compétences et savoir-faire sur l'ensemble de ses métiers et technologies : hydraulique, nucléaire, énergies renouvelables, thermique, réseaux.

L'entreprise est également mobilisée en matière d'efficacité énergétique. Elle propose d'ores et déjà aux industriels des services énergétiques efficaces qui améliorent les process industriels ainsi que la gestion du froid et de la chaleur. Nous sommes à même de répondre aux industriels qui souhaitent des contrats de performance énergétique où la rémunération de l'investissement se fasse sur les économies réalisées. L'État peut faciliter ce mouvement en donnant de la visibilité à long terme et en labellisant les actions efficaces.

Chez les particuliers, le remplacement des chaudières au fioul en fin de vie par des renouvelables thermiques comme les pompes à chaleur procure de vraies économies d'énergie, réduit les émissions de CO2 et mobilise une filière industrielle française que des incitations minimales de la part de l'État permettraient de dynamiser.

S'agissant enfin de l'enjeu clé de la rénovation thermique des logements, je suis convaincu que l'on doit et que l'on peut être ambitieux si l'on parvient à articuler trois actions : cibler les logements énergivores et les gestes efficaces grâce à un diagnostic lisible et « parlant », chiffré en euros par mètre carré ; renforcer les efforts de formation en direction des artisans et des PME de la filière ; prévoir des incitations qui soient plutôt liées au résultat – par exemple le gain de classe énergétique et à la baisse des émissions de CO2 – et tournées vers les « réflexes énergétiques » – par exemple l'isolation externe lors d'une réfection de façade.

EDF est aussi mobilisée pour l'innovation au service des territoires. Il s'agit de répondre aux nouveaux besoins locaux qui émergent avec une exigence renouvelée de solidarité entre les territoires urbains et ruraux, entre la métropole et l'outre-mer.

Parce que l'électricité est un bien essentiel à la vie de la cité et de ses habitants, EDF est aux côtés des collectivités territoriales pour les accompagner dans leurs projets d'efficacité énergétique des bâtiments, dans l'identification et la valorisation des potentiels d'énergies renouvelables locales, en particulier la chaleur renouvelable – biomasse, déchets agricoles ou ménagers, géothermie –, dans le développement des éco-quartiers et des nouvelles mobilités.

De ce point de vue, le concept de « territoire à énergie positive » est intéressant, mais gagnerait sans doute à être précisé dans la mesure où l'objectif est à la fois d'être « CO2 positif », « emploi positif » et d'inciter à de vraies économies d'énergie.

Enfin, EDF est mobilisée pour l'innovation, élément clé de la transition énergétique dans un secteur qui est celui du temps long. Cette innovation doit nous permettre de créer des filières industrielles françaises dans la durée.

Avec 2 000 personnes et plus de 400 millions d'euros par an investis dans la recherche, EDF est déjà fortement engagée pour permettre à l'électricité décarbonée de jouer le rôle clé qui lui est dévolu dans cette transition et de faire émerger des solutions industrielles durables.

En matière d'énergies renouvelables, EDF est aujourd'hui un des tout premiers opérateurs. L'enjeu est de développer des filières industrielles pour créer de l'emploi en France et viser l'export là où les ressources en vent et en soleil sont abondantes et où il y a des besoins en nouveaux moyens de production. Le photovoltaïque est un exemple : en France, des entreprises innovent malgré un contexte difficile de concurrence asiatique et de surcapacité mondiale. La procédure d'appel d'offres doit leur permettre de tester ces innovations et de vérifier la pertinence des choix technologiques en lien avec les expérimentations sur les smart grids, afin de permettre l'insertion des moyens intermittents dans le système.

En matière de mobilité électrique – un enjeu clé dans toutes les villes et tous les territoires du monde –, notre électricité décarbonée abordable nous donne un temps d'avance : pour les particuliers, avec le développement adapté de bornes de recharge, mais aussi pour les flottes des entreprises et des collectivités, les bus et les transports en commun électriques. Un effort de recherche est engagé sur les techniques de charge comme l'induction, les systèmes intelligents associés concernant par exemple les parkings et le trafic, et sur l'enjeu majeur que constituent les batteries.

S'agissant enfin de l'innovation au niveau des usages, tous les scénarios de préservation du climat montrent que l'électricité décarbonée est un élément clé du développement des usages efficaces de l'électricité en substitution des énergies fossiles. Avec l'installation d'appareils de gestion énergétique, la domotique, les « maisons intelligentes », les consommateurs peuvent agir sur leur consommation et leur production d'énergie.

Nous disposons, en France, d'un capital précieux de compétences en matière de technologie et de gestion intégrée des systèmes énergétiques. À nous de protéger, promouvoir et valoriser ce capital en trouvant notre « modèle français » dans le cadre de ce projet de loi : faire levier de nos atouts, conserver notre longueur d'avance et créer les filières pour l'emploi et la relance industrielle du pays.

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