Intervention de Nicolas Grivel

Réunion du 5 novembre 2014 à 9h00
Commission des affaires économiques

Nicolas Grivel :

Je suis très honoré d'être proposé par le Président de la République pour occuper cette fonction et de me trouver devant votre commission aujourd'hui. La procédure de validation constitutionnelle a aussi pour vertu de permettre des échanges avec les élus préalablement à la prise de fonction de la personne pressentie. Ces échanges sont d'autant plus utiles que l'ANRU traverse un moment charnière de son existence : elle a dix ans cette année, l'achèvement du premier programme est en cours tandis que le deuxième sera lancé en 2015. Dans son fonctionnement quotidien, l'ANRU existe dans une large mesure par et pour les élus.

Je vais essayer d'exposer les enjeux de l'ANRU tels que je les comprends, en m'appuyant sur des éléments rétrospectifs montrant comment l'Agence a su trouver la place qui lui est désormais reconnue et en traçant les perspectives qui sont les siennes dans les mois et les années qui viennent. Je terminerai mon intervention par quelques mots sur mon parcours et sur ma volonté d'être à la hauteur des défis qui attendent l'ANRU.

Modestie et ambition seront les deux mots-clés de mon propos. Modestie, parce que l'ANRU ne peut prétendre régler à elle seule l'ensemble des difficultés des territoires urbains, tant les facteurs sont multiples et tiennent au contexte économique et social global. Mais également ambition, car l'Agence répond à une ambition forte. Ce projet mobilisateur est essentiel pour la cohésion sociale et territoriale. Il a disposé et disposera encore de moyens financiers importants, ce qui permet d'obtenir des résultats ayant une traduction concrète pour la vie quotidienne des habitants concernés.

Vous connaissez bien, mesdames et messieurs les députés, le fonctionnement du dispositif. J'en veux pour preuve le rapport d'information de MM. Goulard et Pupponi sur l'évaluation des aides aux quartiers défavorisés, présenté en 2010 au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, et les travaux menés par votre commission depuis deux ans sur la réforme de la politique de la ville. D'après toutes les études et toutes les personnalités que j'ai consultées, l'ANRU est un très bon outil qui, en outre, fait l'objet d'un large consensus auprès des élus, quelle que soit leur position sur l'échiquier politique.

Grâce à ce consensus et grâce à la volonté politique très forte et à l'ampleur des financements dont bénéficie le dispositif depuis sa création en 2004 par Jean-Louis Borloo, l'ANRU marque un changement d'échelle et d'ambition par rapport aux actions de renouvellement urbain menées antérieurement – démolitions-reconstructions notamment –, dans la continuité desquelles elle s'inscrit néanmoins. Le passage à un deuxième programme de rénovation est le signe que cette volonté et ce consensus ne se démentent pas. En étant au rendez-vous des engagements pris pendant toute cette période, l'ANRU a pu asseoir sa crédibilité en termes de financements. Les décaissements annuels au titre du premier programme sont actuellement de l'ordre de 1 milliard d'euros. L'engagement des partenaires sociaux via Action Logement (c'est-à-dire le 1 % logement) joue un grand rôle dans ce financement.

Le fonctionnement de l'ANRU depuis sa création est également caractérisé par une grande fluidité entre le niveau national et le niveau local. Entre le renforcement de l'impulsion nationale donné au titre du PNRU et le renforcement du rôle des élus locaux pour réaliser de la rénovation urbaine avec les bailleurs sociaux et l'ensemble des partenaires, le paradoxe n'est qu'apparent. Ce type de fonctionnement a permis d'obtenir des résultats dans des délais relativement rapides eu égard à l'importance des opérations.

L'ANRU et ses deux directeurs généraux successifs, Philippe Van de Maele et Pierre Sallenave, que je tiens à saluer, ont pu s'appuyer sur des équipes de grande qualité. Dans le même temps, les services de l'État et des collectivités sont montés en puissance sur le terrain pour faire vivre ce programme et en assurer la réussite.

J'en viens aux enjeux et aux perspectives de l'ANRU, dont vous avez encore discuté la semaine dernière en commission élargie avec le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports et la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Les facteurs de succès que j'ai décrits posent une exigence : l'Agence doit confirmer sa réussite à la fois dans la continuité de son action et en s'adaptant à un contexte renouvelé. Cette nouvelle page à écrire sera forcément différente du premier programme.

Par certains aspects, le contexte est plus simple : la phase de démarrage est passée, les compétences de l'ANRU sont fortes et, au niveau local, des capacités d'ingénierie se sont également développées au fil de la réalisation du premier programme. Nous disposons de vrais savoir-faire pour enchaîner sur le deuxième programme.

Par d'autres aspects, en revanche, le contexte est plus difficile. Il existe d'abord un risque d'essoufflement de la dynamique et d'effritement du consensus que nous connaissons jusqu'à présent. Et, surtout, le contexte financier est différent, au niveau national comme à celui des collectivités locales qui cofinancent les opérations soutenues par l'ANRU.

Dans le cadre que la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine fixe pour le deuxième programme, les points perfectibles du premier programme et des dix premières années de l'ANRU font l'objet d'une forme de consensus : il faut aller au-delà de la satisfaction des objectifs d'amélioration du cadre de vie et atteindre de nouveaux objectifs en matière de mixité sociale, de mixité fonctionnelle et d'amélioration de la situation économique des habitants.

Un accord s'est dégagé autour de trois points. D'abord, l'intercommunalité apparaît comme le niveau pertinent pour prendre en compte ces objectifs. Ensuite, il est nécessaire d'avoir une approche globale, non pas pour remettre en cause les savoir-faire de l'ANRU et la priorité donnée à la dimension urbaine dans ses interventions, mais pour inscrire celles-ci, par le moyen des contrats de ville, dans un ensemble plus large comprenant les thèmes du transport, du développement économique et social, de l'emploi, etc. Enfin, la participation citoyenne doit intervenir non seulement en amont des projets, mais aussi pendant et après leur réalisation. C'est un des enjeux pour capitaliser les acquis du premier programme et enchaîner sur le deuxième.

C'est sur ces bases que se construit le nouveau PNRU. Dans les prochaines semaines, l'ANRU proposera une première définition des deux cents quartiers qui feront l'objet d'opérations d'intérêt national. Parallèlement, des projets d'intérêt régional complétant les projets nationaux seront discutés entre les élus locaux et les préfets. Le financement prévu pour la durée du programme est de 5 milliards d'euros. Les décaissements se feront sur une longue période, mais les études préalables des projets pourront démarrer dès 2015.

Des entretiens que j'ai pu avoir à ce sujet, quelques priorités se dégagent.

Premièrement, il faut confirmer le fort ancrage territorial de l'action de l'ANRU, en prenant en compte les spécificités de chaque territoire, sa densité, l'histoire de son habitat, ses perspectives démographiques. On ne raisonne pas de la même façon selon que le territoire est situé en Île-de-France ou en province, qu'il comporte de grands ensembles verticaux ou un habitat plus horizontal, etc.

Deuxièmement, il est impératif que l'ANRU s'inscrive en complémentarité et en partenariat avec les autres acteurs de son environnement. C'est la condition de la réussite de son action à la fois sur ce qui est son coeur de métier et sur les objectifs plus globaux de la politique de la ville. Dans le contexte de restriction des moyens que nous connaissons, on ne peut pas se permettre une concurrence entre les différents acteurs. Du reste, les bases de la complémentarité sont déjà posées avec le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), qui a repris les compétences de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSÉ), avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) – une convention est en cours d'élaboration pour mieux délimiter les interventions respectives –, avec le commissariat général à l'investissement pour ce qui est des programmes d'investissements d'avenir, avec la Caisse des dépôts ou encore, pour le volet du développement économique, avec l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

Troisièmement, l'ANRU doit intégrer les sujets liés à la ville durable, à la transition énergétique, à l'écoconstruction, dont vous avez beaucoup débattu récemment. L'exemplarité en matière de construction et de rénovation urbaine passe aussi par les actions en faveur de quartiers où la pauvreté est relativement concentrée, d'autant que l'efficacité énergétique contribue à l'amélioration du pouvoir d'achat des habitants concernés, donc de leur situation économique et sociale. À cet égard, l'ANRU accueille désormais en son sein, en tant qu'« incubateur », l'Institut pour la ville durable, dont la mission sera de fédérer les énergies sur ce sujet.

Quatrièmement, l'Agence devra développer les outils d'évaluation du deuxième programme afin de rendre compte de sa réalisation à la représentation nationale et aux différents acteurs.

Quelques mots, pour conclure, sur mon parcours.

Je suis originaire d'un beau territoire à la fois rural et urbain, la Lorraine. Mon parcours est très lié aux enjeux sociaux et territoriaux. J'ai été confronté aux problématiques de la ville très tôt en travaillant à la lutte contre les discriminations dans le cadre de mon service national, effectué au titre de la politique de la ville. Après avoir passé deux années passionnantes et exigeantes, dans un contexte très compliqué, au sein du cabinet du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, j'ai souhaité relever le défi de l'ANRU. Je suis en effet passionné par les sujets de la politique de la ville, que je considère comme cruciaux pour l'évolution économique et sociale de notre pays. L'urbain et l'humain ne doivent pas être opposés : ils se complètent. L'ANRU, bien entendu, restera sur son coeur de métier, mais elle doit aussi assurer la complémentarité de son action avec les aspects sociaux et économiques de la politique de la ville. De ce point de vue, mon parcours peut constituer un atout.

J'ai également une bonne connaissance des rouages de l'État, notamment en matière budgétaire, des collectivités territoriales, du travail avec les élus tant au niveau national qu'au niveau local.

Enfin, pour les avoir côtoyés assidûment, je connais bien les partenaires sociaux. Cette expérience pourra être utile : non seulement c'est Action Logement qui financera intégralement le nouveau programme, mais il sera également intéressant de travailler avec eux en lien avec les politiques qu'ils mènent en direction des salariés et des jeunes dans les quartiers.

Je terminerai en évoquant les deux mots-clés évoqués en introduction : mon ambition est d'être à la hauteur des défis de l'ANRU, tout en m'inscrivant avec modestie dans le cadre fixé par le Gouvernement, par le conseil d'administration de l'Agence et par son président. J'ajouterai un troisième mot clé, l'enthousiasme : celui que m'inspirent ces enjeux immenses et stimulants, celui qui m'anime depuis le début de ma carrière et celui que renforce, à chaque rencontre, l'enthousiasme communicatif des acteurs et des élus qui se consacrent à ces sujets.

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