Intervention de Valérie Fourneyron

Réunion du 17 juillet 2012 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative :

Je vous remercie tous car le nombre et la qualité des interventions montrent l'importance du ministère que j'ai l'honneur de diriger au sein de notre projet pour la nation.

Madame Bourguignon, la retraite des sportifs de haut niveau, qui avait été oubliée dans le budget 2012, sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2013. Pour ce qui concerne le sport santé, toutes les études accumulées ces dernières années soulignent combien la pratique de l'activité physique et sportive contribue à la prévention primaire, secondaire et tertiaire. Il va donc falloir passer à la phase opérationnelle en mettant en cohérence toutes les initiatives indépendantes qui se sont organisées sur le territoire. Ainsi les agences régionales de santé pourraient-elles inclure dans leur schéma de prévention la pratique de l'activité physique. À Strasbourg, l'ordre des médecins prescrit l'activité physique et sportive aux hypertendus et les mutuelles sont prêtes à prendre en charge la licence des patients souffrant d'une affection de longue durée. Des démarches peuvent être menées dans le cadre scolaire… Les acteurs, notamment le secteur mutualiste, nous demandent désormais de trouver un « modèle économique », des mesures concrètes d'économies et de prise en charge, et d'en évaluer l'impact sur les comptes sociaux. Pour ce faire, nous allons nous appuyer sur la démarche du Fonds d'expérimentation pour la jeunesse.

L'après-carrière des sportifs de haut niveau est la première question que j'ai posée quand nous avons fait le point sur la préparation des Jeux olympiques et paralympiques. Il faut dès à présent que l'INSEP et le mouvement sportif anticipent les questions que se posent les sportifs dont la carrière s'interrompra à l'issue des Jeux, en envisageant avec les intéressés un certain nombre d'hypothèses au-delà même du double projet car le service public du sport ne s'arrête pas à la remise de la dernière médaille.

Monsieur Darmanin, même si votre façon de présenter les chiffres pour valoriser les politiques que vous avez menées auprès de mon prédécesseur ne me surprend pas, j'aurais attendu un peu plus d'humilité de votre part ! Surtout qu'elles se résumaient souvent à des déclarations destinées à masquer le vide. Je suis prête à en faire la liste avec vous : le lycée de Font-Romeu à 20 millions d'euros promis quelques jours avant du premier tour des élections présidentielles, et je ne dis rien de l'arena d'Orléans ou du grand prix de Formule 1… En outre, vous avez su préparer votre élection puisque 20 % de l'enveloppe ministérielle a été consacrée à deux circonscriptions. La ville de Tourcoing a même été placée dans l'Eure-et-Loir pour ménager les apparences ! Il est temps de prendre du recul et de sortir de l'invective.

Il n'est pas certain que la majorité de l'UMP partage votre opposition au stade de la Fédération française de rugby. Je rappelle que le sport français a déjà versé 115 millions d'euros au Consortium Stade de France. Les négociations bilatérales sont une catastrophe pour l'État car le Consortium, d'un côté, et la fédération sportive concernée, de l'autre, finissent toujours par s'entendre sur son dos, le montant de la redevance le prouve. La situation actuelle n'est pas satisfaisante : le modèle économique de la Fédération française de rugby repose surtout sur le public et il est normal qu'elle cherche à le conforter par un équipement adapté. Pour l'instant, elle a choisi un site, mais n'a pas pris de décision définitive. De toute façon, le projet ne verrait pas le jour avant 2018 ou 2019. La convention avec la Fédération française de rugby se terminant en 2013, il faudra donc trouver une solution dans l'intervalle. La Fédération de football, qui a renégocié sa convention avec le Stade de France en 2010, n'est pas satisfaite non plus. Et la concession du stade a fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité et de procédures contentieuses. Pour ces raisons, nous avons souhaité tout mettre à plat avec les parties pour que les négociations ne se fassent pas au détriment de la politique du sport dans notre pays. La concession arrivera à échéance en 2025 et nous ne pouvons pas nous désintéresser des négociations avec la Fédération de rugby, indépendamment du calendrier de son grand stade éventuel.

Les crédits aux associations ont chuté de 30 % en 2012 et de 16 % depuis 2010, hors service civique. Mon objectif est donc que sa montée en puissance ne se fasse pas au détriment des associations. Sans elles, il n'y aurait plus de service civique puisqu'elles portent 85 % des contrats.

Ensuite, le rapport parlementaire sur la mise en oeuvre du service civique évoque un pilotage insuffisamment collectif, un besoin d'éclaircissement des missions confiées, l'insuffisance de mixité sociale et, parfois, du tutorat et de la formation. Les services déconcentrés ont du mal à se repérer dans les agréments qui sont délivrés au plan national. Dans la perspective de l'augmentation du nombre de jeunes impliqués, le dispositif du service civique devra être amélioré.

S'agissant des relations avec le secteur associatif, certaines collectivités ont tendance, pour se protéger, à multiplier les appels d'offres alors que la subvention reste possible. Une réflexion communautaire est en cours à propos du paquet Almunia-Barnier concernant les services d'intérêt économique général et nous devons dans ce cadre faire valoir le principe de la subvention, surtout pour tout ce qui concerne le secteur périscolaire et l'éducation populaire.

Vous avez également insisté, madame Pompili, pour que le dispositif des emplois d'avenir ne se limite pas aux personnes non qualifiées. Je partage votre préoccupation, surtout dans les quartiers en difficulté. En dépit de leurs qualifications, les jeunes qui en sont originaires n'ont que très difficilement accès à l'emploi et les priver d'un tel recours serait doublement pénalisant.

Monsieur Braillard, la première étape de la préparation de l'Euro 2016 – le choix des sites et le lancement de leur modernisation – s'achève, mais il manque l'équivalent du fonds Fernand Sastre de 1998. Il est hors de question que notre participation à de grandes manifestations internationales se limite à la construction de grandes infrastructures. Nous devons exiger un retour concret pour le sport – pas seulement le football – et nos territoires. Pour l'instant, il n'est question que d'investissements mais nous devons porter un projet sportif autour de l'Euro qui, pour le moment, profite beaucoup à l'UEFA, et dans une moindre mesure à la Fédération française de football.

Comment rester insensible aux salaires des footballeurs, même si leurs niveaux, pour nous, ne correspondent plus à rien ? Quoi qu'il en soit, il faut une fiscalité juste. Quand on a des revenus supérieurs à 1 million d'euros par an, la solidarité doit être à la hauteur.

Les moyens humains de mon ministère ont été réduits de plus de 70 % de 2009 à 2011, avec la suppression de plus de 1 330 postes. On est loin de la RGPP et du non-remplacement d'un départ sur deux. Il s'agit d'une véritable saignée. Mais c'est précisément parce que nous ne sommes pas dans un ministère prioritaire qu'il faut éviter une application aveugle de la règle, et partir des missions prioritaires pour adapter ensuite les moyens. L'effort doit aussi aller au-delà des services de l'État, et les opérateurs tels que les établissements publics et les agences doivent aussi y participer.

Le Musée national du sport, pour le moment, est abrité par le ministère, dans des locaux loués mais dans lesquels nous avons investi plus de 5 millions d'euros sans que les collections, d'une richesse exceptionnelle, soient mises en valeur. Un travail a été mené avec la ville de Nice en vue d'accueillir ce musée dans le stade qui sera construit pour l'Euro 2016. Des expertises sont encore nécessaires. Est-il pertinent d'implanter un musée dans un stade de foot situé en dehors de la ville ? Et, sur le plan financier, il manque 7,4 millions pour les exercices 2012 et 2013. Enfin, le montage en vertu duquel la collectivité territoriale met à disposition les mètres carrés et l'État prend en charge 100 % des investissements, des frais de personnel et des frais de fonctionnement, et apporte par-dessus le marché 20 millions pour la réalisation du stade, mérite d'être examiné car il a de quoi faire rêver bien des collectivités ! Des réunions avec la municipalité sont prévues pour aborder ces questions.

M. Deguilhem a eu raison de rappeler que les primes des médaillés aux Jeux olympiques et paralympiques auraient dû être inscrites en loi de finances. S'agissant de leur fiscalisation, qui est la règle depuis Vancouver, notre démarche est guidée par l'idée de justice devant l'impôt. Nous ne reviendrons donc pas sur le principe : les sportifs, comme les autres, seront fiscalisés en fonction de leurs revenus. Mais nous prendrons une mesure en loi de finances rectificative en faveur des personnes en situation de handicap de sorte que leurs primes ne viennent pas les pénaliser au regard de l'allocation adulte handicapé ou de la prestation de compensation. Le code des impôts permet en outre un lissage des revenus exceptionnels, applicable aux primes.

Monsieur Reiss, les associations ont été atteintes dans leurs moyens alors qu'elles doivent participer aux politiques publiques. Et il n'est pas anodin que le Président de la République se soit exprimé devant le Conseil économique, social et environnemental, rappelant ainsi la force des corps intermédiaires et du secteur associatif, si méprisé jusque-là.

Accompagner les bénévoles est une nécessité et, dans ce but, 11 millions d'euros sont affectés au Fonds national de développement de la vie associative. Nous entamons une réflexion avec le ministre chargé de l'économie sociale et solidaire autour du congé d'engagement. Enfin, monsieur Salen, nous entendons accompagner les bénévoles des petits clubs en simplifiant certaines procédures – je pense à celles du CNDS – et en facilitant les déplacements, l'une des premières préoccupations en milieu rural et dans les zones urbaines sensibles, par exemple via l'acquisition de minibus. Dans ce but, des partenariats avec les collectivités pourraient voir le jour.

Le sport a encore beaucoup à faire pour lutter contre les discriminations. Le comité permanent de lutte contre les discriminations, présidé par Laura Flessel, travaille à un guide juridique pour accompagner les petits clubs et les associations qui, faute d'outils, sont souvent démunis face aux actes de discrimination de genre, de race, ou d'homophobie.

La célébration du cinquantième anniversaire du traité de l'Élysée sera marquée par trois moments forts : à Ludwigsbourg, à Berlin et à Paris, pour les cinquante ans de l'OFAJ en juillet prochain. Nous travaillons avec l'Office et le Conseil de l'Europe pour réunir des jeunes. Leur présence est indispensable pour poursuivre le dialogue.

En dehors de ceux de l'OFAJ et de l'Office franco-québécois, beaucoup de dispositifs existent pour favoriser la mobilité internationale – les programmes européens Jeunesse en action, le programme « Jeunesse » au sein du ministère… La stratégie pourrait être plus lisible, surtout qu'ils se superposent aux initiatives des collectivités locales. On a parfois l'impression que la cohérence est ce qui manque le plus.

Le Comité interministériel de la jeunesse, madame Langlade, qui ne s'est réuni que deux fois depuis 1990, sera le cadre de l'action interministérielle du Gouvernement à destination de la jeunesse.

Nous travaillons, monsieur Apparu, avec le ministre de l'enseignement supérieur, autour d'une allocation de formation sous condition de ressources.

À M. Ménard qui s'inquiète des moyens de l'éducation populaire, je rappelle que la nécessaire montée en puissance du service civique ne doit pas se faire au détriment des autres politiques de jeunesse, notamment des grands réseaux d'éducation populaire, le FDVA ou le FONJEP. Sans doute pourra-t-on amorcer une mutualisation des outils pour mieux porter les actions.

Je remercie M. Chalus d'avoir donné un bel exemple de formation aux métiers du sport. Le brevet d'État est indispensable, mais il est, pour certains jeunes, d'un niveau un peu élevé. Aussi envisageons-nous un parcours en amont, destiné à offrir des débouchés dans l'emploi sportif à des jeunes qui ont décroché. Aujourd'hui, le secteur est plutôt fermé alors que des offres existent, je pense notamment à l'emploi de coach athlé santé développé avec la Fédération française d'athlétisme et les entreprises.

La pratique sportive féminine est partout un combat, madame Bouillé ! C'est pourquoi je voudrais faire évoluer le décret « Télévision sans frontière », pour faire plus de place aux équipes féminines. Nous avons tout de même eu la satisfaction, pendant que nos footballeurs donnaient l'image que l'on sait, de voir valorisé par une chaîne le foot féminin, qui a obtenu de bons taux d'audience. Le moment est venu et je ne doute pas que les Jeux olympiques et paralympique seront l'occasion de faire une meilleure place au sport féminin. Le projet de chaîne de télévision numérique terrestre (TNT) porté par le Comité national olympique et le journal L'Équipe devrait également rendre plus visible le sport féminin. J'en profite pour rappeler que nous avons des efforts à faire en faveur des personnes en situation de handicap. Les prochains Jeux paralympiques de Londres nous permettront de faire un peu mieux puisque la cérémonie d'ouverture sera retransmise en direct sur France Ô, et qu'un reportage quotidien sera consacré aux épreuves.

Monsieur Hanotin, à cause des besoins qui s'expriment dans les banlieues, nous avons besoin de réorienter le paquebot du CNDS qui a viré de bord en finançant les grands équipements comme les arenas, les grandes manifestations sportives, et le comité stratégique à l'international alors que ce n'est pas du tout sa vocation puisqu'il devait initialement favoriser les territoires et les petits clubs. Il faut donc changer de cap. Nous avons besoin d'un schéma national des grandes infrastructures mais il faut faire confiance aux territoires, qui sont les mieux placés pour connaître les besoins en équipements de proximité. Dans le cadre de la préparation d'une loi-cadre sur le sport, nous réfléchissons à une assemblée régionale du sport à qui seraient confiés des moyens déconcentrés. Je précise par ailleurs que se déroule, en ce moment, partout en France, l'opération « Savoir nager » qui contribue à l'accessibilité de nos équipements.

Le football comporte toujours, par le biais de ses structures de formation, des enjeux éducatifs et citoyens. Mais il reste du travail pour mettre un peu d'éthique dans ce royaume de l'argent, dans lequel les agents ont beaucoup trop de place et où les jeunes évoluent trop précocement. Le secteur nous échappe en partie mais nous pouvons agir sur la double rémunération des agents et le cumul des fonctions d'agent et d'entraîneur.

En milieu rural, les équipements sont plus difficilement accessibles à cause des déplacements. Il faut faire confiance aux collectivités. J'étais il y a peu maire d'une grande ville et je sais combien le financement du sport repose sur elles. Dans ces conditions, la contractualisation s'impose pour maintenir un équilibre.

Il faut en effet, madame Doucet, travailler en amont de l'Euro 2016 pour appréhender mieux le projet qui est derrière un grand équipement. Cette proposition sera reprise dans l'analyse demandée à la fois par le ministère des sports et le Comité national olympique sur les trois échecs successifs de la candidature de la France aux Jeux olympiques. Il ne s'agit pas seulement de construire des équipements, il faut porter un projet pour la nation. Le slogan britannique Inspire a generation fédère autour d'un projet pour la jeunesse, et pas seulement autour d'une grande manifestation sportive. Il faudrait s'inspirer, en l'élargissant, de l'exemple de la Fédération française de golf qui a su emmener l'ensemble des licenciés pour organiser la Ryder Cup.

Quant au sport à l'école, une réflexion est en cours sur la formation des professeurs des écoles. L'éducation physique et sportive doit y avoir sa place. Commençons par préserver les trois heures d'animation, dit forfait UNSS, des enseignants d'EPS, avant d'accroître les horaires, et faisons en sorte que ces heures soient effectives. D'ailleurs, des postes d'enseignants d'EPS figurent parmi les postes prioritaires ouverts dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012, en cours d'examen par l'Assemblée nationale.

Pour accompagner les dirigeants associatifs, nous travaillons au congé d'engagement, à l'aide à la formation des bénévoles et à la simplification des procédures administratives.

Monsieur Juanico, vous avez raison, utiliser les fonds de concours pour récupérer 19,5 millions d'euros auprès du CNDS plutôt que directement le budget de l'État est une irrégularité que la Cour des comptes a relevée. Mais il faudra être attentifs, au cours des arbitrages, à respecter les procédures tout en conservant nos moyens, et en ramenant le CNDS à ses missions initiales.

Concernant le mécénat sportif, le dispositif d'abord envisagé a été écarté et toute modification du financement des associations doit faire l'objet d'une saisine du Haut conseil à la vie associative. C'est donc ce que j'ai fait au sujet de la fiscalité privée des associations. Nous avons tous conscience que, dans un contexte de réduction des moyens publics, la place du mécénat est d'autant plus importante. Il n'en demeure pas moins qu'il nous a manqué un outil d'évaluation correct du mécénat sportif.

Je remercie Mme Attard d'avoir souligné l'importance de l'éducation populaire. Les plus grandes inégalités ne se manifestent pas à l'école mais dans le temps périscolaire qui mobilise les réseaux d'éducation populaire et les collectivités.

Enfin, pour ce qui concerne les Jeux olympiques de Londres, il me semble que le rôle du ministre des sports n'est pas de fixer le nombre de médailles à rapporter. J'espère qu'il sera le plus élevé possible et que les sportifs qui y participeront seront récompensés à la hauteur de leur investissement personnel. Nous avions été un peu déçus des résultats obtenus à Pékin. À Londres, la France sera représentée dans vingt-quatre disciplines sur vingt-six et j'y trouve déjà une grande satisfaction.

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