Intervention de Anne Durupty

Réunion du 14 novembre 2012 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Anne Durupty, directrice générale d'ARTE France :

Je veux, à cet égard, préciser les éléments de nature budgétaire, que vous êtes nombreux à avoir abordé. ARTE est relativement préservée, mais en même temps, sa ressource publique diminue légèrement en 2013 et doit diminuer encore dans les deux prochaines années selon la trajectoire triannuelle qui nous a été communiquée. C'est évidemment une vraie préoccupation, en particulier si nous voulons continuer à développer l'offre de journée, laquelle était l'un des éléments essentiels de la relance éditoriale qui a beaucoup de succès. Notre nouveau dimanche après-midi, qui est entièrement consacré à la culture, avec des spectacles et des documentaires progresse au fil du temps. Notre ambition de développer des programmes inédits les après-midis de la semaine sera évidemment freinée par cette contrainte budgétaire.

Comme vous le savez, les chiffres du produit attendu de redevance ont été annoncés particulièrement tard cette année. Par conséquent, le budget qui figure dans le projet de loi de finances n'a pas été travaillé en tant que projet de budget pour 2013. Il se fonde sur la trajectoire qui avait été bâtie pour le COM et le niveau de redevance qui nous a été annoncé, ce qui aboutit mécaniquement, en gardant la même structure de dépenses, à une baisse d'environ 8 millions d'euros du budget de programmes. En ce qui concerne la contribution au GEIE, la hausse résulte en grande partie d'un transfert de la charge liée au paiement des sociétés d'auteurs d'ARTE France vers ARTE GEIE. En effet, le GEIE est en train de conclure et devrait pouvoir signer avant la fin de l'année un nouveau contrat avec les sociétés d'auteurs pour prendre à sa charge les frais d'auteurs tant en France qu'en Allemagne. Le précédent contrat ne prenait pas en compte la diffusion sur la totalité de la journée. Un peu plus de 3 millions d'euros sont transférés d'ARTE France vers ARTE GEIE. Par ailleurs, sur la durée du COM, l'augmentation des ressources du GEIE se situe entre 1,5 % et 2 % par an et a été validée par les deux parties, française et allemande ; les deux partenaires se sont engagés, pour quatre ans en Allemagne et cinq ans en France – soit la durée du COM. C'est une augmentation modeste et tout à fait normale.

Comment réagir face à cette baisse du budget de programmes de 8 millions d'euros qui, à notre avis, n'est pas tenable parce qu'elle handicapera trop la relance éditoriale ? Nous préparons le budget en recherchant tous les moyens possibles de la limiter ; nous sommes en même temps conscients que la structure des coûts est très contrainte, comme vous l'avez souligné.

En premier lieu, nous envisageons de transférer certaines charges d'ARTE France vers ARTE GEIE. Dans le cadre du développement numérique tel que vous l'a présenté Véronique Cayla, ARTE GEIE va prendre en charge bien plus que par le passé la diffusion sur internet et l'édition des plates-formes numériques qui avaient été lancées par ARTE France. Il est beaucoup plus logique, dans la répartition des rôles entre ARTE GEIE et les pôles, que ces derniers se consacrent à la production de programmes, et le GEIE, à la programmation, l'édition et la diffusion. Ces réajustements représenteraient quelques centaines de milliers d'euros, car notre budget est modeste.

Par ailleurs, nous examinons la manière de réduire encore un peu les charges de fonctionnement, même si elles sont déjà modestes. Nous avons demandé à toutes les directions et à tous les services de la maison de passer au crible leurs différentes dépenses, et de proposer, en fonction de leurs possibilités, des diminutions de 2 % à 5 %.

Enfin, certains programmes, comme les magazines, sont moins au coeur de notre ligne éditoriale que les créations, tout en apportant beaucoup à la chaîne au plan de l'ancrage dans la vie et dans la société. Nous avons donc demandé aux créateurs de magazines de nous proposer des évolutions éditoriales qui sans mettre en péril la qualité du programme, permettraient de réduire leurs coûts de 5 %.

Nous sommes en train d'étudier à la loupe toutes ces mesures pour préparer le projet de budget 2013, et nous espérons parvenir à contenir la diminution du budget de programmes bien en deçà de 8 millions d'euros.

Vous avez également relevé une hausse des charges de personnel en 2011, qui est en réalité tout à fait exceptionnelle. 2011 a vu le renouvellement de la présidence et de plusieurs dirigeants d'ARTE France. Des postes ont donc été occupés en doublons pendant quelques mois et les départs ont entraîné des charges supplémentaires. Ce dépassement exceptionnel du budget de personnel avait été approuvé par le conseil de surveillance et par l'ensemble des tutelles. À partir de 2012, le budget de personnel s'est normalisé et devrait connaître de faibles évolutions, de l'ordre de 1,5 % à 2 % selon les années pendant la durée du COM.

Vous avez évoqué les ressources propres. Elles ne sont pas très élevées – inférieures à 3 millions d'euros. En dehors de quelques ressources de parrainage, qui sont perçues par le GEIE ARTE France, les ressources propres proviennent essentiellement de la distribution à l'international d'un certain nombre de programmes, des éditions DVD et de la vidéo à la demande (VOD). Elles sont donc à la fois modestes et très importantes, parce qu'elles sont pour ARTE, qui est très imprégnée de la notion de service public, une façon de garder un contact avec la vie de l'entreprise et des marchés, de faire rayonner les programmes au-delà de l'antenne d'ARTE et des frontières de la France, d'éditer en DVD un certain nombre de programmes, de les proposer en VOD et de distribuer les droits, essentiellement des documentaires, à l'international. Comme les équipes qui gèrent la distribution à l'international au sein d'ARTE sont assez dynamiques et performantes, la progression des ressources propres est prévue à 5 % par an en moyenne sur la durée du COM.

Pour revenir sur la question de la parité avec les Allemands, nous avons un mode de calcul particulier au sein d'ARTE France. Pour le financement du GEIE, on compte en euros, et pour les programmes, on compte en volume – chaque partenaire apportant le même volume de programmes à la grille – parce que le système de production est très différent. En France, ARTE produit, coproduit et achète. En Allemagne, ARTE coproduit très majoritairement avec la ZDF (Zweites Deutsches Fernsehen, deuxième chaîne de télévision généraliste publique fédérale allemande) et avec l'ARD (Arbeitsgemeinschaft der öffentlich-rechtlichen Rundfunkanstalten der Bundesrepublik Deutschland, groupement public de neuf radiodiffuseurs régionaux allemands). En effet, grâce au nombre de stations de l'ARD, de la ZDF, et des autres chaînes thématiques du groupe public en Allemagne, comme 3 Sat, les possibilités de coproduction sont plus importantes et ARTE bénéficie toujours du droit de première diffusion par rapport aux partenaires allemands. Il serait difficile de valoriser en euros ces coproductions car les méthodes de valorisation ne sont pas les mêmes. En France, une première diffusion étant valorisée à 80 % du coût total d'un programme, de grosses fictions, comme par exemple « Les Buddenbrook » dont le coût de production avoisinait les dix millions d'euros, auraient été valorisées à huit millions d'euros, ce qui n'a évidemment pas été le cas. Ainsi, le système de comptabilité en euros et en volume, qui semble étonnant à première vue, est assez efficace, et la parité est respectée à la demi-heure près.

S'agissant des relations avec France Télévisions, j'ajouterai que nous tenons régulièrement depuis quelques mois des réunions de travail autour de trois thèmes. Tout d'abord les plates-formes numériques, qui doivent être complémentaires et non pas concurrentielles, comme on a pu le craindre après les annonces de France Télévisions concernant le lancement d'une plate-forme sur la musique et la culture, alors que celle d'ARTE existe depuis plusieurs années. Les discussions concernant la complémentarité dans le domaine du spectacle vivant sont très positives ; il y a une volonté de mettre en commun les moyens de production pour les festivals de l'été prochain, d'assurer une présence commune sur le terrain et ensuite de se relayer dans les annonces entre les antennes et les plates-formes.

En ce qui concerne le deuxième thème, les coproductions et les rachats éventuels de programmes, le documentaire est à l'évidence le seul genre où l'on peut travailler ensemble car le volume est suffisant. Ce n'est pas le cas des fictions : des unitaires comme le très beau téléfilm « Clara s'en va mourir » avec Jeanne Balibar, ARTE n'en produit que cinq ou six par an. Quant aux séries, elles sont extrêmement spécifiques à ARTE et donc plus difficiles à coproduire.

Le troisième thème concerne les sujets liés à la communication et à nos présences respectives lors des grands événements culturels. ARTE est présente à chacune des grandes expositions et produit généralement un documentaire lié à l'exposition, comme cela a été le cas récemment de celle consacrée à Edward Hopper, ou bientôt pour l'ouverture du Louvre-Lens. Nous tenons dans ces cas-là à être partenaires à part entière de l'exposition ou du musée, afin d'assurer à ARTE une visibilité. France Télévisions y tient beaucoup également et demande aux institutions culturelles à être partenaire exclusif ; elle l'obtient souvent parce que France 3 Régions et même France 2 font ensuite dans leurs journaux la promotion des expositions. Ne pas pouvoir mettre en avant ARTE autant que nous le souhaitons lorsque nous produisons un documentaire nous contrarie beaucoup ; mener une guerre au sein du service public n'est pas non plus optimal. Donc, dans ce domaine, le terrain d'entente est assez difficile à trouver.

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