Intervention de Colette Capdevielle

Séance en hémicycle du 2 décembre 2014 à 15h00
Délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

Ce point fait l’unanimité. Mais nous devons le faire à l’issue d’un processus législatif global, responsable et complet. Ce texte, mal ficelé dès le départ et mal reficelé à l’arrivée, ne répond que mal ou très mal aux enjeux contemporains du droit de la prescription. De fait, il fait courir deux risques majeurs aux victimes.

Le premier consiste à leur faire croire que cette loi réglera leur drame et réparera toutes les injustices enfouies. J’entends ce besoin de justice, de reconnaissance et de réparation des victimes, mais aussi des associations qui les accompagnent si bien. Ce désir de justice est d’autant plus inextinguible que la prise de conscience du martyre a pris du temps. Mais bien peu d’entre nous osent évoquer les suites concrètes de cette proposition de loi, en l’absence de toute étude d’impact rigoureuse. Ni les déclarations les plus sincères et crédibles, ni la douleur des victimes, ni les multiples certificats médicaux détaillés ne feront condamner un suspect présumé innocent qui nie farouchement les faits. Plus de quarante ans après, quelles preuves peuvent être apportées ? Des bribes de souvenirs, des réminiscences traumatiques ?

Si le procureur de la République classe l’affaire sans suite, c’est une injustice supplémentaire. Si le juge d’instruction prononce un non-lieu, c’est une insulte faite à la victime. Si la cour d’assises acquitte le bourreau, c’est l’anéantissement. Pourtant, les thérapeutes et les associations croyaient bien faire en poussant les victimes à porter plainte pour bénéficier de la catharsis du procès. Auront-ils l’occasion de gérer les conséquences dramatiques du rouleau compresseur judiciaire ? Avant de nous prononcer, mes chers collègues, intégrons cette dimension, moins médiatique, je le reconnais, et beaucoup moins flatteuse pour nos bonnes consciences.

Le second risque, qui n’est pas le moindre, concerne la puissance dévastatrice d’une annulation du texte après une question prioritaire de constitutionnalité. Ce risque existe non seulement pour la victime elle-même, mais aussi pour toutes les autres victimes, puisque toutes les procédures en cours ou à venir seraient annulées. Comment expliquerions-nous à toutes ces victimes que nous avons pu voter un texte qui protégeait seulement certaines d’entre elles et pas les autres, les fragilisant toutes du même coup ? Mes chers collègues de l’UDI, je vous conseille de déposer vous-mêmes un recours préventif, dans l’intérêt des victimes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion