Intervention de Gwenegan Bui

Séance en hémicycle du 17 septembre 2015 à 9h30
Approbation de l'accord france russie sur les bâtiments de projection et de commandement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGwenegan Bui :

La recherche d’un accord à l’amiable démontre avec clarté le souci de préserver nos finances publiques. Le refus de livrer les Mistral entraîne certes un coût pour les finances publiques et les contribuables, comme toute résiliation de contrat, mais est maîtrisé. De longs débats en commission des affaires étrangères nous ont éclairés à ce sujet, même si certains y sont revenus et y reviendront encore par plaisir ou par masochisme, les uns prévoyant l’apocalypse financière, les autres une Berezina juridique, car les débats de notre Assemblée ne sont hélas ! pas toujours exempts d’excès.

Pourtant, la méthode de l’accord à l’amiable constitue un autre argument en faveur de la crédibilité de la France comme de l’accord et devrait réjouir les plus russophiles d’entre nous. Nous aurions pu tenter de gagner du temps en utilisant les outils internationaux d’arbitrage, ce qui aurait été long et aléatoire et surtout dangereux pour DCNS. Selon son P.-D.G. lui-même, passer devant les juridictions ad hoc constituait un risque financier colossal car le risque juridique aurait pesé pendant trois à quatre ans, telle une épée de Damoclès, sur les épaules de l’entreprise, lui interdisant tout investissement et lui enlevant toute crédibilité. Surtout, l’accord permet de rechercher au plus vite de nouveaux acquéreurs pour ces navires. Nous comptons à nouveau sur le talent du Gouvernement pour trouver des acquéreurs !

Les vraies puissances n’ont pas besoin d’arbitre pour régler leurs différends. La conclusion d’un accord équilibré est un signe important, lisible et compréhensible par tous. Il prouve l’importance de la France aux yeux de la Russie et témoigne d’une volonté partagée de ne pas ajouter la tension à la tension dans la relation franco-russe. Malgré ce refus de livraison et la guerre sur le sol ukrainien, chacun sait, ici comme à Moscou, que nous devons tout faire pour apaiser les tensions, retrouver les voies du dialogue et restaurer la confiance. Ni Moscou ni Paris n’avaient intérêt à prolonger le contentieux. C’est pourquoi chaque partie a voulu avancer rapidement avancer vers cet accord à l’amiable et qui ne lèse personne.

Financièrement, les Russes retrouvent leurs engagements. La France retrouve la propriété des deux navires et la capacité de les exporter. Les coûts supplémentaires de dédommagement sont raisonnables, tant les frais de formation que les frais de développement de matériels spécifiques par les Russes. Bref, chacun a voulu solder ce différent sans outrage ni rupture supplémentaire. Je suis particulièrement fier de la maturité stratégique de notre pays, que démontrent ces décisions lourdes prises dans le contexte que j’ai rappelé. Loin d’être un commentaire sur ce qu’aurait dû faire ou ne pas faire tel ou tel, la discussion d’aujourd’hui doit faire progresser la conscience collective, sur tous les bancs et dans tout le pays, qu’il existe un chemin pour éviter de répéter les erreurs du XXe siècle. Ce chemin est un chemin de crête. Nos alliés sont aussi des adversaires économiques et nos partenaires cachent mal leurs appétits territoriaux.

La fin de la Guerre froide avait amoindri la crainte des conséquences mondiales d’un conflit entre puissances. La situation du Moyen-Orient, qui a fait l’objet de trois jours de discussion au Parlement, rappelle que tous les pays, proches ou lointains, occidentaux ou non, doivent craindre les conséquences d’une aggravation. Nous aurons besoin les uns des autres, de nos influences respectives comme de notre capacité à agir dans d’autres parties du globe. Les périls sont nombreux et les ennemis parfois communs.

La gestion par la France de la crise des Mistral a montré sa capacité et sa détermination à oeuvrer efficacement au rapprochement des grandes puissances sur cette question. Ce débat en appelle donc d’autres et cet accord d’autres accords, je l’espère, mais ce chapitre de la relation franco-russe doit se refermer afin de restaurer au plus vite des relations normalisées et respectueuses entre les deux États et d’oeuvrer pour la paix sur le continent et la stabilité dans le reste du monde.

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