Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 17 mars 2015 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports :

Je ne peux pas répondre aujourd'hui à Isabelle Attard sur le financement de cette structure à Bayeux, mais je lui fournirai une réponse précise lorsque je disposerai des éléments nécessaires.

Le service civique est un dispositif qui marche. À ce jour, 80 000 jeunes sont « passés » dans le service civique, ce qui représente 76 millions d'heures d'engagement. La montée en charge prévue était moins importante que celle annoncée par le Président de la République. Il y a donc là une détermination très forte de l'exécutif. J'en suis très heureux.

Sur le plan financier, j'ai envie de dire que « l'infanterie suivra ». Je peux dès maintenant annoncer aux parlementaires ici présents que la montée en charge pourra atteindre 70 000 services civiques, au lieu des 45 000 prévus dans la loi de finances 2015, grâce à l'attribution de 80 millions d'euros, liée à des dégels de crédits en faveur du service civique. L'objectif de 150 000 est prévu pour la fin de l'année 2016. Cela étant, à partir du 1er juin, il y aura une réponse pour tous les jeunes, qui vont intégrer une file de traitement des dossiers.

Quid des missions ? Aujourd'hui, 84 % des missions sont supportées par le secteur associatif, qui arrive à saturation. La mobilisation générale doit être portée, notamment, par le secteur public, de manière à équilibrer l'offre des missions, et donc, l'encadrement et la formation qui vont avec.

J'ai pris mon bâton de pèlerin et fait le tour de mes collègues ministres, en commençant par Ségolène Royal, avec qui j'ai conventionné 15 000 services civiques dans le secteur du développement durable. J'ai pris la même initiative avec Marisol Touraine, avec qui nous travaillons sur les services civiques en secteur hospitalier. Il y a aussi des possibilités de service civique dans le secteur culturel, s'agissant notamment de tout ce qui touche aux médiathèques et aux musées.

Je tiens à vous dire que l'accueil est très bon. La mobilisation n'existait pas précédemment parce qu'il n'y avait pas les crédits nécessaires. Les crédits étant disponibles, la mobilisation positive s'enclenche. Je n'ai pas d'inquiétude concernant les crédits obtenus, qui nous permettront d'aboutir à 150 000 services civiques d'ici la fin 2016.

Je tiens à souligner le caractère international du service civique, qui doit se développer notamment en direction des jeunes des quartiers, lesquels sont aujourd'hui les plus pénalisés par l'absence de perspectives internationales. Je dis souvent que, quand on vit dans ces quartiers prioritaires, on peut avoir le sentiment d'être reclus sans être derrière des barreaux. Cet objectif de découverte du monde doit être priorisé en direction de ces jeunes, dans le cadre du développement du service civique.

S'agissant du caractère obligatoire, la réponse est claire : le service civique est universel, mais pas obligatoire. L'obligation, c'est la nation qui l'a vis-à-vis de ces jeunes. En l'occurrence, pouvoir répondre à toute demande d'ici un an et demi constitue un objectif vertueux. Il n'y a pas d'obligation en matière de service civique, même s'il est vrai que la question a été posée, y compris dans les propos tenus en novembre dernier par le Président de la République. Il pouvait y avoir un doute, mais les arbitrages ont été rendus en faveur d'un dispositif utile pour les jeunes, qui montre leur volonté de s'engager pour la collectivité.

Il est vrai que le suivi des cohortes – consistant à savoir ce que devient un jeune après le service civique – est une préoccupation que nous voulons mettre en oeuvre avec l'Agence du service civique, qui sera d'ailleurs renforcée pour ce faire. Ces huit mois d'engagement méritent d'être évalués, pas ponctuellement, mais systématiquement, pour savoir ce que deviennent ces jeunes. Nombre d'entre eux trouvent un emploi parce qu'ils ont qualifié leur parcours. Je suis intimement convaincu que beaucoup de jeunes qui font leur service civique dans le secteur public se prépareront à passer des concours et à intégrer les collectivités locales ou les hôpitaux, qui vont faire l'objet d'une rupture en termes de retraites, car beaucoup de baby-boomers vont devenir des « papy-boomers ». Des postes vont donc se libérer. Autant les utiliser pour des services civiques qui auront déjà agi en direction de la population.

Je tiens à vous rassurer, mesdames et messieurs les députés, le service civique est une véritable priorité.

En ce qui concerne le parcours citoyen, qui prend plusieurs formes, nous pensons que la citoyenneté doit se vivre autant que s'apprendre, pendant et hors l'école, d'où la notion de parcours, avec le concours des parents, qui doivent être mobilisés. Autrement dit, il ne faut pas sacrifier les parents sur l'autel de l'intervention publique ou associative. J'en profite pour dire à Isabelle Attard que la solution pour le financement du secteur associatif, c'est le développement des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, qui doivent devenir la règle d'or dans notre relation avec le secteur associatif, plus que l'appel à projets qui, nous le savons, est parfois une course à l'échalote.

Quant à l'éducation populaire, des moyens nouveaux ont été dégagés dans le cadre du comité interministériel. Les 100 millions d'euros qui ont été rétablis ne sont pas là pour financer quelques pour cent de plus pour les associations qui agissent déjà dans les quartiers prioritaires. Ce que nous voulons, avec Myriam El Khomri et Thierry Braillard, dans le cadre de ce pôle ministériel, c'est fournir des réponses adaptées. Je serai très direct. Aujourd'hui, de grandes associations d'éducation populaire n'investissent plus les quartiers qui en ont le plus besoin. C'est un enjeu majeur. Il n'est pas question de conforter les comptes administratifs ou les comptes d'exploitation de telle ou telle association, mais de bâtir une nouvelle donne et d'utiliser cet argent, soit 50 millions en 2015, 100 millions en 2016, 100 millions en 2017, pour donner des réponses innovantes. Je pense, par exemple, à ce que j'ai appelé des chantiers de reconquête, comme l'égalité entre les femmes et les hommes, y compris dans le secteur sportif.

Il faut sans doute réinventer l'éducation populaire, qui mérite aujourd'hui d'être portée en tant que réponse citoyenne dans les quartiers. Les mots d'égalité, de liberté, de fraternité, de laïcité, que nous employons, n'ont parfois pas de sens pour les jeunes que nous côtoyons dans ces quartiers. Il faut les réinvestir, donner de nouvelles règles, passer par des adultes formés. C'est le fait d'une République ferme et généreuse, expression qu'utilise souvent Manuel Valls, une République ferme dans ses principes, et généreuse en ce qu'elle ne laissera pas de jeunes au bord du chemin. Mme Buffet l'a rappelé, je veux être aussi le ministre de ceux qui ne sont pas « Charlie ». Il y a des jeunes qui ne sont pas « Charlie », non pas parce qu'ils seront demain des djihadistes en puissance, mais parce qu'ils ne comprennent pas l'environnement qui est le leur, aujourd'hui, dans notre société. Il ne faut pas avoir peur de montrer notre détermination vis-à-vis de ces jeunes.

S'agissant du parcours citoyen, qui n'est pas encore figé aujourd'hui, la notion d'obligation s'appuiera sur les études qui sont engagées par l'Assemblée nationale et le Sénat, à la suite de la demande du Président de la République lors de sa conférence de presse du mois de février. L'objectif du dispositif est qu'un jeune, en dehors de la transmission des savoirs qu'il reçoit, puisse comprendre la société dans laquelle il vit.

Le stage de troisième fait un peu connaître le monde de l'entreprise. Nous voulons que le fonctionnement de la société française soit compris, dans toutes ses dimensions, par les jeunes, de la troisième à l'université : les institutions, la dimension économique, la dimension associative, la dimension de la sûreté, au travers de la sécurité portée par la police, la justice ou encore les sapeurs-pompiers. Ceci pour que le jeune puisse disposer d'une sorte de passeport citoyen tout au long de son parcours. Cela demande aujourd'hui encore un grand travail d'analyse et beaucoup de propositions, qui doivent aussi émaner des parlementaires, l'objectif étant de répondre à l'obligation de la nation envers ces jeunes, afin qu'ils puissent comprendre le monde qui est le leur, multiple et diversifié, et qui doit être respecté. Tel est le message que je voulais faire passer.

Quant à la réserve citoyenne, elle existe déjà dans le cadre de deux ministères : historiquement dans le cadre du ministère de la défense, et plus récemment dans le cadre du ministère de l'éducation nationale.

J'émettrai toutefois une « réserve » à la réserve. Je ne voudrais pas que la réserve citoyenne devienne, dans les faits, un élément de dévitalisation de la vie associative et de sa richesse. Il ne faudrait pas que l'on s'inscrive dans la réserve citoyenne au détriment du bénévolat dans le secteur associatif. Il faut que les deux secteurs s'enrichissent l'un l'autre, l'objectif étant, pour nous, ministère par ministère, peut-être dans une logique globale, de permettre à tout Français d'investir, par le biais d'une semaine mise à la disposition de la collectivité ou de quelques heures réparties ici ou là, cette notion d'engagement chère au Président de la République.

Cela demande encore beaucoup de travail et de finalisation. Les deux expériences, historique pour la défense, et plus récente, pour l'éducation nationale, vont nous y aider. C'est un principe généreux, qui demande à être finalisé, en lien avec le secteur associatif qui ne doit pas y voir une concurrence par rapport à la pratique historique qui existe dans notre pays depuis la loi de 1901.

Pour ce qui est des Jeux Olympiques, tout va bien. Nous étions tout à l'heure, avec M. Patrick Bloche, auprès du président Bartolone. Nous sommes mobilisés et la candidature avance à un bon rythme. Ce matin, au CNDS, nous avons acté la création de l'association de préfiguration du comité de candidature, avec un financement de 500 000 euros. Je veux vous rassurer, mesdames et messieurs les parlementaires, nous sommes sur la bonne voie. Cela étant, nous ne sommes pas les seuls. Rome, Boston et Hambourg seront nos principaux concurrents connus pour les JO d'été de 2024.

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