Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 1er avril 2015 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

À l'instar de mes collègues, je suis enchantée d'avoir aujourd'hui l'occasion d'échanger à propos du Festival de Cannes. Je tiens, moi aussi, à rappeler qu'il a été fondé à l'initiative du ministre Jean Zay. Nombreux sont ceux qui, comme moi et comme ma collègue Valérie Corre, députée du Loiret, sont conscients de l'importance de cet homme, et pas seulement pour le Festival de Cannes. En trois ans, entre 1936 et 1939, le Front populaire a été capable de faire de nombreuses et de grandes choses. Cette action menée en un temps record prouve que le temps de la politique n'est pas nécessairement un temps long ! Certains ont surnommé Jean Zay « le ministre de l'intelligence », notion que nous devrions tous avoir en tête. Il avait compris que la culture et l'instruction passaient aussi par les loisirs : c'est notamment grâce aux congés payés créés par le Front populaire que les Français ont pu aller au cinéma. Sans loisirs et sans temps libre, il n'y aurait pas d'industrie du cinéma ; en tout cas, elle ne serait pas aussi bien portante qu'elle l'est aujourd'hui.

De très nombreux Français s'intéressent au Festival de Cannes. Néanmoins, celui-ci reste avant tout un événement professionnel, avec son marché du film, ainsi que vous l'avez rappelé. Il est d'autant plus intéressant pour nous de vous revoir, monsieur Lescure, que vous êtes l'auteur du rapport sur l'acte II de l'exception culturelle, qui nous avait tous beaucoup occupés en 2013. Dans deux mois, nous célébrerons donc non seulement les soixante-huit ans du Festival de Cannes, mais aussi les deux ans de votre rapport.

Cependant, en deux ans, malgré vos recommandations, le cadre législatif relatif au cinéma n'a que peu évolué. Vous aviez suggéré d'assouplir la chronologie des médias, notamment en avançant la fenêtre de la vidéo à la demande. Que pensez-vous de l'absence de réforme à ce sujet ? Pour rendre l'offre légale payante plus abordable, vous aviez proposé de diminuer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les biens culturels numériques, en étendant à ces derniers le taux réduit appliqué aux produits culturels classiques. Or la France vient d'être condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne pour avoir instauré un taux réduit de TVA sur les livres numériques. Que pensez-vous de l'idée de limiter l'application de la TVA à taux réduit aux films proposés dans un format sans mesures techniques de protection, dites DRM – digital rights management ? De la même manière que pour les livres numériques, cela permettrait de distinguer les vrais films achetés des films verrouillés par un tel système de protection, qui ne sont que des services numériques limités. Vous aviez d'ailleurs vous-même préconisé, dans votre rapport, de mieux encadrer le recours aux DRM, qui bloquent la reproduction des oeuvres.

Vos recommandations en faveur du développement du numérique sont largement reprises dans le rapport récemment remis par l'eurodéputée Julia Reda. Je signale à votre attention, monsieur le président, que celle-ci sera auditionnée demain par la commission de la Culture du Sénat. Il existe de nombreuses propositions convergentes entre le rapport Reda et le vôtre, monsieur Lescure : renforcer la protection du domaine public et favoriser la réutilisation des oeuvres qui en relèvent ; sécuriser juridiquement les pratiques créatives liées au numérique, notamment le mashup – cher à la ministre de la culture Fleur Pellerin –, en proposant un système d'exceptions plus souple ; harmoniser les exceptions au droit d'auteur entre les États membres ; soumettre l'usage des mesures techniques de protection à une obligation de transparence et d'interopérabilité. Nous aimerions donc connaître l'avis du président du Festival de Cannes sur les évolutions réglementaires proposées par le rapport Reda.

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