Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du 8 juillet 2015 à 21h30
Réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, élection après élection, nous assistons à la progression inexorable de l’abstention, signe d’un désintérêt profond, voire d’un rejet de la politique. Si certains électeurs font le choix de ne pas voter, d’autres sont dans l’incapacité de le faire pour des raisons techniques, parce qu’ils sont mal informés, parce qu’ils n’ont pas connaissance des démarches administratives et sont, de ce fait, mal inscrits.

Ce phénomène, identifié dans le rapport d’information co-écrit par Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, n’est pas anodin : on comptait, en 2012, 3 millions de non-inscrits, chiffre en progression continue depuis 2007, autant d’abstentionnistes supplémentaires pour notre pays. Ce rapport soulignait notamment le décalage qui existe entre le calendrier de révision des listes électorales et le rythme démocratique. Depuis 1959, la majeure partie des élections se tiennent après le mois de mars, date à laquelle l’inscription déposée l’année précédente prend effet. Or, cette année, alors que les élections régionales auront lieu au mois de décembre, nous pouvons craindre une recrudescence des phénomènes de non-inscription.

Si des dérogations existent en cas d’acquisition de la nationalité ou de déménagement pour raison professionnelle, elles sont peu nombreuses et ne prennent pas en compte la mobilité croissante des électeurs. Un certain nombre de propositions ont été inscrites dans le rapport que je viens d’évoquer pour éviter ce type de situations, qui ne font que renforcer l’abstention. Il était notamment suggéré d’assouplir le calendrier électoral pour l’ensemble des élections à venir en rapprochant la clôture des délais d’inscription des dates des élections et en procédant à une révision préélectorale des listes. Il est d’ailleurs regrettable que la présente proposition de loi, au lieu de suivre cette préconisation, instaure une disposition spécifique pour la seule année 2015. Il était proposé dans le rapport d’accompagner les citoyens dans leurs obligations civiques, de suivre au mieux leur mobilité, et de répartir les demandes d’inscription sur l’ensemble de l’année en articulant l’inscription sur les listes électorales avec d’autres démarches administratives.

Les co-rapporteurs souhaitaient également réformer la procédure d’examen et de contrôle des inscriptions en rationalisant l’organisation territoriale des commissions administratives de révision des listes électorales, en renforçant le contrôle des préfectures sur ces commissions et en confiant à l’INSEE la gestion d’une liste électorale unifiée. Malheureusement, cette proposition de loi ne nous donne pas l’opportunité de débattre de ces propositions. Nous espérons pouvoir en discuter prochainement, car la participation électorale est un sujet primordial. En outre, nous sommes un peu surpris que cette proposition de loi n’ait pas été déposée à l’initiative des deux co-rapporteurs, ce qui eût permis de donner l’image d’un travail réalisé dans un esprit transpartisan.

En dépit de ces regrets évoqués lors des précédentes lectures par mes collègues Arnaud Richard et Michel Piron, nous sommes favorables à cette proposition de loi. Elle poursuit un objectif louable, celui de permettre au plus grand nombre d’exercer son droit de vote, en fixant au 30 septembre 2015 la date limite de dépôt des demandes d’inscription.

En remplaçant le dispositif initial par une disposition élargissant la faculté reconnue aux personnes qui ont déménagé en cours d’année de s’inscrire en dehors de la période de révision des listes électorales, le Sénat a adopté une version radicalement différente de cette proposition de loi. Le dispositif issu du Sénat imposerait cependant un délai trop court dans la procédure de révision des listes. Les commissions administratives de révision, l’INSEE et les communes ne disposeraient donc pas du temps nécessaire à des vérifications effectives. Les risques de doubles inscriptions seraient ainsi accrus.

En outre, cette disposition créerait une distinction injustifiée entre les électeurs selon le moment de dépôt de leur demande : un dépôt avant son entrée en vigueur ne permet aux électeurs que d’être inscrits au 1er mars 2016, alors que ceux qui l’auraient déposé après auraient la possibilité de voter en 2015.

Enfin, les personnes ayant oublié de s’inscrire ne rempliraient pas les conditions nécessaires pour s’inscrire sur les listes électorales et ne rentreraient pas dans le périmètre du dispositif.

Le texte du Sénat ne répondrait donc pas à l’objectif initial du texte et ne réglerait qu’une partie du problème.

Compte tenu du fléau grandissant qu’est l’abstention, nous ne pouvons pas nous opposer à la présente proposition de loi. Nous n’oublions pas pour autant que les aller-retour incessants entre la majorité et le Gouvernement au sujet des élections ont contribué à les rendre encore plus complexes aux yeux de nos électeurs. En outre, si cette proposition de loi permettra probablement à certains de se rendre aux urnes, notre problème majeur, la démobilisation de l’électorat, reste préoccupant. C’est un défi commun auquel nous devrons travailler ensemble, un problème que nous devons résoudre afin que nos concitoyens puissent s’exprimer en toute liberté lors des élections.

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