Intervention de Henri Proglio

Réunion du 18 septembre 2014 à 15h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Henri Proglio, président-directeur général d'Electricité de France, EDF :

Je commencerai par remettre en perspective ce qu'est EDF, en France et dans le monde.

Résumons d'abord son histoire, qui est une belle histoire industrielle. C'est la loi de nationalisation de 1946 qui donné naissance à cette entreprise, qui fut d'abord un monopole national, puis un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), puis une société anonyme cotée en bourse, dont l'État est le principal actionnaire et qui a la particularité en France d'être investie d'une mission de service public.

Sur le plan international, elle est le premier électricien au Royaume-Uni, le deuxième en Italie et en Belgique, le troisième en Pologne, ce qui la situe au premier rang européen. Elle est vraisemblablement l'un des premiers électriciens au plan mondial. Elle est le plus grand investisseur en Europe, avec un plan d'investissement colossal, et le plus grand donneur d'ordres en France et en Europe.

Forte de ses 175 000 collaborateurs, c'est une entreprise intégrée qui va de l'amont à l'aval, de la production à la distribution en passant par les réseaux, l'optimisation, le trading et les services énergétiques.

Pour toutes ces raisons, elle peut porter haut les couleurs de la France partout dans le monde, où elle constitue une référence.

Les intérêts d'EDF sont, par définition, ceux de ses actionnaires, dont le premier est l'État, qui détient 85 % de son capital. Il lui revient de définir les contours de la mission qui nous a été confiée en tant qu'opérateur de service public et de fixer les composantes de la politique énergétique du pays. Rappelons ici que nous sommes le premier contributeur au budget de l'État, à hauteur de 13 milliards d'euros. Personne ne saurait donc prétendre que nous vivions aux crochets de l'Etat…

Ma responsabilité est de défendre l'entreprise, ses missions, ses atouts, ses actionnaires et ses collaborateurs et rien ne me fera jamais céder dans ma détermination, qui m'a parfois amené à prendre des décisions à contre-pied.

Nous évoluons dans un paysage européen de l'énergie marqué par plusieurs types de bouleversements.

Bouleversements liés aux coûts des énergies primaires, notamment des énergies fossiles. Le développement du gaz de schiste américain a eu un fort impact sur le marché du gaz en Europe et sur les prix du charbon, dont le cours s'est effondré, ce qui a accru son utilisation déjà très développée : 70 % de l'électricité mondiale est produite à partir du charbon et il se construit une centrale à charbon chaque jour dans le monde.

Bouleversements relevant de facteurs géopolitiques qui auront une incidence, cet hiver plus que jamais, sur les prix de marché et les capacités d'alimentation.

Bouleversements dus aux subventions titanesques versées en faveur des énergies renouvelables. La formidable spéculation qu'elles ont engendrée a créé des surcapacités de production, qui ont provoqué l'effondrement des budgets de certains États, en Europe du Sud notamment, et des séismes chez les industriels. Aujourd'hui, EDF est le seul électricien européen à afficher des bons résultats.

C'est en prenant en compte cet environnement en pleine évolution que nous devons anticiper les besoins et donc les capacités.

De nombreux pays encouragent les économies d'énergie pour aller vers une sobriété énergétique justifiée à la fois par la compétitivité, la rationalité économique et la préservation de l'environnement. Dans cette perspective, ils ont mis au point des dispositifs d'incitation qui reposent avant tout sur les énergies fossiles, pour lesquelles la dépendance à l'égard d'autres pays est forte. Dans le même temps, la part d'électricité dans l'ensemble des énergies consommées a tendance à se renforcer d'année en année, car les processus de modernisation économique reposent sur un recours accru à cette source d'énergie.

Nombre des acteurs de l'électricité à l'échelon européen ont dû annoncer des baisses drastiques de leurs investissements car leur situation financière est extrêmement fragile. Et il est vraisemblable que ces sous-investissements se traduiront par des tensions considérables sur les capacités de production car sans maintenance et modernisation, les outils lourds nécessaires à la filière électrique se dégradent. RTE a ainsi tiré le signal d'alarme pour les hivers 2015 et 2016, et les inquiétudes sont encore plus fortes chez nos voisins d'outre-Quiévrain.

Beaucoup de questions ont porté sur le nucléaire.

Il faut rappeler tout d'abord que l'industrie nucléaire est le troisième secteur industriel de notre pays derrière l'aéronautique et l'automobile et compte 150 000 emplois directs, chiffre qui n'est un mystère pour personne. Fort de son expertise internationalement reconnue, elle a vocation à gagner des marchés à travers le monde. Et ce développement fait partie des missions qui m'ont été confiées. Nous sommes le premier opérateur nucléaire au monde et constituons une référence, même si nous ne sommes pas les seuls. La Chine est en train de se doter d'un parc plus important que le parc français : elle construit dix centrales nucléaires par an et 47 réacteurs sont en cours de construction.

Le projet de loi de transition énergétique entend réduire la part du nucléaire dans la production de l'électricité. Est-ce compatible avec la vision d'EDF ? La réponse est oui, je le répète. Sommes-nous disposés à accompagner cette évolution ? La réponse est oui. Avons-nous l'ambition de le faire ? La réponse est oui. Avons-nous les moyens de le faire ? La réponse est oui, puisque cela dépend des capacités existantes – je ne me prononcerai pas sur le plafonnement : s'il est adopté par le Parlement, il sera appliqué. Cela empêche-t-il de développer d'autres capacités ? La réponse est non dès lors, qu'EDF se porte bien et examine avec lucidité les enjeux liés à l'investissement.

Autre aspect dont il faut tenir compte : le coût de revient de l'électricité par rapport au prix de vente. Nous sommes en concertation constante avec les pouvoirs publics pour optimiser le mix énergétique de manière à éviter une explosion des coûts de revient qui serait incompatible avec le bon accomplissement de notre mission de service public, laquelle suppose d'assurer accessibilité à tous et efficacité.

Il m'a été demandé s'il était possible de démanteler une centrale et d'installer un réacteur sur le même site. La réponse est oui, mais pas exactement au même emplacement, bien entendu : c'est la raison pour laquelle les centrales nucléaires occupent de vastes emprises.

M. Baupin m'a interrogé sur la prolongation de la durée de vie d'une centrale au-delà de quarante ans. Il connaît la réponse, puisque nous avons déjà largement débattu de cette question au sein de diverses commissions. Il sait que nous devons prendre en compte l'amortissement des investissements et que nous sommes en étroite concertation avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

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