Intervention de Colette Capdevielle

Réunion du 3 juin 2015 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

Le groupe Socialiste, républicain et citoyen partage l'objectif de cette proposition de loi qui a fait l'objet d'un consensus au Sénat : mieux protéger les enfants en permettant l'intervention la plus précoce et la plus efficace possible. Les chiffres du rapport sénatorial que vous avez cités, monsieur le rapporteur, donnent le vertige : dans notre pays riche et développé, un enfant sur dix serait victime de maltraitance. Toutes les enquêtes démontrent que celle-ci est protéiforme et touche toutes les catégories sociales sans exception. Il faut donc la détecter le plus tôt possible, notamment lorsque les victimes ne parlent pas – les formes les plus sournoises de la maltraitance étant celles qui ont les conséquences les plus dramatiques sur l'avenir des enfants et la construction de leur personnalité d'adultes. Les professionnels de santé sont les premiers à pouvoir les détecter et les signaler. Or force est de constater que trop peu de médecins et de membres des professions médicales le font : 5 % seulement des signalements sont effectués par des médecins – 4 % par des médecins hospitaliers et 1 % par leurs homologues libéraux. On peut débattre des causes de cette réalité, mais nous partageons le constat de l'insuffisance du dispositif aujourd'hui en place et la conviction qu'il s'agit d'un véritable problème.

De nombreux textes encadrent cette question, mais se révèlent incomplets. Notre groupe croit aux vertus du travail pluridisciplinaire pour rassurer le médecin libéral – trop isolé et mal formé. Entre dénoncer – en prenant le risque de se tromper et peut-être d'être poursuivi – et choisir de se taire, le texte propose une voie médiane qui consiste à partager une préoccupation avec d'autres professionnels qui évalueront collectivement la situation et les risques qu'elle présente.

La loi de 2007 donne déjà un cadre légal au partage d'informations entre professionnels ; mais les membres des professions médicales, peu et mal formés, méconnaissent les procédures existantes. Le but étant de ne pas décourager les initiatives, l'apport essentiel de ce texte est d'affirmer clairement dans le code pénal le principe d'irresponsabilité pénale, civile et disciplinaire des professionnels de santé qui effectuent un signalement, sauf si l'on prouve leur mauvaise foi – un véritable renversement de la charge de la preuve. L'objectif est clair : inciter les médecins et les professionnels de santé à plus et mieux signaler sans leur faire prendre le moindre risque. Cette immunité générale sera élargie à l'ensemble des membres des professions médicales et aux auxiliaires médicaux, qui pourront choisir entre deux voies : pour les cas les plus graves, la saisine directe du procureur de la République, et pour tous les autres dossiers, celle de la CRIP. La voie pénale n'est donc désormais plus la seule.

L'idée d'introduire dans le texte une obligation de signalement, initialement prévue, a été abandonnée. Difficile à mettre en oeuvre – d'autant que le texte ne prévoyait aucune sanction –, elle risquait d'avoir un effet contreproductif.

Enfin, il aurait été logique d'insérer ces dispositions, par voie d'amendement, dans la proposition de loi relative à la protection de l'enfant, récemment débattue ; cela nous aurait fait gagner du temps. Malgré cette remarque, le groupe Socialiste, républicain et citoyen votera ce texte.

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