Intervention de Michel Françaix

Réunion du 10 décembre 2014 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Françaix, rapporteur :

Certains des points qui viennent d'être abordés ne figurent pas dans la proposition de loi, comme le projet de filiale de l'AFP, dont je suis au demeurant un fervent partisan.

Le texte ne serait pas une révolution mais une évolution, a-t-on observé ; mais, sur l'AFP, il me paraît être une évolution révolutionnaire… Les sept ou huit tentatives de modifier les statuts ou la composition du CA se sont toutes soldées, faut-il le rappeler, par le départ du président-directeur général dans les deux ans qui ont suivi. Le fait d'aborder ce débat dans un climat apaisé est en soi une nouveauté. La presse régionale était, jusqu'à présent, majoritaire au sein du CA, en assurant ainsi une gestion de fait, si bien que la principale préoccupation, d'ailleurs bien légitime, était d'empêcher toute augmentation du montant de l'abonnement à l'AFP. Le débat, en somme, se résumait à un face-à-face entre le président-directeur général et les syndicats, sans que le CA puisse jouer son rôle dans la définition d'une vision d'avenir, qu'il s'agisse du service aux clients, des archives ou des nouveaux usages et contenus – par exemple la vidéo, pour laquelle beaucoup de retard a été pris, faute de moyens. Ce débat est pourtant nécessaire car l'AFP, sans concurrencer les organes de presse, doit s'adapter aux nouveaux marchés.

Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? À moitié plein, serai-je tenté de répondre, puisque la justice a donné tort à l'agence allemande qui avait attaqué l'AFP. En sauvant la quasi-totalité de ses missions d'intérêt général, on lui a sans doute donné les moyens de rester pour ainsi dire unique en son genre. Ainsi, en Angleterre, les agences se spécialisent dans le domaine boursier ; aux États-Unis, ne subsistent que des agences « coup de poing », qui mobilisent des effectifs pour des événements ponctuels. L'AFP est d'ailleurs la seule agence qui ne licencie pas et c'est bien parce que la rentabilité n'est pas son objectif prioritaire qu'elle doit être protégée. Faut-il cependant nourrir des inquiétudes à son sujet ? Ma proposition de loi me semble protectrice ; sans elle, l'AFP deviendrait sans doute, à court terme, une agence comme les autres.

J'observe par ailleurs qu'en cinq ans, le discours sur les aides à la presse a changé du tout au tout : on plaidait naguère pour des aides ciblées ; aujourd'hui c'est l'inverse. En somme, on a dit tout et son contraire – moi le premier. La situation du Monde diplomatique au regard des aides est en effet un scandale, monsieur Rogemont ; du reste, cette revue a publié un excellent article sur le sujet. Le Point est sans doute une très bonne revue ; mais que dire de son supplément de 210 pages, toutes de publicité, qui fait concurrence aux magazines de fond ? Peut-être devrons-nous avoir un débat pour définir ce que nous attendons de ces aides dans les années à venir.

Pour mémoire, madame Buffet, Presstalis distribue tout de même gratuitement Le Figaro – entre autres, bien sûr – dans tous les aéroports… Cela mériterait à tout le moins une réflexion.

Le numérique est bien naturellement la voie d'avenir, pour peu que l'on évite l'ébriété technologique. Les journaux américains ayant supprimé le support papier au profit du tout numérique sont tous morts dans les trois mois qui ont suivi cette décision... Bref, le numérique est l'avenir, à condition de trouver le juste dosage entre le payant et le gratuit.

On peut émettre le souhait ardent que Presstalis et les Messageries lyonnaises fusionnent, madame Buffet, mais l'on ne peut les obliger à le faire ; d'où la solution intermédiaire qui consiste à les faire travailler ensemble.

Le texte contient également des avancées sur les barèmes, monsieur Kert, et l'ARDP verra son rôle renforcé. D'aucuns soulignent qu'avec la régulation, les décisions pourront prendre six mois, mais elles prenaient six ans auparavant. Accélérons, soit, – puisque vous êtes les révolutionnaires et que je suis le réformiste –, mais en trouvant le bon rythme, ce qui n'est pas toujours facile.

Enfin, est-il utopique de faire le pari d'une troisième voie pour l'édition de la presse ? Je ne sais plus qui disait que, sans utopies, nous vivrions encore dans les cavernes… Nous pouvons, tous ensemble, concrétiser cette utopie. Ce sera au départ, selon moi, une voie étroite, mais non réservée au numérique, et un peu plus large que l'information politique et générale (IPG).

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