Intervention de Marie-George Buffet « la France fait face à un profond malaise social et démocratique La France dans son ensemble

Réunion du 17 mars 2015 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Marie-George Buffet « la France fait face à un profond malaise social et démocratique La France dans son ensemble, pas seulement quelques “quartiers en difficulté”, comme on les appelle trop rapidement :

» Ce sont les deux premières lignes du rapport du comité interministériel, qu'il était bon de rappeler, même si les quartiers populaires sont plus durement touchés par le chômage et la précarité.

On s'est longtemps attaqué au seul volet urbain : cadre de vie, habitat, transports. Bien entendu, il faut poursuivre ces efforts, mais il est nécessaire de s'attaquer au volet humain : éducation, culture, sport, santé. J'insisterai sur l'éducation, la formation et le travail.

Je commencerai par la question de l'orientation. La relégation commence lorsqu'on se retrouve dans un même lycée avec les jeunes d'un même quartier. Et, comme par hasard, il ne s'agit pas d'un lycée d'enseignement général… J'aimerais aussi vous entendre, monsieur le ministre, sur la question de l'information de la jeunesse et sur l'état du réseau d'information jeunesse, le Centre d'information et de documentation jeunesse (CIDJ).

Qu'en est-il du rapport entre l'éducation et, non pas la notion d'emploi, mais plutôt l'idée qu'on se forme pour exercer un travail, ce qui n'est pas tout à fait la même chose ? Il faut revaloriser la notion de travail dans le parcours citoyen.

Dans le volet humain, il y a aussi la citoyenneté, et la citoyenneté demande le débat. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, les jeunes qui disaient : « je ne suis pas Charlie ». J'ai eu l'occasion de débattre avec nombre d'entre eux dans des lycées de ma circonscription. Il faut cheminer avec eux, sans concession, mais en écoutant ce qu'ils disent – car tout ce qu'ils disent n'est pas faux –, pour aller ensuite vers les valeurs de notre République.

Cheminer avec eux, c'est aussi créer des espaces permanents de débat. Où en sont réellement les conseils de jeunes au niveau des municipalités ? Quel est leur contenu ? Il faut aller encore plus loin. Comment les partis politiques doivent-ils faire pour donner à ces jeunes leur place dans les assemblées élues ? Je regardais les statistiques sur les candidates et les candidats aux prochaines élections. Le rajeunissement n'est pas encore tout à fait à l'ordre du jour…

J'en viens aux questions liées au sport.

Le sport ne peut pas être un palliatif. Il ne peut pas être, comme dans certains États, l'image que l'on veut donner d'une certaine jeunesse. Il faut que nous travaillions à ce que le sport soit ce qu'il est à l'origine, c'est-à-dire le dépassement de soi, le bien-être physique, le respect des règles, la compétition, la rencontre, l'échange. Cela passe, bien sûr, par l'éducation physique et sportive dans le cursus scolaire et universitaire et, bien sûr, par les clubs.

Je me félicite que figure dans le document que vous nous avez remis une réorientation des objectifs du Centre national pour le développement du sport (CNDS), visant à soutenir l'offre d'équipements sportifs de proximité, si toutefois nous sommes d'accord sur ce que l'on entend par équipements de proximité. Il faut arrêter avec la construction de terrains de proximité non encadrés. La pratique du sport doit être encadrée si l'on veut faire passer les valeurs du sport. Or trop souvent, les terrains de proximité ne sont pas des lieux d'échange.

J'insiste sur le fait qu'il ne faut pas chercher des dispositifs en dehors du mouvement sportif. Il faut travailler avec le mouvement sportif pour qu'il soit en capacité de s'adresser à l'ensemble des jeunes. J'en profite pour dire qu'il faut alerter certaines fédérations sur ce qui se passe dans leurs clubs, qui peuvent parfois connaître des dérives.

En matière de sport, la notion de proximité est parfois faussée. Je citerai l'exemple d'un terrain « de proximité » dans une cité, situé au plus à 400 mètres, et les jeunes de l'autre cité qui voulaient eux aussi leur terrain de proximité. On finit par enfermer les jeunes dans des mini-quartiers, alors que le club local doit être le lieu de l'échange entre les jeunes, quel que soit le quartier où ils habitent. Faute de quoi, des communautés de quartiers vont se créer et s'affronter au niveau de la pratique sportive.

Je comprends la nécessité de mettre en oeuvre des plans de rattrapage dans les quartiers les plus touchés par la crise et par la précarité. Mais en multipliant les dispositifs spécifiques, on a l'impression que les jeunes relèvent de cette spécificité, alors qu'en fait, ils relèvent du droit commun. Ils ont droit à l'éducation, à la pratique sportive, à l'accès à la culture. Ils ne sont pas simplement les bénéficiaires de mesures spécifiques. Si l'on parle de plan de rattrapage, c'est pour atteindre le même niveau de droits dont bénéficie l'ensemble de la population. Cela relève de la terminologie, mais la terminologie peut avoir parfois beaucoup d'importance.

En ce qui concerne l'aide à la parentalité, quels outils peut-on se donner ? Il existe des associations qui traitent de ce sujet, mais il faudrait engager une réflexion pour que les parents soient mieux en mesure de jouer leur rôle.

Enfin, pour reprendre les propos du Président Patrick Bloche, il conviendrait de créer un label pour les réserves citoyennes. J'en parlais hier avec un directeur académique qui me disait que des propositions arrivaient dans les rectorats. S'agissant d'adultes qui vont être en contact avec des jeunes, la labellisation me semble nécessaire.

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