Intervention de Brigitte Bourguignon

Réunion du 27 mai 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Bourguignon, rapporteure :

La proposition de loi que nous examinons est d'une importance capitale pour les sportifs de haut niveau, qui consacrent une grande part de leur existence à la performance sportive et qui font, grâce à elle, rayonner la France. L'objet de l'article 1er de la proposition, que d'aucuns pourraient juger trivial, est précisément de reconnaître ces sportifs à leur juste valeur. Au-delà, la proposition de loi vise à améliorer leur situation professionnelle et sociale, parfois difficile. En effet, comme certains l'ont souligné au cours des auditions que j'ai menées, être un sportif de haut niveau constitue un métier à temps plein qui laisse peu de place à la poursuite du double projet, sportif et professionnel. Mais, paradoxalement, ce métier ne permet pas de vivre convenablement, si bien que nombre de sportifs de haut niveau se trouvent dans une situation sociale plus que précaire. C'est ce à quoi le texte entend remédier, en donnant suite aux préconisations de M. Jean-Pierre Karaquillo, que nous avons d'ailleurs reçu récemment au sein de notre commission.

Tout d'abord, la proposition modernise les conventions d'insertion professionnelle et les adapte aux besoins des sportifs. Peu d'entre eux ont le loisir de travailler, ne serait-ce que quelques heures par semaine, au sein d'une entreprise. Pour ceux-là, un contrat d'image ou de parrainage peut être nettement plus adapté : il leur procure des revenus tout en leur permettant de se consacrer pleinement à leur discipline. L'article 4 de la proposition rend ces contrats possibles dans le cadre de conventions d'insertion professionnelle, tout en assurant au sportif un projet de formation ou d'insertion professionnelle.

Le texte confie également de nouvelles responsabilités aux fédérations en matière de formation, d'accompagnement et de suivi socioprofessionnel. Les obligations des fédérations et les droits des sportifs seront ainsi précisés. Mais les sportifs ont également des devoirs, dont celui d'être avant tout des citoyens ; aussi recevront-ils obligatoirement une formation civique et citoyenne, dont le contenu sera précisé par décret. Contrairement à un décret précédent qui n'a jamais été pris, celui-ci est déjà en préparation.

La proposition de loi tend également à améliorer la situation sociale des sportifs de haut niveau qui, n'étant pour la plupart ni salariés ni travailleurs indépendants, ne bénéficient pas d'une assurance sociale contre les accidents et les maladies qui peuvent survenir du fait de leur pratique sportive. Or, de nombreux exemples le montrent, de tels accidents peuvent avoir des conséquences dramatiques sur leurs carrières et leurs capacités d'insertion professionnelle ultérieures. Ainsi, alors que ces sportifs donnent beaucoup à la France, les bénéfices de la solidarité nationale leur sont aujourd'hui déniés. C'est pourquoi l'article 7 vise à leur permettre d'accéder aux prestations servies par la sécurité sociale en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

Cet article soulève des questionnements légitimes au regard de l'article 40 de la Constitution. Il en est de même d'un amendement relatif à l'assurance maternité des sportives que j'aurais souhaité déposer. Pour cette raison, je vous proposerai un dispositif visant à mieux protéger les sportives de haut niveau, sans pour autant aggraver une charge publique. Il appartiendra donc au Gouvernement de faire sienne cette mesure afin de la rendre recevable.

Dans sa seconde partie, le texte tend à répondre aux préoccupations d'ordre juridique des sportifs et des entraîneurs professionnels. Ceux-ci se trouvent en effet dans une situation professionnelle problématique depuis deux décisions rendues par la Cour de cassation en 2014. Le recours au contrat à durée déterminée (CDD) d'usage, qui était jusqu'à présent la norme, ne saurait perdurer de façon généralisée. Pour autant, un retour au contrat à durée indéterminée (CDI) n'est souhaité ni par les représentants des clubs sportifs, ni par les syndicats de joueurs et d'entraîneurs. En effet, si le CDI doit constituer la forme normale des relations contractuelles dans le monde du travail « classique », car c'est celui qui protège le mieux les salariés, l'inverse est vrai dans le monde sportif. Dans un environnement régi par les saisons sportives, la formation d'équipes et les résultats des compétitions, c'est bien le contrat à durée déterminée qui protège le mieux la stabilité de l'emploi et l'équité des compétitions.

Aussi l'article 9 crée-t-il pour les sportifs et les entraîneurs professionnels un nouveau CDD qui présente toutes les caractéristiques nécessaires à la stabilité du lien contractuel. D'une durée minimale de douze mois, il protège les sportifs en leur évitant de jouer neuf mois par an et de se trouver au chômage les mois restants ; d'une durée maximale de cinq saisons sportives, il donne au sportif une liberté suffisante pour lui permettre de quitter son club à l'issue de son contrat. Ni l'employeur, ni le sportif ne peut rompre unilatéralement le contrat avant son terme, sauf en cas de faute grave de l'un ou de l'autre, d'inaptitude médicalement constatée du joueur, ou de force majeure. C'est donc un contrat réellement protecteur des droits des sportifs et des entraîneurs.

En outre, la seconde partie du texte améliore l'insertion professionnelle de ces sportifs en leur ouvrant le bénéfice des périodes de professionnalisation auxquelles ils ne peuvent prétendre aujourd'hui. L'article 10 fait également peser sur les clubs employeurs la responsabilité de leur suivi socioprofessionnel.

La proposition répond aussi aux problèmes soulevés par le statut de travailleurs indépendants revendiqué pour certains sports individuels tels que le tennis ou le golf, dans lesquels les sportifs travaillent pour leur propre compte et décident des tournois auxquels ils participent. Le droit du travail n'est pas adapté à leur situation, si bien que le risque d'une requalification du statut de travailleur indépendant en contrat de travail pèse sur les joueurs et les organisateurs de tournois. Je formulerai à ce sujet une proposition qui va plus loin que l'actuel article 13.

Enfin, l'article 14 reconnaît dans la loi le rôle du Comité paralympique et sportif français.

Je vous invite à voter une proposition de loi très attendue par le monde sportif et dont la teneur appelle le consensus.

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