Intervention de Michèle Delaunay

Séance en hémicycle du 17 septembre 2015 à 15h00
Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Delaunay :

Le protocole qu’il nous est proposé de ratifier est un texte majeur. En plus du projet national, il doit s’inscrire dans un projet européen, visant à la sortie du tabac. Cet enjeu est de même importance que celui de la sortie du nucléaire. Or à ce jour, malgré les catastrophes effrayantes que nous avons connues dans ce domaine, le tabac a tué bien davantage que l’atome.

Les chiffres de l’étude publiée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies ces derniers jours confirment l’importance du drame pour notre pays : ils font état de 79 000 morts annuels, dont 50 000 dus au cancer, et de 680 000 malades d’infections cardiaques ou respiratoires, ce qui correspond à un coût pour notre pays de 120 milliards d’euros, dont 25 milliards pour le volet sanitaire. Ces chiffres nous imposent d’assumer notre objectif de préparer la sortie du tabac. Le commerce illicite est un fléau majeur, qui sert d’arme de dissuasion à ceux qui veulent contrer cet objectif et son outil de très loin le plus efficace, l’augmentation des prix.

Ce protocole est un texte complet et très structuré, dont l’outil principal est la mise en place d’une traçabilité des produits du tabac depuis le lieu de fabrication jusqu’au point de vente indépendamment de ceux qui en font le commerce – ce qui condamne le dispositif « Codentify » actuellement en vigueur. Je ne détaillerai pas les autres points du protocole, cela a déjà été fait de manière très précise.

Le texte répond à quatre types d’enjeux : des enjeux fiscaux, car le commerce illicite constitue un manque à gagner fiscal, estimé pour la France à 3 milliards d’euros, alors que l’on sait que les recettes de l’État – 14 milliards – sont très inférieures aux dépenses que ce même État supporte du fait du tabac ; des enjeux pour les buralistes, car le commerce illicite nuit à leur activité, alors même que nous devons les accompagner dans la préparation de la sortie du tabac ; des enjeux de santé publique, car ce commerce favorise la consommation en réduisant les effets des politiques fiscales et en banalisant et vulgarisant la démarche d’achat ; des enjeux de réglementation commerciale, laquelle nous impose de contrôler les activités des fabricants de tabac. Or ceux-ci ont été à plusieurs reprises impliqués directement ou indirectement dans l’organisation et la fourniture des trafics. Aujourd’hui encore, nous le savons, les cigarettiers sur-approvisionnent certaines régions. Andorre, par exemple, reçoit 873 tonnes de tabac pour 24 000 fumeurs, au lieu de 125 tonnes, soit six fois moins.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui met à notre disposition des outils stratégiques qui nous permettront d’agir, à condition de les utiliser et de veiller à ce que l’ensemble des dispositions prévues soient rigoureusement appliquées. Eu égard aux enjeux, il paraît urgent de prendre rapidement les mesures claires et précises nécessaires à la mise en place de ce dispositif stratégique.

Aujourd’hui, en Europe, la France rejoint l’Espagne et l’Autriche, qui ont déjà ratifié le texte. Quinze autres pays l’ont signé. Notre exigence aujourd’hui doit être d’accélérer la démarche des autres, et d’agir de toutes nos forces pour qu’une harmonisation fiscale européenne vienne compléter ce protocole de lutte contre le commerce illicite.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion