Intervention de Annie Genevard

Réunion du 16 septembre 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Il est toujours périlleux de retarder la production d'un événement, plusieurs fois annoncé et plusieurs fois reporté, car on crée une attente et on aiguise la vigilance. Comme au théâtre, les péripéties ont été nombreuses et l'attente prolongée à son maximum puisque cette loi arrive, in extremis, dans la dernière ligne droite du quinquennat.

Le texte est, pour reprendre les termes du très averti président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, « étrange », mélangeant création et patrimoine, qui à l'origine devaient faire l'objet de deux lois distinctes.

Étrange, car il mêle des dispositions très techniques et des déclarations de principe comme celle qui consacre la liberté de création. On a sur ce point le sentiment que vous surfez sur l'actualité dont vous avez sans doute pensé qu'elle servait opportunément votre propos, des attentats de janvier jusqu'aux dégradations scandaleuses de la sculpture de Kapoor – ces dernières relèvent davantage de l'antisémitisme le plus honteux et s'attaquent moins à la liberté de création qu'à la liberté de diffusion.

Étrange car il passe sous silence un certain nombre de sujets sur lesquels nous reviendrons sans doute en séance ou à la faveur de l'étude des amendements : rien sur les territoires, la diffusion, les pratiques amateurs, ou encore l'enseignement artistique…

Par ailleurs, ce texte modifie profondément les règles d'urbanisme en fondant deux dispositifs de protection – secteurs sauvegardés, zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine – en un seul – les cités historiques –, suscitant chez les élus locaux la crainte de voir affaibli le niveau de protection architecturale. En outre, vous redistribuez substantiellement les responsabilités entre l'État et les collectivités locales ainsi qu'entre les collectivités elles-mêmes. L'inquiétude s'exprime également face au rétrécissement du périmètre légal de protection. Il faut bien comprendre que mon propos ne traduit pas une défiance à l'égard des élus locaux qui seraient inaptes à protéger eux-mêmes leur patrimoine mais la crainte qu'ils ne soient exposés directement à des pressions dont ils étaient jusqu'alors protégés par les outils existants.

On sait ce que l'on perd : les secteurs sauvegardés avaient fait leurs preuves et su s'adapter aux évolutions urbaines. Les ZPPAUP et les AVAP avaient fini par rencontrer un vif succès ; leur abandon risque d'en briser l'élan.

Ces changements qui s'ajoutent à tant d'autres inquiètent les élus locaux déjà bien fragilisés par l'inflation normative, la baisse des dotations – qui n'est pas sans effet sur l'évolution des politiques et des pratiques culturelles en France –, et les réformes territoriales.

Il est curieux qu'une loi culturelle, la seule du quinquennat, mette l'accent aussi fortement sur une évolution normative dont la vertu de simplification administrative ne saute pas aux yeux, c'est le moins que l'on puisse dire.

Beaucoup vous l'ont dit, cette loi déçoit, à cause de son manque d'ambition et de son caractère fourre-tout. L'accueil est bien mitigé pour une loi qui est loin d'être le grand marqueur culturel de gauche du quinquennat que vous ambitionnez.

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