Intervention de Jean-Marie Beffara

Réunion du 25 novembre 2014 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Beffara, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mission « Médias, livre et industries culturelles » :

France Télévisions, comme tout l'audiovisuel public, fait face à de profonds bouleversements. Les évolutions que vit le groupe – changements organisationnels, passage à l'entreprise unique, harmonisation des statuts et des cadres d'emploi, mutualisation – mobilisent beaucoup d'énergie. Si les résultats ne semblent pas au rendez-vous en 2013, vous nous avez rassurés quant aux réalisations de 2014.

Les usages apparaissent également bouleversés. Si France Télévisions a réalisé d'importants efforts en matière d'offre numérique, la mutation des modes de consommation doit également nous amener à engager une réflexion sur l'évolution de l'assiette de la CAP. En effet, il est paradoxal d'encourager les acteurs publics de la télévision à développer le numérique sans s'assurer que ces nouveaux usages amèneront par la suite des recettes. À défaut de modifier l'assiette de la CAP, le basculement vers des usages majoritairement numériques nous confrontera à une chute du rendement de la contribution – qui représente 60 % des ressources de France Télévisions. Je souhaite par conséquent que la réflexion sur la pérennité de ce dispositif de financement soit lancée dans les meilleurs délais. Monsieur le président, que pensez-vous de cette évolution future ?

La remise en cause du modèle économique de France Télévisions contribue à l'ampleur des changements. La décision, en 2009, de supprimer la publicité après vingt heures sur les chaînes publiques avait conduit l'État à compenser les pertes de recettes par une dotation budgetaire, ce qui, à un moment où la dette explosait, revenait à demander aux Français d'acheter leurs programmes à crédit. Le Gouvernement ayant eu la sagesse de décider la suppression de cette dotation à l'horizon 2017, la CAP représentera demain la seule ressource publique de l'audiovisuel. Au cours des dernières années, la contribution a augmenté deux fois plus vite que l'inflation, mais ce mouvement ne saurait se poursuivre indéfiniment. L'augmentation de la CAP ne pouvant suffire à couvrir les besoins du groupe, il faut engager une réflexion sur la manière de consolider ses ressources propres. Entre 2008 et 2014, le groupe a perdu plus de 300 millions d'euros de recettes publicitaires ; cette baisse excède le simple effet mécanique de la suppression de la publicité après vingt heures, mais ne relève pas non plus d'un simple effet de marché puisque – mes auditions l'ont montré – la baisse des recettes publicitaires est plus importante sur France Télévisions que sur d'autres chaînes. Les comportements des annonceurs évoluent : il y a trois ans, ils investissaient à peu près autant dans les créneaux avant vingt heures qu'après ; aujourd'hui, l'avant vingt heures totalise 40 % des investissements, et l'après vingt heures, 55 %. En outre, les dépenses publicitaires tendent à se concentrer sur une régie plutôt que sur plusieurs, privilégiant les régies les plus puissantes en termes d'audience. Il y a trois ans, 32 % des annonceurs ne s'adressaient qu'à une régie ; aujourd'hui, c'est le cas de 44 % d'entre eux. Cette évolution nous amène à nous interroger sur le risque de déclassement, voire de démonétisation de la régie publicitaire de France Télévisions.

Monsieur le président, à combien estimez-vous le chiffre d'affaires supplémentaire en cas de réintroduction de la publicité entre vingt et vingt et une heures sur France 2 et France 3 ? L'ouverture d'écrans publicitaires lors de la transmission d'événements sportifs amènerait-elle de nouvelles ressources et permettrait-elle de pérenniser la présence du sport sur les chaînes de télévision publique ? Quelles seraient les conséquences de telles évolutions sur le marché publicitaire global de l'audiovisuel ? Vous avez annoncé il y a quelques semaines votre souhait d'ouvrir des écrans publicitaires lors des décrochages régionaux de France 3 après vingt heures ; si la loi vous y autorise, ne craignez-vous pas que cette décision déstabilise le marché publicitaire régional et fragilise la presse quotidienne régionale (PQR) dont la survie dépend de ces recettes ?

Vous l'avez dit, les ressources propres et les ressources publiques permettent à France Télévisions d'apporter un soutien fort à la création française : en 2013, malgré la baisse de son budget, le groupe y a consacré 413 millions d'euros. Or si France Télévisions est le premier bénéficiaire de la CAP – dont le groupe reçoit 70 % –, les autres opérateurs de l'audiovisuel public – Arte, Radio France, France Médias Monde, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) ou TV5 Monde – sont moins capables de trouver des ressources propres. Chaque euro généré par France Télévisions représente donc une fraction d'euro de CAP pour les autres opérateurs.

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