Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 16 septembre 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, président :

Merci à tous : vingt-cinq interventions, aussi constructives les unes que les autres ! Elles montrent l'importance non seulement du projet de loi mais aussi du débat parlementaire qui commence aujourd'hui. Elles montrent également, chers collègues, à quel point vous êtes attachés à ce que nous puissions faire oeuvre utile. Par vos interventions, vous avez montré non seulement votre mobilisation mais également votre détermination à faire mentir ceux qui considéraient d'ores et déjà que ce projet de loi était une occasion manquée, vous avez montré à quel point nos débats en commission, notre travail d'amendement et, a fortiori, nos travaux dans l'hémicycle à la fin de ce mois sont essentiels. D'ailleurs, pourquoi attendre la deuxième lecture, comme l'ont suggéré certains, alors que la première est à portée de main ?

Ma seconde observation sera paradoxale. Finalement, je me réjouis que nous n'examinions ce texte qu'aujourd'hui. Pourquoi donc ? Tout simplement parce que les conditions et le cadre dans lequel nous allons examiner ce projet de loi aujourd'hui, presque à l'automne de cette année 2015, sont de nature différente. Ces conditions sont bien plus favorables aux politiques culturelles qu'elles ne l'ont été ces dernières années.

Tout d'abord, d'un point de vue budgétaire, le Premier ministre a pris l'engagement de stabiliser les crédits consacrés à la création, à la démocratisation culturelle, à la transmission du savoir, à l'enseignement des pratiques culturelles et même de permettre qu'ils progressent dans le cadre du projet de loi de finances pour l'année 2016 et au cours des prochaines années. Le cadre budgétaire est donc plus favorable.

Deuxième élément, les grands débats de la loi MAPTAM et de la loi NOTRe sur la décentralisation ont permis d'écarter les inquiétudes qui s'étaient manifestées quant au risque que la culture ne soit plus une compétence partagée. Toutes les politiques culturelles de notre pays se sont effectivement construites sur le lien dynamique qui unit l'État et les collectivités territoriales, si bien que 70 % du financement de la culture est aujourd'hui assuré par les collectivités territoriales. Ces inquiétudes sont écartées et quelques progrès sont même accomplis, puisque les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) sont – cela a été rappelé – des acteurs du débat, de la concertation dans le domaine des politiques culturelles, des facteurs d'efficience.

Troisième élément, puisque la question sociale croise souvent la question culturelle, avec la loi sur l'emploi et le dialogue social promulguée au mois d'août dernier, nous avons enfin inscrit dans la loi, pour les sécuriser, les annexes VIII et X de la convention de l'assurance chômage, créant, vous le savez, un régime spécifique d'assurance chômage qui tienne compte des spécificités des emplois artistiques, notamment leur discontinuité et la multiplicité des employeurs.

Je suis donc finalement assez content que nous n'examinions que maintenant ce projet de loi que nous avons beaucoup attendu. Le cadre dans lequel s'inscrit l'examen de ce texte est effectivement beaucoup plus favorable.

Je souhaite formuler deux réflexions, l'une sur la création, l'autre sur le patrimoine.

Sur la création, je ne veux retenir que ce que plusieurs d'entre vous ont souligné avec force et conviction, parfois même émotion : notre attachement viscéral à la liberté de création et notre souci, en tant que législateur, de garantir enfin, pour la première fois, cette liberté de création en la consacrant dans la loi, au même titre que la liberté d'expression et la liberté de communication. Merci, chers collègues, pour cet attachement et cette mobilisation, merci pour votre détermination, à l'heure où – mon rapport y fait référence – se répètent des actes de vandalisme, attentatoires à la liberté de création, tout particulièrement, à l'égard d'oeuvres d'artistes plasticiens installées dans l'espace public.

En fait d'actes de vandalisme, nous ne nous habituerons à rien. Si nous traversons une période de régression, nous devons refuser qu'une forme d'habitude s'installe : ce serait une régression encore plus terrible. Gardons notre capacité collective et individuelle d'indignation contre toute atteinte à cette liberté de création. Bien sûr, la liberté de création ne va pas sans la liberté de programmation, sans la liberté de diffusion, mais diffusion et programmation sont des moyens d'assurer cette liberté de création. La consécration de cette dernière à l'article 1er est donc tout à fait déterminante.

En ce qui concerne le patrimoine, je répondrai plus à fond sur un certain nombre de questions que vous avez été amenés à évoquer, lors de l'examen des amendements, car elles y trouvent, je l'espère, une solution. Je ferai simplement l'observation suivante : le patrimoine sera d'autant mieux protégé que seront clarifiés les rôles respectifs de l'État et des collectivités territoriales. C'est ainsi qu'est assurée la protection du patrimoine dans notre pays depuis la grande loi de 1913. L'un ne va pas sans l'autre.

Bien sûr, il faut respecter l'autonomie des collectivités territoriales, garantie par la Constitution, notamment dans l'élaboration des plans d'urbanisme, mais, parallèlement, rappelons-nous qu'en ce domaine de la culture comme en d'autres l'État est garant de l'égalité sur tous les territoires. Nos concitoyennes et nos concitoyens ne doivent pas être victimes d'un traitement inégalitaire, ni en ce qui concerne la liberté de création ni en ce qui concerne la protection du patrimoine, selon qu'ils vivent ici ou là, selon que les élus qu'ils se sont choisis sont plus ou moins motivés à assurer la diffusion de la création artistique et la protection du patrimoine. Disant cela, je n'oublie pas à quel point il est difficile, dans certaines cités qui s'appelleront bientôt cités historiques, d'avoir des documents d'urbanisme protecteurs quand la commune concernée appartient à une intercommunalité. Et, si des inquiétudes se sont exprimées, soyons clairs : nous n'allons pas détricoter, avec ce projet de loi, ce qui a été tricoté dans d'autres lois. Il nous incombe d'agir avec intelligence pour assurer une protection du patrimoine sur tout le territoire tout en prenant en compte ce que sont aujourd'hui les intercommunalités.

Je ne saurais, chers collègues, être plus long. Nous reviendrons plus complètement sur nombre d'aspects que vous avez évoqués. Je vous remercie encore pour vos interventions, par lesquelles vous avez exprimé notre attachement collectif au grand service public de la culture et des arts.

Je me risquerai peut-être à une dernière observation. Vous le savez, deux projets de loi distincts étaient promis, l'un sur la création, l'autre sur la protection du patrimoine, et nous n'avons finalement qu'un texte. Je m'en réjouis parce que cela nous permet de lier les enjeux de la création et ceux du patrimoine. Ces derniers ne sauraient être réduits à l'entretien des vieilles pierres. Il existe une aspiration très forte, notamment des collectivités territoriales, qui se manifeste à travers des réaffectations ou des animations : l'aspiration à faire que le patrimoine, notre patrimoine soit aussi le lieu d'accueil de la création artistique contemporaine, notamment quand elle s'exprime en langue française – cette précision fera plaisir à l'un de vous, chers collègues.

Bref, un seul projet de loi, c'est, de mon point de vue, le meilleur moyen d'assurer, tout simplement, l'alliance des circassiens et des cisterciens.

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