Intervention de Barbara Pompili

Réunion du 10 décembre 2014 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Nous avons eu, à plusieurs reprises, des discussions sur la nécessité de revoir en profondeur les aides à la presse en sortant d'une approche par type de support, qui n'a plus lieu d'être. Force est de constater qu'il faudra encore faire preuve d'un peu de patience pour cette grande remise à plat…

Je salue néanmoins les avancées de cette proposition de loi, à commencer par le nouveau statut d'entreprise citoyenne de presse d'information. Il permettra aux pure players de se développer en leur assurant une certaine stabilité de financement ; s'il avait vu le jour plus tôt, la regrettable fermeture du Télescope, à Amiens, aurait sans doute été évitée. Ce statut est donc de nature à soutenir le pluralisme en matière d'information, élément capital pour le fonctionnement d'une démocratie. L'émergence de nouveaux éditeurs de presse est trop rare ; j'espère donc que cette mesure apportera un changement.

Je salue aussi la volonté de s'inspirer du modèle de l'économie sociale et solidaire, notamment pour la répartition des bénéfices – vous connaissez l'engagement des Écologistes pour le développement de ce secteur d'avenir. Cela dit, pourquoi réserver ce statut aux seules entreprises de presse en ligne ? Une ouverture à d'autres entreprises de presse est-elle envisagée ? La facilitation d'une reprise par les salariés pourrait intéresser la presse quotidienne régionale ou nationale, qui connaît des difficultés.

Mon groupe souhaite aussi soulever la question de l'élargissement à l'ensemble des entreprises de presse de la procédure d'information aux salariés en cas de difficultés économiques ; d'où un amendement en ce sens.

Par ailleurs, la définition de la presse d'information générale et politique (IPG) reste floue et appelle donc des précisions ; il faudrait que les ministères et les acteurs concernés se mettent d'accord. Pourquoi, au demeurant, réserver le statut visé à la seule presse IPG ?

Enfin, la ministre de la culture s'est exprimée sur les incitations fiscales. Nous espérons que le dispositif prévu, comme d'autres, ne sera pas capté par les grands groupes aux dépens des autres entreprises.

Concernant les dispositions relatives à l'AFP, la proposition de loi va dans le bon sens. Revoir la gouvernance de l'Agence est nécessaire ; cela doit être l'occasion de lui donner plus d'indépendance. Une telle évolution doit aussi être une opportunité pour la moderniser : je pense par exemple au numérique. Aujourd'hui, l'application iPad de l'Agence n'existe qu'en anglais. Afin de permettre à l'AFP de combler son retard numérique et audiovisuel, pourquoi, par exemple, les personnalités qualifiées qui seront appelées à siéger au conseil d'administration ne seraient-elles pas nommées sur proposition du Conseil national du numérique (CNN) et du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ?

De même, profitons de cette évolution pour rééquilibrer les rapports de force au sein du conseil d'administration (CA), en renforçant par exemple la présence des journalistes. Aujourd'hui le CA est majoritairement composé de représentants des éditeurs de presse papier, premiers clients de l'AFP. Nous défendrons donc des amendements sur la composition du CA, mais aussi du Conseil supérieur de l'AFP, pour les rendre paritaires, renforcer la présence des rédactions et des citoyens et faire nommer certains membres sur proposition du CSA et du CNN.

J'ai aussi des questions sur l'article 12. Sur la définition des missions d'intérêt général (MIG), le flou qui existe ne doit pas servir à détricoter l'Agence ; aussi aimerais-je avoir des garanties à ce propos. Les activités de l'AFP à l'étranger, par exemple à travers sa filiale allemande, ne feraient pas partie des MIG : en ce cas, le risque serait grand de voir les services en Espagne, au Portugal ou ailleurs exclus des MIG. C'est là un réel danger, car l'Agence doit être en mesure de donner une information objective et exhaustive aussi bien en France que dans le reste du monde, et il ne faudrait pas que ces nouvelles dispositions brident son développement à l'international.

Je souhaite aussi relayer les inquiétudes des personnels de l'Agence sur les risques liés à la création d'une filiale technique de moyens. Quelles en seraient les éventuelles conséquences pour le statut des personnels ? Le risque de perte de l'outil technique en cas de problèmes financiers a-t-il été bien mesuré ? Quelles garanties l'État, qui jusqu'à présent avait un rôle de garde-fou, pourra-t-il apporter ?

Enfin, s'agissant des messageries, le renforcement des principes de coopération et d'équilibre financier va dans le bon sens. Les difficultés financières du secteur, avec les conséquences sociales qu'elles engendrent, ne peuvent être occultées. C'est pourquoi il est utile de renforcer la mutualisation et la solidarité ; cela doit aussi contribuer à mieux responsabiliser l'ensemble des parties prenantes. Mais cette mutualisation ne doit évidemment pas se faire au détriment des citoyens ; j'espère donc qu'elle n'aura pas d'impact sur le coût de la presse.

C'est d'ailleurs pour cette raison que je vous proposerai d'ouvrir aussi l'Autorité de régulation de la distribution de la presse, l'ARDP, à un représentant d'une association de consommateurs représentative sur le plan national.

Sur le « dernier kilomètre », si nous accueillons favorablement l'idée d'expérimentations locales – et pourquoi pas « zéro carbone », – cela ne doit pas présager d'éventuelles velléités d'une sous-traitance qui nivellerait par le bas le service rendu.

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