Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 12 juin 2015 à 9h30
Renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Nous ne sommes pas dupes. Une éradication pure et simple de la prostitution est aujourd’hui inenvisageable, mais nous devons tout mettre en oeuvre pour réduire celle-ci au maximum. Nous pouvons faire en sorte de rendre notre territoire inhospitalier aux réseaux de proxénétisme et à la traite des êtres humains.

Telle est d’ailleurs la voie choisie par la France depuis plus de cinquante ans. En ratifiant la convention de l’Organisation des Nations unies de 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, dont le préambule affirme que « la prostitution et […] la traite des êtres humains en vue de la prostitution sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine », la France a clairement affirmé sa position de combattre la prostitution avec pour objectif de la faire disparaître. En faisant officiellement ce choix, la France a refusé d’accepter la prostitution comme un phénomène inhérent à toute vie sociale. Elle a refusé de l’assimiler à un métier et de le réglementer en tant que tel. D’ailleurs, la réglementation a été un énorme échec dans les pays qui ont fait ce choix, comme l’Allemagne ou l’Espagne. Les eros center n’ont fait que développer la prostitution. Quant à l’expérience espagnole, elle est encore plus catastrophique.

Les parlementaires ont de nouveau rappelé cette position lors de l’adoption de la résolution de l’Assemblée nationale du 6 décembre 2011. Cette proposition de loi se situe dans la droite ligne défendue de manière constante par notre pays. Certes, la tâche n’est pas aisée. Aujourd’hui plurielle, la prostitution, aux contours mal définis, recouvre différentes réalités et est de ce fait d’autant plus difficile à appréhender et à combattre. On parle aussi d’une prostitution invisible qui dissimule, sans réellement y parvenir, par le biais d’internet, la dure réalité prostitutionnelle. Nous devons adapter notre législation à ces évolutions et mettre en oeuvre les moyens nécessaires au renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel et à l’amélioration de l’accompagnement des personnes prostituées pour les aider à se réinsérer socialement, ce qui suppose notamment des papiers en règle, un logement et un travail.

Le principal apport de cette loi, c’est la pénalisation du client. Pour la première fois, la loi parle du client, elle le désigne clairement comme l’un des éléments du système prostitutionnel. Elle nous rappelle que, sans client, il n’y aurait pas de prostitués.

Inscrire dans le droit le fait qu’avoir des relations sexuelles tarifées est puni d’une contravention, et constitue même, en cas de récidive, un délit, – j’avais même défendu la thèse que ces faits pouvaient être assimilés à un viol – est une façon de responsabiliser le client. Pénaliser le recours à la prostitution, c’est adresser au client un message clair, lui rappeler qu’il contribue à entretenir et à développer le système prostitutionnel. C’est le dissuader de pérenniser les situations de violence que son comportement créé et entretient.

J’aurais, pour ma part, préféré que nous allions plus loin : jusqu’à considérer la primo-infraction comme un délit, voire un crime, en estimant qu’une relation sexuelle tarifée est assimilable à un viol. Cela semblait plus respectueux de l’échelle des peines. Pour autant, à ce stade de nos débats, notre assemblée s’est accordée sur ces dispositions en punissant le recours à la prostitution d’une peine d’amende prévue pour les contraventions. Au-delà, elle a également prévu que le recours à une personne mineure ou particulièrement vulnérable serait constitutif d’un délit. Le temps nous permettra, peut-être, de faire évoluer cet aspect de la loi dans le sens d’un durcissement de la peine.

Par ses dispositions, ce texte inverse totalement l’approche de la lutte contre le système prostitutionnel. En supprimant le délit de racolage au profit de l’instauration d’un parcours de sortie de la prostitution, il fait de la prostituée, autrefois désignée comme une délinquante, une victime.

Mes chers collègues, beaucoup de femmes, mais surtout d’hommes, devraient méditer le célèbre épisode du Nouveau Testament au cours duquel le Christ sauve une prostituée de la lapidation, et embarrasse les hommes qui s’apprêtaient à la lapider en leur disant : « que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. » Les Écritures précisent qu’ils s’éloignèrent l’un après l’autre, les plus anciens étant les premiers à s’éclipser. Le Christ s’adresse ensuite à la prostituée et lui dit : « Va, et ne pèche plus. » Il me semble donc que l’inspiration de cette proposition de loi est tout à fait chrétienne.

Bien évidemment, le combat contre la prostitution ne se limite pas au seul volet pénal. Il passe également par des mesures de sensibilisation et d’éducation, notamment par une information dispensée dans les collèges et les lycées, ainsi que le prévoit le texte, suivant une proposition que j’avais faite en première lecture, par voie d’amendement. Car à travers ce dispositif se pose la question de l’éducation surtout des garçons, mais aussi des filles, dans les familles et pas uniquement au sein des collèges et des lycées. Ce sont en effet les familles qui sont responsables de l’éducation des enfants.

Au-delà de ce que je considère comme des avancées, ce texte contient, néanmoins, quelques imperfections. En premier lieu, les outils de lutte contre la prostitution sur internet mériteraient d’être améliorés car nous n’avons aucune certitude – c’est vrai – quant à l’efficacité du dispositif proposé par le texte. Mais quelles solutions proposent ceux qui combattent le principe même de cette lutte sur internet ?

En second lieu, cette proposition de loi pourrait encore être améliorée en matière de régularisation des prostituées en situation irrégulière, pour éviter de favoriser une immigration clandestine. Il est vrai que plusieurs amendements ont amélioré le dispositif.

Enfin, j’avais souligné, en première lecture, la nécessité d’accroître les moyens destinés à aider la réinsertion professionnelle des prostituées, afin de les aider à sortir de leur situation.

Madame la secrétaire d’État, vous aviez indiqué, lors de l’examen du texte au Sénat, qu’il faudrait que « l’État assume son rôle en augmentant le fonds, prévu à la mesure 21 du plan d’action national contre la traite des êtres humains, qui vise à financer les parcours de retour à une vie normale ». Pouvez-vous nous assurer que ces moyens seront réellement mis en oeuvre, et qu’ils ne seront pas uniquement assurés par l’affectation d’un certain nombre de confiscations de biens de proxénètes ?

En dépit de ces quelques réserves, qui sont, à la limite, secondaires, je voterai cette proposition de loi qui refuse de voir la prostitution comme une fatalité et repose sur une approche humaniste et équilibrée.

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